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Une curieuse homélie à Sainte Marthe

Le désormais fameux "qui suis-je pour ..." parfois décliné au pluriel "qui sommes-nous pour..." revient comme un leit-motiv dans la méditation matinale de François, le 12 mai. Traduction d'après la version en italien publiée sur le site du Vatican.

L'expression se retrouve pas moins de 8 fois dans un texte d'à peine plus d'une page. Cela ne peut pas être un hasard.

Monique me signale cette homélie, notant: Le Pape semble faire allusion aux préparatifs du synode. Il a peut-être quelques difficultés avec les cardinaux et un certain nombre d'évêques ou prêtres.

J'ai traduit la version la plus "officielle", pour ne pas risquer de fausse interprétation, et je suis vraiment intriguée.

On peut penser qu'il s'agit pour le Pape de répondre à ceux qui refusent le baptême aux enfants dont les parents sont en situation irrégulière. On peut y voir aussi, plus largement, un message codé, une sorte d'avertissement adressé à ceux qui s'opposent à la communion aux divorcés remariés.
Qui sont ceux qui "ferment les portes", qui sont ceux qui veulent "mettre l'Esprit Saint en cage". Qui sont les "chrétiens de Jérusalem" d'aujourd'hui?
Certes, l'Esprit Saint est l'Esprit Saint, mais on peut aussi l'instrumentaliser, en lui faisant dire tout et son contraire, pour justifier l'injustifiable.
Que signifie, alors, "l'Esprit va de l'avant, portant l'Eglise vers l'avant"? Qu'est-ce qu'une Eglise qui chemine " au-delà des limites, plus en avant"? Que sont ces "choix impensables"?

Texte en italien ici (truffé des habituels guillemets du journaliste transcripteur): w2.vatican.va/content/francesco/it/cotidie/2014/documents/papa-francesco-cotidie_20140512_siamo-tutti-ostiari.html

     

Dans l'Église tous, sans distinction, nous sommes chargés de pratiquer l'antique ministère de l'ostiaire, c'est-à-dire "celui qui ouvre les portes" et "accueille les gens". Et d'ailleurs, dans l'histoire de l'Église il n'a jamais existé de ministère de "celui qui ferme les portes" à la face des gens.

C'est donc une invitation à ne pas "mettre en cage" l'Esprit Saint, que le Pape a adressée durant la messe célébrée lundi matin, le 12 mai, dans la chapelle de Santa Marta. Dans son homélie, l'évêque de Rome a repris une page des Actes des Apôtres (11, 1-18), que je considère, a-t-il confié comme "l'un des plus beaux passages" et dont "nous apprenons beaucoup, nous les évêques".
Déjà l'incipit est très fort: "Les apôtres et les frères qui étaient en Judée apprirent que les païens avaient aussi reçu la parole de Dieu; et quand Pierre monta à Jérusalem, les fidèles circoncis le lui reprochèrent en disant: Tu es allé dans la maison des hommes non circoncis et tu as mangé avec eux."

A leurs yeux, "c'était un scandale", une chose qu'ils avaient pensé ne jamais arriver. Pour eux, il n'était même pas imaginable d'entrer dans la maison et même de s'asseoir à la table avec des gens non circoncis, pour une question d'impuretés. Au contraire, Pierre, non seulement l'avait fait, mais il avait aussi baptisé ces gens. En un mot, ils avaient pensé qu'il était "fou". Comme si "demain, arrivait une expédition de martiens verts, avec un long nez et de grandes oreilles comme les dessinent les enfants". Mais si l'un d'entre eux disait: "Je veux le baptême" qu'est-ce qui se passerait?

Donc, Pierre, disent les Actes des Apôtres, "raconte ce qui s'était passé, comment c'était l'Esprit" qui l'avait poussé. C'est le même Esprit qui avait dit à Philippe qu'il devait aller baptiser le ministre de l'économie de Candace, comme nous le lisons encore dans les Actes (1).

C'est justement l'Esprit qui "a poussé à Pierre à aller de l'avant", l'a encouragé, car "il n'y a aucune chose impure". Et Pierre a obéi. Ensuite, le Pape a rappelé, "il est arrivé ce que nous savons": le baptême de Corneille et de toute sa famille". Mais aux reproches des "frères de l'Église de Jérusalem", Pierre réplique "par cette phrase: Si donc Dieu leur a donné le même don qu'il nous a donné, pour avoir cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je pour mettre des obstacles à Dieu?".

