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Les analyses d'Andrea Tornielli

Deux articles très éclairants du vaticaniste ami du Pape, autour du voyage en Terre Sainte (27/5/2014)

     

Baisemain

Les articles d'Andrea Tornielli sont devenus plus que du simple journalisme, puisqu'il n'aura échappé à personne que depuis désormais 14 mois, il joue le rôle de porte-parole officieux du Pape. D'où leur grand intérêt, qui dépasse de loin la simple information, et laisse ses confrères loin derrière.

Dans le premier article, il revient sur le geste du "baisemain" employé à plusieurs reprises par François durant le voyage, précisant pudiquement que ce geste a déjà été accompli à Sainte Marthe "avec quelque prêtre âgé" ... dont il se garde bien de nous rappeler le CV - c'est un épisode qu'il semble avoir recouvert du manteau de Noé, faisant une recherche, sur Vatican Insider, sur les mots "Michele de Paolis", je ne trouve rien (cf. La revanche des "mauvais" prêtres (2)).
Il donne l'immpression de chercher à désamorcer d'éventuelles critiques sur le caractère étrange, au moins inhabituel, du geste du Pape - reléguant au rayon des bizareries de l'histoire le "baiser à la pantoufle" des Papes du passé, pour les ridiculiser. Notons qu'à Auschwitz, en 2006, Benopit XVI avait salué des survivants des camps, mais il s'était "contenté" de les embrasser.

     

Et Pie XII ?

Dans le second article, il analyse l'interviewe en vol, dont il avait précédemment fourni une transcription abrégée (Interviewe dans l'avion).
Une chose me frappe. Andrea Tornielli est l'auteur d'une biographie de Pie XII (Pie XII, Un uomo sul trono di Pietro) faisant autorité au point que Benoît XVI l'a citée dans l'homélie de la messe pour le 50e anniversaire de la mort de ce Pape (Benoît XVI et Pie XII).
Et pourtant, IL NE DIT PAS UN MOT DE L'ÉCHANGE CONCERNANT LE "GEL" DE LA BÉATIFICATION DU PAPE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE, et du "service minimum" de François dans la défense de son prédécesseur.

Le «baisemain» inversé d'un Pape qui parle avec des gestes

vaticaninsider.lastampa.it/vaticano/dettaglio-articolo/articolo/francesco-terra-santa

L'analyse de Tornielli: proximité, fraternité, prière pour la souffrance des uns et des autres, c'est ce qu'a communiqué François en Terre Sainte.
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Dans la troisième et dernière journée de son pèlerinage sur les traces de Paul VI et du Patriarche Athénagoras, le pape François a terminé un voyage court mais intense. Le moment clé de la journée a été la mémoire des victimes de l'Holocauste, au Yad Vashem. Ici Bergoglio avec humilité et naturel, a voulu baiser la main aux survivants de l'Holocauste qui lui ont été présentés.
Il fut un temps où ceux qui approchaient le pape régnant devait se jeter au sol pour embrasser sa pantoufle.
Et puis on est passé au baiser à l'anneau, comme pour les évêques.
Et encore aujourd'hui, la rencontre personnelle du pape avec les pèlerins en marge de l'audience générale s'appelle le «baciamano».

Au cours de ce voyage, François a baisé la main du patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée, mais ce geste d'affection et de grand respect, que par ailleurs Bergoglio a déjà accompli à Santa Marta avec un vieux prêtre, peut être d'une certaine manière relié au sacrement du sacerdoce et de l'épiscopat: aux prêtres et aux évêques, on avait coutume de baiser les mains.
On n'avait jamais vu - au-delà d'une mention il y a quelques mois à la reine Rania de Jordanie - un pape qui s'arrêtait, s'inclinant pour baiser les mains de laïcs, avec des histoires différentes, unis seulement par le fait qu'ils appartiennent au peuple juif et ont survécu à cette «monstruosité», cet «abîme du mal» - comme l'a qualifié François - qu'a été l'Holocauste. Un mal qui «n'était jamais arrivé sous la voûte des cieux».

Ce geste d'humilité reflète l'image d'un Dieu qui, en Jésus s'est abaissé, s'est effacé, s'est fait «serviteur bien qu'étant le Seigneur», comme l'a dit, il y a quelques mois François. Les mots simples et directs accompagnés par ces gestes, ont eu un effet vraiment désarmant, ce qui a permis Bergoglio d'être pleinement lui-même, sans préoccupations diplomatiques excessives.
(..)

Ces signaux du pape sur le Synode et les scandales financiers

vaticaninsider.lastampa.it/vaticano/dettaglio-articolo/articolo/francesco-terra-santa

Analyse de l'interview de François: le sommet avec Peres et Mahmoud Abbas, le débat sur les divorcés remariés, le rôle de la Secrétairerie d'Etat, les tracas pour les scandales financiers
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Il y a des passages de l'interviewe du Pape François avec les journalistes de vol Tel Aviv-Rome qui aident à comprendre sa pensée sur certains des sujets les plus débattus de son pontificat et sur ce qui a émergé des trois jours passés en Terre Sainte.

