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Les Papes et la mafia

François implacable contre la mafia. Flash-back sur la visite de Benoît XVI à Palerme en octobre 2010 (22/3/2014)

Il a été donné un grand écho médiatique à la "bouleversante soirée de prière, vendredi à Rome, avc des familles touchées par la mafia, où le pape à imploré "a genoux" les mafieux de changer de vie et de "se convertir" (Le Figaro)

Le pape est entré dans l'Eglise en tenant par la main le prêtre très médiatique don Luigi Ciotti, une sorte de Père Gilbert italien, fondateur de l'association Libera, un réseau de lutte contre la mafia et le crime organisé, également très impliqué dans l'activisme social, en particulier l'assistance aux toxico-dépendants. Un prêtre de périphérie, donc...

On se rappelle peut-être que don Ciotti (dont on lira la notice wikipedia en italien ici), assistait aux obsèques "scandaleuses" du prêtre rouge don Gallo (célébrées par le cardinal Bagnasco, qui avait donné la communion à un transexuel notoire), où il avait entonné le chant des partisans communistes italiens Bella Ciao (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/double-scandale-en-italie, avec la réaction du duo Gnocchi-Palmaro - l'épisode a été rapporté par Riccardo Cascioli sur la Bussola, même si la video "témoin" a mystérieusement disparu).
Je sais, on m'objectera: pourquoi un prêtre ne pourrait-il pas assister aux obsèques d'un autre prêtre (voire les célébrer) ? C'est la plus élémentaire charité chrétienne.
Certes! Mais je n'ai pas entendu parler de la présence de don Ciotti aux obsèques de Mario Palmaro. Peut-être y était-il incognito, auquel cas je lui demande de me pardonner.

Quoi qu'il en soit, c'était une occasion pour les médias de rappeler l'engagement constant de Jean Paul II contre la mafia, "enjambant" de fait (comme cela est désormais systématique) le pontificat de Benoît XVI.
Mais aussi, encore plus perfidement, d'insinuer que "l’Église italienne porte deux visages : celui de l'engagement courageux de nombreux prêtres et fidèles contre la mafia, mais aussi celui de compromissions très anciennes, les chefs mafieux fréquentant les églises et se targuant de leurs rôles de bienfaiteurs. Des fonds de la mafia ont transité par la banque du Vatican, l'IOR, et des investissements douteux dans le patrimoine immobilier du Vatican font l'objet d'enquêtes" (www.rtl.fr/).

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Il m'est revenu en mémoire la visite que Benoît XVI avait faite à Palerme le 4 octobre 2010, et le traitement médiatique qui lui avait été réservée - que je qualifiais à l'époque avec le pléonasme "désinformation".
Les discours prononcés par Benoît XVI sont ici: www.vatican.va .

Voici ce que j'écrivais alors (benoit-et-moi.fr/2010-III):

Benoit-et-moi
Octobre 2010

Mensonges des medias, après la visite à Palerme (4/10/2010)
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Voilà ce qu'on peut lire dans la presse française, dimanche 3 octobre à 18h30, au soir de la visite du saint-Père à Palerme:

Benoît XVI appelle à "avoir honte du mal" (AFP).
Le pape Benoît XVI a appelé à "avoir honte du mal" à Palerme lors de sa première visite en Sicile, une terre gangrenée par la mafia. "On doit avoir honte du mal, de ce qui offense Dieu et l'homme, on doit avoir honte du mal qui blesse la communauté civile et religieuse avec des actions qui n'aiment pas être mises en lumière", a dit le pape devant des dizaines de milliers de fidèles, lors d'une messe en plein air célébrée sous le soleil face à la mer sur une vaste esplanade, le Foro Italico.
100.000 personnes étaient attendues selon les organisateurs, mais la police a chiffré l'assistance à 30.000.

