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Une réponse à Mario Palmaro

La Bussola ouvre ses colonnes à un débat sur le début du Pontificat de François.
Selon Francesco Agnoli, qui jette un regard mi-figue mi-raisin sur le Pontificat de Benoît XVI, « François reparcourt le chemin de l'Eglises des origines » (12/1/2014).

>>> Cf.
Qui suis-je pour juger (La lettre de Mario Palmaro)

     

A la suite de la lettre de Mario Palmaro publiée sur la Bussola (et superbement ignorée en France, alors que le moindre éternuement de Hans Küng fait l'objet de pieuses exégèses, jusque dans - et surtout dans - la presse catholique), La Bussola a ouvert un "débat" et prévoit de publier des réactions de lecteurs.
Qu'elle en soit remerciée, sa fidélité au pape étant au-dessus de tout soupçon
(1).

C'est la preuve qu'il y a un léger problème autour de la perception du nouveau cours du Pontificat, et ceci jusque chez des catholiques d'une parfaite bonne foi, légalistes, à défaut de normalistes, comme j'imagine que le sont les lecteurs de la Bussola.
Après le "normaliste" Massimo Introvigne (qui dit que "Pour comprendre le Pape, il faut revenir à Saint-Ignace": il m'étonnerait que ses arguments fassent changer d'avis à Mario Palmaro, et surtout convainquent le fidèle lambda, qui ne sait même pas qui est Saint-Ignace!), c'est le tour de Francesco Agnoli, un journaliste catholique de sensibilité plutôt "traditionaliste", qui collabore aussi à l'Avvenire et à Il Foglio.
Disons qu'il essaie de faire, honnêtement "la part des choses".
Mais pour justifier les incertitudes qu'il perçoit lui aussi dans ce début de pontificat, il dresse un bilan très nuancé de celui de Benoît XVI, soulignant les "fautes", les attentes déçues, les "échecs". Façon de dire: finalement, ce n'était pas parfait avant, il n'y a pas lieu de faire des comparaisons dévalorisantes.
Sans doute sous Benoît XVI y a-t-il eu des nominations peu heureuses, voire regrettables (par exemple, Paglia et Ravasi, à juste titre cités ici). Certes, Benoît XVI avait soulevé de grands espoirs... soit chez des gens qui voulaient le piéger, sachant parfaitement qu'ils ne pourraient pas les satisfaire, soit chez d'autres qui ne comprenaient pas le sens de son ministère (à droite, on espérait "Le Pape de la reconquista", et à gauche, on clamait "Il va nous étonner, regardez Jean XXIII"). Mais, comme le Saint-Père Benoît l'a souligné à plusieurs reprises, "Le pape n'est pas un souverain absolu". En nommant des gens d'une sensibilité différente de la sienne, il essayait de maintenir le tout ensemble, ou, comme il l'avait dit aux évêques français à Lourdes, en septembre 2008, dans une de ses merveilleuses expressions imagées "que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage".

Le reproche de n'avoir pas réalisé pleinement la réforme de la réforme, surtout au niveau de la liturgie, ne tient pas. Cela ne dépendait pas de lui. Il m'est revenu en mémoire les titres haineux d'une certaine presse "catholique" française à la rumeur, dès octobre 2006 (distillée par qui?), qu'il s'apprêtait à libéraliser l'ancienne messe (le motu proprio n'a été publié que neuf mois plus tard, le 7 juillet 2007!). Echantillon ici: beatriceweb.eu/Blog06

Donc, dans ce très long argumentaire de Franco Agnoli, il y a de très bonnes choses, comme par exemple l’analyse de l'acharnement de certains milieux contre Benoît XVI et de l’engouement médiatique consécutif à l’élection du 13 mars 2013. D’autres plus discutables, comme le long développement théologique, censé illustrer que « François reparcourt le chemin de l'Eglises des origines », qui ne me convainc pas et me semble justifier les silences face aux dérives morales de notre société païenne en se référant à l’histoire de l’Eglise. Et enfin, les passages que je viens d'évoquer, avec lesquels je ne suis absolument pas d’accord, sur le bilan de Benoît XVI. Un bilan mitigé, certes, comme toute oeuvre humaine, mais la faute en revenait en grande partie à ses ennemis, dont les faits ont prouvé par la suite que leur existence n'était pas un fantasme de complotiste paranoïaque.

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Texte original ici: www.lanuovabq.it/it/articoli-benedetto-e-francescouno-sguardopiu-realistico-8164.htm
J'ai rajouté des sous-titres, et quelques commentaires personnels entre [crochets].

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(1) Les premières réactions sont publiées ici, (www.lanuovabq.it/it/articoli-il-fumo-di-satana-le-vostre-lettere-8175.htm) et l'impression, à leur lecture, est que les inquiètudes de Mario Palmaro sont largement partagées... au moins par les lecteurs de la Bussola. Ce serait bien que le pape les entende....
L'un d'eux écrit: "L'attention bienveillante du Pape, comme celle du clergé "ajourné" à La Stampa (i.e. Vatican Insider) et à La Repubblica, deux médias complètement maçonniques, est un fait".

     
Benoît et François, un regard plus réaliste

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Il y a des lectures, de ce début de pontificat, que je ne comprends pas. Peut-être qu'il est encore trop tôt pour parler, et même, que ce que je vais dire, va s'avérer faux ou incomplet demain. Mais je vais essayer d'encadrer la réalité, dans ma propre lecture (qui est encore très confuse et incertaine).