En premier lieu, par ses paroles, y compris celles consacrées à la rencontre de prière organisée au Vatican avec les présidents israéliens et palestiniens, l'approche spirituelle et non-politique du pape pour le problème du conflit entre les deux peuples se confirme.
François, dans interview, a refusé d'exprimer une opinion sur l'avenir possible de Jérusalem, expliquant que «ce serait folie» de sa part de le faire (ndt: le Pape n'aime pas prendre de risques?). Il a confirmé que la rencontre avec Abbas et Peres aurait dû avoir lieu pendant le voyage en Terre Sainte et a réaffirmé que dans les prochains jours au Vatican, le Pape et les deux présidents se réuniront pour prier pour la paix, pour tracer une nouvelle feuille de route des négociations.
Le Pape croit en la puissance de la prière, comme cela a déjà été démontré avec le vigile et le jeûne pour la Syrie en Septembre dernier.
Et dans l'interview il a expliqué que même ses gestes - les prières silencieuses devant le mur qui sépare la Cisjordanie d'Israël, celle devant le mur qui commémore les victimes du terrorisme, ou le geste touchant d'embrasser les mains des survivants de l'Holocauste, n'ont pas été conçus et étudié à l'avance.

Un autre aspect important est celui des scandales financiers. La question partait des polémiques sur l'appartement du cardinal Bertone, citait la perte retentissante de 15 millions d'euro comptabilisée par l'IOR pour un investissement dans Lux Vide, voulu par Bertone et enfin mentionnait le buffet VIP organisée sur la terrasse de la Préfecture pour les Affaires économiques du Saint-Siège à l'occasion de la canonisation des pape Jean-Paul II eJean XXIII.
François a dit qu'il fallait faire en sorte que de telles choses ne se reproduisent plus. Il a expliqué comment la question de la perte de 15 millions est encore «à l'étude», confirmant ainsi que, malgré l'absence d'enquêtes criminelles formelles de la magistrature du Vatican, l'affaire est à l'étude.
Il est frappant de constater que le Pape - bien qu'il en ait eu l'occasion - n'a pas défendu le cardinal Bertone, qui, en revanche, avait tenu à dire publiquement qu'il avait reçu un appel téléphonique de solidarité du pape. Solidarité qui lors de la conférence de presse d'hier, n'a pas été exprimée (1).

(...)

Répondant à une question sur la possibilité, à l'avenir, de renoncer à la papauté comme l'a fait son prédécesseur, François a clairement fait savoir qu'il n'avait rien décidé à ce propos. Et dans le même temps, il a déclaré que grâce à la route ouverte par Benoît XVI, la renonciation, au cas où l'on n'a plus la force de supporter le poids du ministère, est plus facile et moins traumatisante pour les successeurs.

Une question concernant le célibat contenait également une citation de la lettre envoyées par certaines femmes qui ont ou ont eu des relations avec des prêtres, lettre dont le pape a dit avoir connaissance (et dont l'authenticité ne fait aucun doute, avec tout le respect dû à un certain commentateur idéologique) [?]. François a répondu d'une manière simple et claire, répétant ce qu'il avait déjà dit dans le livre écrit par le rabbin Skorka. Le célibat sacerdotal n'est pas un dogme, il y a des prêtres mariés dans l'Eglise catholique (dans les rites orientaux, dans les ordinariats anglo-catholiques), mais le pape le considère comme un don pour l'Eglise, et bien qu'ayant expliqué qu'il est possible d'en discuter, il a laissé entendre qu'un changement à cet égard n'est pas à l'ordre du jour.

Une autre passage significatif a été celui concernant les divorcés-remariés.
Bergoglio a rappelé que le rapport du cardinal Walter Kasper au consistoire de Février de cette année contient plusieurs chapitres sur la famille, mais que l'attention de tous s'était concentrée sur un seul consacré à la pastorale des divorcés vivant dans une seconde union.
Au-delà du débat synodal, que certains voudraient prédéfinir et clore dès maintenant, le Pape a dit sans ambages ne pas avoir apprécié les interventions d'ecclésiastiques - surtout des cardinaux - qui sont entrés publiquement en lice contre l'hypothèse Kasper, se concentrant uniquement sur la question de la communion pour les divorcés remariés, et non sur le thème plus général de la famille.

Enfin, nous ne devons pas oublier la confirmation du voyage au Sri Lanka et aux Philippines en Janvier 2015 , le quatrième voyage international de François, qui en août prochain sera en Corée du Sud. Deux voyages en Asie. En particulier, il est frappant de constater que l'étape philippine sera dans la région touchée par le tsunami. Encore une fois, même dans le choix des voyages - comme le montrent également les visites en Italie, à commencer par Lampedusa - l'évêque de Rome montre qu'il privilégie les périphéries. (2)

* * *

(1) Le Pape devait-il répondre à cette question, alors qu'une enquête est en cours, et que les médias laïcistes en font leur miel?
Et s'en prendre au cardinal Bertone, de la part des médias, n'est-ce pas une façon d'attaquer indirectement Benoît XVI?

(2) N'est-ce pas aussi parce que les Philippines sont le 3e plus grand pays catholique au monde après le Brésil et le Mexique (81% de catholiques sur une population de près de cent millions d'habitants)?