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Les Papes et le monde

Réflexions d'Antonio Socci à la veille de la canonisation de Jean Paul II (16/4/2014)

On a l'impression (peut-être toute personnelle) que, derrière l'apparence d'une défense sans faille du Pape (contre ceux, bien réels qui cherchent à subvertir son message, ou à l'ignorer lorsqu'il dérange) le journaliste lance de plus en plus, mine de rien, des "messages" que , prudemment, il nous laisse la liberté de déchiffrer. L'un d'entre eux tient (me semble-t-il) dans ces mots de Jésus: « Malheur à vous quand tous les hommes diront du bien de vous ».

Ceux qui ne voulaient pas de Saint Wojtyla ...
Grandeur de Jean Paul II.
Le devoir des papes: défendre le troupeau de la dictature du monde.
(Antonio Socci, avril 2014)

http://www.antoniosocci.com
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Andrea Riccardi (président fondateur de Sant'Egidio) a révélé, dans un livre, le contenu de la «déposition» du cardinal Carlo Maria Martini au procès de canonisation de Karol Wojtyla.

Ses paroles ont fait une triste impression, non seulement parce qu'il juge inopportune l'élévation de Jean-Paul II aux autels (au contraire très désirée par le peuple chrétien qui sera sur la place Saint-Pierre le 27 Avril prochain). Mais surtout, par la manière, et les arguments utilisés.

CRITIQUES
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Certains ont écrit que c'était «la vengeance du cardinal Martini», qui «en s'opposant à la canonisation du pape Wojtyla a voulu prendre une revanche».
Mais je ne veux pas croire (!!) que le cardinal cultivait de tels resentiments, aussi parce que c'est Jean-Paul II qui l'avait nommé archevêque de Milan, l'avait créé cardinal et - comme Ratzinger - a toujours eu des mots d'estime personnelle envers lui.
On note toutefois quelques «chutes de style» dans la déposition de Martini. Lequel critique Wojtyla, entre autre, pour ses nominations, précisant «en particulier dans les derniers temps» (sa nomination a au lieu dans les premiers temps).
En outre, le prélat attaque Jean-Paul II pour son soutien aux mouvements ecclésiaux. Cette animosité martinienne envers les nouvelles réalités suscitées par l'Esprit Saint l'a empêché de voir à quel point le Pape Wojtyla avait renouvelé l'Église, valorisant les charismes et les mouvements impétueux de renouveau de la foi, qui sont les véritables fruits positifs du Concile.

Il y a aussi d'autres critiques de Martini, dans cette déposition, qui déconcertent. Par exemple, il affirme que Jean-Paul II se place «au centre de l'attention, en particulier dans les voyages, avec le résultat que les gens le percevaient un peu comme l'évêque du monde et que le rôle de l'Église locale et de l'évêque en sortait obscurci».
Cette désolante considération oublie que le pape Wojtyla devait conforter dans la foi et le courage des millions de chrétiens qui, dans les années soixante-dix, étaient persécutés et incarcérés en Orient, et humiliés et réduits au silence en Occident.
En outre, les pèlerinages de Jean-Paul II donnèrent un formidable élan missionnaire justement aux églises locales (il suffit de penser aux seize voyages en Afrique et à la renaissance de la foi qui a suivi sur ce continent).
Martini reconnaît pourtant quelques aspects positifs au Pape Wojtyla, par exemple, «la vertu de la persévérance», mais il ajoute immédiatement qu'elle était excessive parce qu'il a décidé de rester pape jusqu'à la fin: «personnellement, je considérerais qu'il avait des raisons de se retirer un peu avant».
A dire la vérité, le même Martini, une fois terminé son épiscopat à Milan, ayant atteint l'âge canonique, au lieu de se retirer dans une vie de prière, comme il l'avait annoncé, a intensifié sa présence médiatique. Et durci ses critiques de l'Eglise. Un comportement qui a déconcerté de nombreux fidèles.
D'autre part, le cardinal de Milan, pendant tout le pontificat de Wojtyla (et aussi de Ratzinger), a été salué par les médias laïcistes comme leur (anti)pape.
Et on ne peut pas dire qu'il a fait des efforts visibles pour se soustraire aux flatteries insidieuse des anti-catholique, bouffeurs de curés et incroyants. Lesquels faisaient la course pour l'encenser, l'interviewer et amplifier sa critique de l'Eglise.