Sur la page d'accueil de Google Actualités, le titre est malheureusement tronqué, et voilà ce qu'on lit:

En réalité, dans l'homélie prononcée lors de la messe célébrée sur le "Cours Humbert 1er", le Pape a dit:

La foi vous donne la force de Dieu pour être toujours emplis de confiance et de courage, pour aller de l'avant avec une nouvelle fermeté, pour prendre les initiatives nécessaires pour donner un visage toujours plus beau à votre terre. Et lorsque vous rencontrez l'opposition du monde, écoutez les paroles de l'Apôtre: «Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à notre Seigneur» (v. 8). Il faut rougir du mal, de ce qui offense Dieu, de ce qui offense l'homme; il faut rougir du mal que l'on fait à la communauté civile et religieuse avec des actions qui n'aiment pas être révélées! La tentation du découragement, de la résignation, vient à celui qui est faible dans la foi, à celui qui confond le mal avec le bien, à qui pense que face au mal, souvent profond, il n'y aurait rien à faire. En revanche qui est solidement enraciné dans la foi, qui a pleinement confiance en Dieu et vit dans l'Eglise, est capable de porter la force impétueuse de l'Evangile.
(http://www.vatican.va)

Voici une dépêche de Reuters reproduite sur le site du Point.fr

En Sicile, le pape déçoit les militants anti-mafia
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Benoît XVI a encouragé dimanche les Siciliens à ne pas avoir peur de parler de leurs problèmes, y compris du "crime organisé", mais une partie de la population de l'île a déploré la frilosité du pape qui n'a pas prononcé une seule fois le mot "mafia". (ndt: ce qui est faux, en témoigne son discours aux jeunes, où il a dit: "Ne cédez pas aux suggestions de la mafia, qui est une route de mort , qui est incompatible avec l'Evangile , comme vos évêques vous l'ont dit tant de fois!")

Lors d'une messe en plein air devant plusieurs dizaines de milliers de fidèles rassemblés près du port de Palerme, la capitale de l'île, le souverain pontife a cité les problèmes les plus pressants de la Sicile, notamment le chômage, la précarité et le drame de ceux qui "souffrent physiquement et moralement (...) en raison du crime organisé".

Le pape a émaillé son sermon de formules bibliques, (!!!) faisant référence à "une épouvantable situation de violence" (?) et à la nécessité d'"avoir honte du Mal".
Mais des militants anti-mafia ont estimé que Benoît XVI n'était pas allé assez loin dans sa dénonciation du crime organisé.
"C'est une grande déception. Je crois que les gens de Palerme restent sur leur faim", a déclaré à Reuters Rita Borsellino, dont le frère Paolo, l'un des principaux juges anti-mafia, a trouvé la mort dans un attentat à la bombe en 1992 en plein centre de la capitale sicilienne.
...
Lors d'une visite dans l'île en 1993, le prédécesseur de Benoît XVI, Jean Paul II, s'en était pris avec force aux mafieux. Avant de quitter la ville d'Agrigente, il les avait menacés de la colère divine s'ils ne se convertissaient pas au Bien, affirmant qu'ils auraient un jour des comptes à rendre à Dieu.

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Si je n'avais pas traduit l'homélie, je me demanderais si nous parlons du même texte!

Le Père Lombardi a fait plus tard une mise au point, sur l'affluence, après une fausse nouvelle diffusée par une agence italienne: ce n'était pas 30 000, mais plus de 250 000 personnes.

Et finalement:

En chemin vers l'aéroport de Palerme, avant de retourner à Rome, le Saint-Père s'est arrêté pour déposer une gerbe de fleurs devant le monument en mémoire de Giovanni Falcone, le juge assassiné par la mafia en 1992.

Les critiques en sont restés (très momentanément) tout bêtes...

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Le Pape n'a pas à servir de supplétif aux politiques.
Et le Pape sait bien que le mal, aujourd'hui, n'est pas représenté QUE par la mafia. Mais qu'il est bien ailleurs, et même surtout ailleurs.

     
Et aujourd'hui....

Il semble qu'il soit moins dangereux - et surtout plus valorisant médiatiquement - de s'en prendre à la mafia qu'à certains pouvoirs "forts" qui tiennent le monde dans leurs mains...

Pour en juger, cette capture d'écran du site "Il Sismografo": il est intéressant de relever les titres des médias enthousiastes: