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Petit lexique de novlangue ecclésiale

La réflexion tonique du Père Santiago Gonzales, un jeune prêtre espagnol déjà croisé dans ces pages - cette fois sur le "langage meringue" de plus en plus à la mode dans certains milieux catholiques. Traduction de Carlota (7/3/2014)

>>> Cf.
La peur, l'ennemi de la nouvelle évangélisation

     

Dans cet article (infocatolica.com), le Père Santiago González s’en prend à un certain langage qu’il appelle langue « meringue », en référence à la pâtisserie française à base de blancs d’œufs et de sucre.
J’aurais traduit par langage gnangnan.
Mais peut-être que d’autres penseront au langage des catholiques adultes, de ceux de Vatican II, et qui sont tellement heureux d’avoir retrouvé le grand souffle de ce concile depuis l’arrivée du Pape François (j’entends beaucoup ce genre de réflexions autour de moi en ce moment, alors que j’ai plutôt l’impression que certaines choses ont de nouveau repris un grand coup de vieux et de dépassé).
Je me contenterai donc d’au moins prier pour que de jeunes prêtres, comme le Père Santiago, conservent l’enthousiasme et l’humour exprimés en particulier dans la dernière phrase de ce texte… et qu’ils nous aident à les partager.
(Carlota)

     

Du langage “meringue”… délivre-nous, Seigneur!

P. Santiago González, prêtre, diocèse de Séville
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La meringue est un produit qui paraît beaucoup mais nourrit bien peu. C’est « beau » dans sa forme et c’est de peu de valeur alimentaire dans son fond. C’est appétissant de par son aspect mais cela devient toujours la même chose si on en consomme de trop. La meringue est, à mon avis, un élément que l’on pourrait comparer au langage utilisé dans la théologie moderniste qui est liée à la pensée postmoderne où l’on valorise l’émotivité au-delà de l’amour, l’image sur le fond, le confort au dessus du sacrifice…l’apparence au dessus de la vérité.

La « meringue » est utilisée aujourd’hui en catéchèse à tous les niveaux, des prédications, des actions de formations, des lettres dominicales…et constitue l’un des effets les plus nocifs de la sécularisation interne de l’Église Catholique. Nous allons dévoiler quelques mots clefs de cette catéchèse meringue qui devient envahissante et assommante (ndt le mot espagnol veut dire aussi écœurer pour un aliment) dans trop de domaines pastoraux surtout en Occident :

La Sainte Messe, pour éliminer toute référence au « Saint Sacrifice » [sur la Croix], on l’appelle BANQUET.

La Confession, pour éliminer toute responsabilité morale personnelle, on l’appelle SOULAGEMENT DE LA CONSCIENCE.

Ne pas communier à la Messe si l’on n’est pas en [état de] Grâce, on l’appelle un MANQUE D’AFFECTION ENVERS DIEU QUI T’INVITE.

Le péché, on l’appelle ERREUR PERSONNELLE, jamais une offense envers Dieu.

Le péché Mortel on l’appelle ABANDON DE LA FOI.

Le concept d’ «Offense envers Dieu », on l’appelle ORGUEIL DE PENSER QUE L’ON PEUT OFFENSER DIEU.

Du baptême pour éviter d’évoquer son caractère ontologique (ndr donc transcendant et par rapport à Dieu), on parle d’ADHÉSION À L’ÉGLISE.

Satan, pour que nous ne croyions pas qu’il existe, on l’appelle LE MAL.

La Mort, pour que nous n’ayons pas à prier pour le défunt, on l’appelle TRANSIT AU CIEL.

L’Église, pour favoriser un éclectisme pratique, on tente de ne pas l’appeler « Corps du Christ ».

La Communauté, à quelque niveau qu’elle soit, on l’appelle ASSEMBLÉE et l’on tombe sur l’aspect socio-politique.

Le prêtre pour réduire son caractère ontologique, on l’appelle AGENT PASTORAL, ou peut-être MINISTRE (ndr et là bien sûr l’on se rapproche, en plus, des appellations de NOS FRÈRES PROTESTANTS !)

L’Eucharistie, pour réduire le domaine du Mystère, on la qualifie de SYMBOLE.

L’Enfer, on ne l’appelle d’aucune façon puisqu’ « il n’existe pas ou s’il existe il est intra-historique (*), personnel ou il est vide »

Le Purgatoire on le nomme comme un concept lié au langage du passé, et déjà qui n’a plus de raison d’être expliqué.

L’Hérésie, on l’appelle VÉRITÉ QUI EST DEVENUE FOLLE.

L’Hérétique on l’appelle RÉFORMATEUR, ou personne qui fait une DÉNONCIATION PROPHÉTIQUE.

Le Magistère de l’Église on l’appelle THÉORIE TOUJOURS EN ÉVOLUTION.

Le Dissentiment contre le Magistère on l’appelle ATTITUDE DE FOI MATURE.

La Sainteté on la définit depuis le seul DON DE DIEU, mais sans participation libre de l’être humain.

L’Effort Moral Personnel on l’appelle PÉLAGIANISME (ndt de l’hérétique Pelagius qui au IVème siècle s’opposait à l’idée de péché original et à la grâce divine).

La Mortification….C’est quoi ça ? …on l’appelle DÉRÉGLEMENT MENTAL.

Les Dévotions Traditionnelles, on les appelle des ATTITUDES DE FOI IMMATUREs (récitation du Rosaire, dévotion aux anges gardiens…).

Le Soin et le Respect envers Jésus Saint Sacrement, on les appelle des RESTES TRIDENTINS.

Communier à genoux, on appelle cela du MAUVAIS ESPRIT.

L’enfantement virginal de Marie on l’appelle ASPECT À MÛRIR PAR LA THÉOLOGIE.

La Résurrection historique du Christ, on l’appelle EXPÉRIENCE SPIRITUELLE DE SES DISCIPLES.

La Mission on l’appelle ÉCHANGE CULTUREL.

L’enthousiasme du Missionnaire à «tous les baptisés » (Marc 16), on l’appelle FANATISME FONDAMENTALISTE.

La Liturgie on l’appelle DIALOGUE DE L’ASSEMBLÉE, et non pas « Exercice du Sacerdoce du Christ ».

Je pourrais continuer…Peut-être que les lecteurs peuvent compléter mieux encore ce dictionnaire de la MERINGUE pastorale. Le message de fond est que nous revenions à un langage de catéchiste, d’homélie, pastoral, épistolaire …qui ait un contenu clair, concret…Catholique, pour que s’évapore la meringue qui écœure et qu’on laisse passe la LUMIÈRE qui réconforte.

Et si on me permet, depuis un humour sain, une phrase finale :

Le Prêtre qui signe cet article…on l’appelle « utopiste dont l’enthousiasme passera quand sa foi aura mûri… ».

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(*) Intra historique : néologisme de l’écrivain Miguel de Unamuno pour désigner ce qui touche à la tradition.