Une question qui aujourd'hui, a dit le Pape, atteint chacun de nous, parce que "quand le Seigneur nous montre le chemin, qui sommes-nous pour dire: 'non, Seigneur, ce n'est pas prudent, non, faisons ainsi'?". C'est Pierre qui a "pris cette décision" et dit: "Qui suis-je pour mettre des obstacles?". C'est vraiment "une belle parole, - a dit le Pape - pour les évêques, les prêtres et aussi pour les chrétiens: qui sommes-nous fermer les portes?". Ce n'est pas un hasard que dans l'Eglise, il y a toujours eu le "ministère de l'ostiaire", qui est celui qui ouvre la porte, reçoit les gens et les fait passer, mais "il n'y a jamais de ministère de celui qui ferme la porte, jamais".

En outre, a poursuivi le Pape, le Seigneur avait dit à ses disciples qu'il enverrait "un autre Paraclet", lequel, a-t-il assuré, "vous guidera dans toute la vérité". Ainsi, "le Seigneur laisse la direction de son Eglise à l'Esprit Saint". Et c'est encore vrai aujourd'hui, parce que "la direction de l'Eglise, le Seigneur l'a laissée dans les mains de l'Esprit Saint: c'est lui qui nous guide tous avec la grâce reçue dans le baptême et les sacrements."

L'Esprit Saint n'avait pas épuisé sa mission le jour de la Pentecôte - a dit le Pape - quand il était descendu sur eux, et puis il y avait "trop de bruit" au point "qu'on disait: mais ces gens n'avaient-ils de café au lait, et n'ont-ils pas bu un peu de vin au petit déjeuner". En réalité, "ils n'étaient pas ivres": L'histoire "a commencé" ce jour-là et depuis lors, "l'Esprit va de l'avant, portant l'Eglise vers l'avant".

Et il est "curieux", a fait remarquer le pape, le comportement des "chrétiens de Jérusalem qui étaient de bons croyants": après l'avoir réprimandé et traité Pierre de "fou", ils ont écouté son explication, et puis "ils se sont calmés et ont commencé à glorifier Dieu, disant: 'Donc, aux païens aussi Dieu a accordé qu'ils se convertissent pour qu'ils aient la vie'."

C'est donc "l'Esprit Saint qui, comme le dit Jésus, nous enseignera tout". Et il le fera de telle sorte "que nous nous souvenions de ce que Jésus nous a enseigné". L'Esprit "est la présence vivante de Dieu dans l'Église, c'est ce qui fait aller l'Eglise, qui fait cheminer toujours plus l'Eglise, au-delà des limites, plus en avant". C'est lui qui "avec ses dons guide l'Église. On ne peut pas comprendre l'Église de Jésus sans ce Paraclet que le Seigneur nous envoie" et qui porte "à ces choix impensables". Pour utiliser une "parole de saint Jean XXIII: c'est l'Esprit Saint qui met l'Eglise à jour et la fait avancer"

Le Pape a ensuite invité les chrétiens "à demander au Seigneur la grâce de la docilité à l'Esprit Saint, la docilité à cet Esprit qui nous parle dans le cœur, nous parle dans les circonstances de la vie, nous parle dans la vie de ecclésiale, dans les communautés chrétiennes, nous parle toujours: va de l'avant, prends des décisions, fais cela...". Et il a aussi suggéré de toujours se rappeler la question de Pierre, "Qui suis-je pour poser des obstacles à l'Esprit Saint? Qui suis-je pour changer le ministère de l'ostiaire dans l'Église, qui, au lieu d'ouvrir, ferme les portes? Qui suis-je pour dire jusqu'ici et pas plus? Qui suis-je pour mettre l'Esprit Saint en cage?".

En répondant à ces questions, l'évêque de Rome a dit qu'il espérait que "le Seigneur nous donne ce calme qu'ont eu les chrétiens de Judée" après avoir écouté Pierre, "et qu'il nous donne aussi la grâce de glorifier Dieu". Ces chrétiens ont pu dire: "Donc, aux païens aussi Dieu a accordé qu'ils se convertissent pour qu'ils aient la vie".
Et nous aujourd'hui, a conclu le Pape François, disons que même à ces gens si loin de l'Église, et qui peut-être en ont une opinion négative, "Dieu a accordé qu'ils se convertissent, afin qu'ils aient la vie, parce que l'Esprit Saint est souverain."

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Ndt:
(1) D'après les Actes (8:26-40), Philippe fut conduit de manière surnaturelle sur la route du désert près de Gaza, et là, il rencontra un eunuque, trésorier de la reine Candace d'Éthiopie. Le trésorier rentrait de Jérusalem vers son pays d'origine en Afrique. Philippe s'assit avec lui dans la voiture et l'aida à interpréter un passage du Livre d'Isaïe. Là – c'est ce qu'on doit conclure d'après le déroulement du récit – il dirigea la conversation sur Jésus-Christ et sur le baptême. Le trésorier demanda le baptême, que Philippe lui donna. Des récits apocryphes voient dans ce baptême les débuts de l'Église éthiopienne. (wikipedia)