OU CÉSAR, OU DIEU
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Le Pape Wojtyla - avec son charisme personnel et sa foi profonde - a fasciné les personnes, des millions de personnes allaient à sa rencontre pour l'entendre. Mais il n'a jamais été aimé par les puissances de ce monde. Et même, il a été littéralement détesté.
Dès le début, il fut stigmatisé comme réactionnaire, anti-communiste, bigot, «trop polonais» et ainsi de suite. Ensuite, - vu la force de son charisme et l'amour qu'il suscitait dans les foules - on a estimé qu'il valait mieux ne pas s'opposer à lui frontalement, et on a essayé de l'user par d'autres moyens.
Mais le grand Jean-Paul n'a jamais édulcoré la vérité. Dans son amour pour le Christ et pour les hommes, il a toujours appelé bien le bien et mal le mal.
Joseph Ratzinger, avec son récent témoignage recueilli par Wlodzimierz Redzioch dans le livre «Aux côtés de Jean-Paul II» a insisté précisément sur ce point:
«Jean-Paul II n'e demandait pas d'applaudissements, il n'a jamais regardé autour de lui, inquiet de la façon dont ses décisions seraient acceptées. Il a agi à partir de sa foi et de ses convictions, et il était même prêt à subir des coups. Le courage de la vérité est à mes yeux un critère de premier ordre de la sainteté. Ce n'est qu'à partir de sa relation avec Dieu que l'on peut comprendre son engagement pastoral inlassable. Il s'est donné avec une radicalité qui ne peut pas être expliquée autrement ».

Déjà à la mort de Paul VI, le 10 Août 1978, Ratzinger disait:
«Un pape qui, aujourd'hui, ne subirait pas la critique manquerait à son devoir devant l'époque. Paul VI a résisté à la télécratie et à la démoscopie (ndt: en sociologie, science dont l’objet est de sonder l’opinion) les deux pouvoirs dictatoriaux d'aujourd'hui. Il a pu le faire parce qu'il ne prenait pas comme paramètre le succès et l'approbation, mais la conscience, qui se mesure sur la vérité, sur la foi» (benoit-et-moi.fr/2013-II/benoit/une-homelie-inedite-de-joseph-ratzinger).

En effet, devenu lui-même pape, Benoît XVI, en défense des petits et des pauvres dénonça la «dictature du relativisme». Et il a toujours affirmé que le ministère de Pierre était lié au martyre.
Un martyre physique pour les papes des trois premiers siècles. Un martyre moral pour les papes d'aujourd'hui (mais Wojtyla a aussi répandu son sang).
Non pas que les chrétiens doivent chercher la haine du monde, bien sûr. Mais les «pouvoirs dictatoriaux» des idéologies ou du nihilisme et sont des réalités et menacent ou conditionnent lourdement l'Église.
Jésus lui-même dans le Sermon sur la montagne avait averti les siens de rester libre et de se soustraire aux conditionnements:
« Malheur à vous quand tous les hommes diront du bien de vous » (Lc 6, 24-26).
Les vrais disciples de Jésus sont en effet un signe de contradiction pour les pouvoirs mondains:
«Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est de lui; parce que vous n'êtes pas du monde (...) le monde vous hait. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi » (Jn 15, 18-20).

Jésus a été jusqu'à indiquer aux siens cette béatitude:
«Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïront, et quand ils vous insulteront et rejetteront votre nom comme infâme, à cause du Fils de l'homme. Réjouissez-vous ce jour-là et tressaillez de joie, car voici, votre récompense sera grande dans les cieux » (Lc 6, 20-23).

Cela ne signifie pas qu'on doive chercher la persécution, mais qu'on ne doit pas être esclaves des pouvoirs et des idéologies de ce monde. Pierre doit toujours enseigner qu'entre obéir à César et obéir à Dieu, il faut choisir Dieu


FRANÇOIS ET LES MÉDIAS
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Et il ne suffit même pas de déclarer ouvertement le bon choix, parce que la «dictature» du «politiquement correct» est insidieuse. Exemplaire et inquiètante est la manière dont sont pliées certaines phrases du pape François vers cette «pensée unique».

Tandis que certaines de ses interventions très fermes sont ignorées, comme celle de vendredi dernier, contre l'avortement, l'euthanasie et pour la famille naturelle homme-femme («il faut réaffirmer le droit de l'enfant de grandir dans une famille avec un papa et une maman capable de créer un environnement propice à son développement et sa maturité affective. Continuant à mûrir en relation à la masculinité et à la féminité d'un père et d'une mère»).

Le Pape - en référence claire à l'actualité - a également invité à «soutenir le droit des parents à l'éducation morale et religieuse de leurs enfants. «À cet égard, a-t-il ajouté, je tiens à exprimer mon refus de toute forme d'expérimentation éducative avec les enfants. Avec les enfants et les jeunes, on ne paut pas expérimenter. Ce ne sont pas des cobayes! Les horreurs de la manipulation éducative que nous avons vécue dans les grandes dictatures génocides du XXe siècle n'ont pas disparu; elles conservent leur propre actualité sous des formes et des propositions différentes qui, avec le prétexte de la modernité, poussent les enfants et les jeunes à marcher sur la route dictatoriale de la "pensée unique"» (discours au Bureau international catholique de l’enfance (BICE), 11 avril 2014).

Dans la nuit de la "pensée unique", ces mots sont lumière et liberté pour tous, comme l'étaient ceux de Wojtyla et de Ratzinger.