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Mgr Fellay et les deux derniers Papes

Le Supérieur de la FSSPX s'exprime en particulier sur Benoît XVI et son successeur (1/6/2014, mise à jour)

     

Monique attire mon attention sur une conférence en deux parties qu'a récemment donnée Mgr Fellay, sur le thème "Où va l'Eglise?" (et où va la FSSPX) [Cf. /laportelatine.org/].
Elle précise à juste titre:
Il est généralement impossible d'adhérer à tout ce qu'il dit mais , pour une fois, il me semble assez clairvoyant sur François et sur le déroulement éventuel du synode.

***

La première partie de l'exposé s'intitule "DECADENCE ET RESISTANCE DANS L'EGLISE DEPUIS UN SIECLE": cela va de Saint Pie X à François, en passant évidemment par le Concile, et Mgr Lefebvre. Je ne parlerai pas ici de la seconde partie, consacrée à la Fraternité, un sujet qui ne m'intéresse pas spécialement.

Il y a deux paragraphes consacrés à Benoît XVI, qualifié de "moderniste-conservateur", ce qui est un raccourci très discutable, et c'est peu de dire que je ne les ai pas appréciés, surtout quand je lis:

"Chaque fois qu'il part dans la théorie on ne comprend plus rien, on ne sait pas ce qu'il veut dire, c'est effrayant ; quand il est dans le concret ça va un peu mieux".

Si Mgr Fellay ne comprend rien à Benoît XVI, c'est peut-être qu'il n'est pas à la hauteur (l'incompréhesion, hélas, nous en avons vu les effets)
Benoît XVI est présenté comme un velléitaire (un mou, en somme!!), et Mgr Fellay ose écrire, contre l'homme d'un grand courage qui a été l'objet d'attaques féroces, à cause de lui, à cause de l'acte de bonté paternelle accompli en levant son excommunication, sans que lui-même ait jamais eu un mot de remerciement:

"Il essaie vaille que vaille ; il n'est pas très fort, on le sait bien ; cela va même aller jusqu'à la démission. Ce n'est pas un acte de force, la démission. Il n'en peut plus. Je pense qu'on écrira encore des livres sur les raisons de sa démission. Il me semble que celle qui a été donnée, c'est-à-dire l'incapacité de gouverner, est plausible".

Quelle ingratitude!
J'ai également peu apprécié (c'et un hyper-euphémisme) la critique adressée à Benoît XVI d'avoir voulu "dédouaner" le Concile, en séparant le vrai Concile du Concile des médias, faisant ainsi - prétend-il - porter la faute des échecs sur d'autres.
C'est aussi caricatural que mensonger. Et c'est d'autant plus injuste que depuis plus de 30 ans, Joseph Ratzinger puis Benoît XVI a toujours assumé sur ses propres épaules les fautes des autres.

Des flots d'encre ont été déversés sur le Concile, par des gens bien plus savants que moi (et sans doute que Mgr Fellay), mais ceux qui ne vivent pas dans une bulle (comme peut-être le font les membres de la FSSPX) savent qu'il y a bien eu un Concile des médias, que les médias pèsent de toutes leurs forces sur les affaires de l'Eglise, et orientent l'opinion. Ils savent aussi que le "tsunami" des années 68 a tout emporté, et que toute la "faute" ne peut retomber entièrement sur "Rome" (elle a tout au plus une responsabilité marginale).
Dès 1985, le cardinal Ratzinger, alors préfet de la CDF dénonçait avec vigueur, et encore une fois, grand courage, les dérives (cf. le livre d'entretiens avec Messori), et on peut supposer que les idées qu'il exposait alors avaient été méditées depuis longtemps.
Benoît a vécu tout son Pontificat comme un tâche de redressement et de correction, depuis le fameux discours des voeux à la Curie Romaine de décembre 2005, où il a inventé le concept d'herméneutique de la réforme dans la Continuité, jusqu'à son testament spirituel de la splendide lectio devant les prêtres de Rome de février 2013.

Passons. C'est si excessif que c'est sans portée
Il y a des gens "inconvaincables", et des deux bords, ils sont de mauvaise foi, il n'y a rien à faire. Du reste, Mgr Fellay a-t-il une quelconque latitude pour dire autre chose?

Plus intéressant est le paragraphe consacré au Pape actuel, dont il brosse un portrait curieusement moins critique que celui de Benoît XVI.

François, dit-il est un homme de praxis (c'est-à-dire, en fin de compte, un homme d'action, à opposer au "faible" Benoît). Dans l'optique actuelle, être un homme d'action est nettement moins dévalorisant qu'être un velléitaire. Notre époque n'aime que les gagneurs.
Ce qui suit est assez bien vu:

Comprendre François ? Ce n'est pas facile. Un argentin m'a donné la clé de compréhension. Il m'a dit « Faites attention ! Vous les Européens, vous aurez beaucoup de peine à le comprendre : il n'est pas un homme de doctrine. C'est un homme de praxis, de pratique ».

Voyez ! Quand on parle d'un homme de doctrine, cela veut dire qu'il est un homme de principe ; il agit selon des principes ; il y a des choses qu'il ne fera pas à cause de ses principes même s'il doit en souffrir ; c'est la foi qui dit qu'il y a des choses qu'on ne fait pas ; l'homme de principe est prêt à supporter quelque chose de douloureux au nom de ses principes ; il se tient, c'est tout. L'homme de praxis est comme une anguille qui essaie de se faufiler dans la réalité et d'en tirer le maximum d'avantages, peu importe ce qui se passe autour, peu importe les théories. Dire cela du pape, vous vous rendez compte ! Mais on le voit tous les jours, excusez-moi de devoir dire ça comme ça.

Cependant, de nouveau ce n'est pas aussi simple qu'on le voudrait ; dans beaucoup de sermons de Ste Marthe le matin, le pape a un langage qui nous est très familier ; en fait c'est le même que nous : il parle du Ciel, de l'enfer, du péché, de la nécessité de la contrition, toutes choses qui nous sont extrêmement familières… Mais serait-il conservateur par hasard ?... Il dit des choses comme cela mais c'est toujours de la pratique ; souvent ça a l'air raisonnable ; puis, tout d'un coup, il y a une petite phrase qui détonne et on se dit « mais ça ne va pas, ça ! ».

Je vous en donne une : il est en train de parler dans une église, devant lui il a des SDF en minorité catholiques, les autres étant des musulmans. Il leur parle, il leur parle à un moment de la Croix, il leur dit qu'il faut porter la croix, qu'il faut montrer la croix, puis il dit « voyez-vous, c'est normal, les chrétiens doivent prier ; eh bien, priez avec la Bible », puis il s'adresse aux musulmans : « Vous les musulmans, priez avec le coran » ; comme si les 2 étaient complètement à égalité ! Mais ce n'est pas simplement comme si ; la phrase suivante est : « Vous savez, ce qui est important c'est d'être fidèle à ce que nos parents nous ont donné. Soyez fidèles, tenez ça et tout ira bien ». Catholiques, musulmans, vrai, faux, blasphèmes, hérésies, peu importe, il faut être fidèles à ce que nous avons reçu de nos parents et tout ira bien ! Là ça ne va plus ! Il est en train de parler à tous ces gens, il n'est pas en train de parler seulement à des catholiques. S'il ne parlait qu'à des catholiques, oui c'est ce qu'il faut dire « gardez, soyez fidèles à ce que vous avez reçu de vos parents ». Evidemment ! mais on ne dit ça qu'à des catholiques, pas aux autres !

Enfin, difficile de ne pas partager les craintes formulées ici par Mgr Fellay à propos du prochain synode:

Au niveau des moeurs et de la morale, il y a cette fameuse question de la communion aux divorcés. Vous allez voir, avec ça c'est tout qui va venir car ce point est un verrou qui protège encore toutes les notions de la famille, de la famille chrétienne, de son indissolubilité. Il [François] travaille de manière extrêmement habile ; fait-il cela par ingénuité ou est-ce calculé ? J'ai beaucoup réfléchi et je crois que c'est calculé ; je peux me tromper, j'espère que je me trompe mais je pense que c'est calculé : on donne un coup puis après un cardinal essaie de récupérer les affaires, puis on redonne un coup et on essaie de nouveau de récupérer les affaires, et à la fin plus personne ne sait ce qu'il faut croire ou pas.
(...)

* * *

Que conclure de tout cela?
On pourra m'objecter: pourquoi ce que dit Mgr Fellay de Benoît XVI serait-il faux, et ce qu'il dit de François serait-il juste?
Je pourrais répondre: parce que je vous le dis, parce que je ne parle que de ce que je connais, et que je sais que j'ai raison (je le pense de toute façon!!!)

Plus sérieusement, je crois que François ne représente pas un danger pour Mgr Fellay (au contraire! alors que sous Benoît XVI on parlait même de rupture dans la Fraternité!). Et que le reste fait partie de la croix que Benoît XVI a accepté de porter depuis plus de 30 ans.

* * *

Mise à jour

(De Monique)
Benoît XVI a sacrifié sa réputation et usé sa santé pour refaire l'unité des catholiques.
La question: "Pourquoi ce que dit Mgr Fellay de Benoît XVI...", je me la suis posée aussi.
Je dirais qu'il y a des gens qui mordent la main qu'on leur tend. Par orgueil, ils ne veulent rien devoir à personne. Ils cherchent à humilier celui qui les aide alors qu'ils épargnent ceux qui les ignorent ou qui leur sont hostiles.
Jusqu'à présent, le Pape François n'a montré aucun intérêt pour la FSSXP. Il sera donc moins attaqué que Benoît XVI.