Francesco Agnoli.
La Nuova Bussola, 11 janvier 2014
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1. Benoît XVI, ou les attentes déçues

Il nous faut partir, avant tout, du pontificat de Benoît XVI.
Sa nomination a engendré, chez de nombreux catholiques, de grands espoirs, et réveillé de l'autre côté, immédiatement, la haine des médias. Ratzinger, en effet, était connu des uns et des autres. Les médias adverses choisirent la seule stratégie que, face à un tel nom, avec cette histoire et ce rôle ils pouvaient choisir: celui de la collision frontale. Impossible, en effet, de maquiller et de travestir un visage déjà connu, déjà bien défini [c'est pourtant ce qu'ils ont fait!!!]. D'où les attaques continues et impudentes, supportés avec une grande foi, avec dignité, humilité.
En revanche, beaucoup d'entre nous se sont réjouis, espérant à la fois une réforme de la curie et du gouvernement [pas du tout! la plupart des gens qui ont été touchés par Benoît se moquaient pas mal de la Curie, dont ils connaissaient à peine le rôle], et un renouveau de l'attention à la doctrine. Grande fut aussi l'attente dans le domaine liturgique: le pape Benoît semblait à beaucoup celui qui porterait la «réforme de la réforme», c'est à dire un retour au sens du sacré, et la mise en oeuvre effective de nombreux points positifs dans le mouvement liturgique du début du XXe siècle, dans la conformité, ou plutôt dans la renaissance de certains des piliers de l'ancien rite latin. On attendait, en somme, non pas tant un retour à l'ancienne liturgie en soi, ni même à la langue latine, mais à un peu de latin (pour souligner le lien avec la tradition et l'universalité du catholicisme) et surtout à une mise en valeur de la sacralité et du caractère sacrificiel de la messe.

Mais la réforme de la réforme ne vint pas. Benoît XVI, pontife d'une rare intelligence, d'immense douceur et de grande bonté, de vie simple et humble, se limita, passez-moi l'expression, au Motu Proprio Summorum Pontificum. Sans jamais de fait le célébrer publiquement, sans l'accompagner par des dispositions contraignantes, sans un dessein pour une véritable intégration dans la vie de l'Eglise de tous les jours. L'enfant a donc été accouché, et laissé seul ... oubliant qu'il aurait apporté avec lui, de cette manière, une profonde scission et une lutte interne à l'Eglise délétère (de cela les pauvres Franciscains de l'Immaculée ont été les plus illustres victimes). Lié en partie à cette tentative seulement esquissée de réforme liturgique, le désir de renouer avec la Fraternité Saint-Pie X: une tentative poursuivie par le Pape avec engagement, mais qui a elle aussi sombré en raison d'oppositions internes et externes assez fortes pour être écrasantes et déterminer l'impasse. Ou pire (parce que les travaux commencés et abandonnés à mi-chemin portent avec eux des séquelles catastrophiques...)

Dans le domaine de l'administration, le bon Benoît s'est avéré ne pas être un homme d'action : il suffit de rappeler les nombreux problèmes qu'ont causé à l'Eglise l'activisme frénétique et superficiel du secrétaire d'Etat Tarcisio Bertone [ce qui peut évidemment être contesté, comme l'a fait implicitement Andrea Gagliarducci dans un bilan nettement plus nuancé du secrétaire d'Etat choisi par Benoît XVI]. Mais on peut aussi rappeler d'autres faits: la fin de l'excellent Gotti Tedeschi, d'abord appelé à l'IOR, puis sacrifié sans que l'on en comprenne le motif; la nomination de Gianfranco Ravasi, d'abord fait cardinal, puis président du Conseil pontifical pour la culture de la Commission pontificale d'Archéologie sacrée et du Conseil de coordination des Académies pontificales; et la nomination, pour citer un nom d'actualité, de Braz de Aviz (sympathisant de la théologie de la libération et de Sant' Egidio, et aujourd'hui grand persécuteur des Franciscains de l'Immaculée) comme Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et la Société de vie apostolique, et comme cardinal...

En ce qui concerne les principes non négociables, Benoît XVI nous a laissé en revanche un patrimoine immense et génial de réflexion et de discours, un véritable trésor, mais peu a été fait au cours de son pontificat, par ses collaborateurs, pour transformer ce magistère en action et culture. En effet, à la suite de la grande opportunité offerte sur un plateau d'argent aux catholiques par les radicaux - je me réfère au référendum de 2005 (sur la procréation assistée) - personne n'a voulu reprendre les troupes qui s'étaient rassemblées entre 2004 et 2005, pour les organiser et les rendre opérationnelles aussi pour l'avenir.

Toujours dans le domaine des nominations, le choix de Mgr Vincenzo Paglia au Conseil pontifical pour la famille, n'a certes pas été un pas en avant décisif dans la lutte pro-vie et pro-famille, de même que la nomination du cardinal allemand Rainer Maria Woelki, qui s'est rangé en faveur du mariage homosexuel sans être repris par personne, ou le choix de Rubén Salazar Gómez, nommé cardinal peu après s'être exprimé publiquement pour la légalisation de l'avortement dans son pays, la Colombie ...

Seulement cela? Non, également énormément de choses positives, y compris en termes de gouvernement : les nominations américaines, en partie suggérées, paraît-il, par le cardinal R. Burke et capable de réaliser un tournant positif dans l'épiscopat des États-Unis, les nominations italiennes appréciables (Negri, Camisasca, Moraglia ..); la destitution de nombreux évêques indignes, le choix de Ouellet à la Congrégation des évêques ...

Immense, aussi, la force avec laquelle le vieux pontife a affronté la terrible tempête de la pédophilie dans l'Eglise, retombée sur ses épaules, malgré que Ratzinger ait été, déjà en tant que cardinal, le plus conscient du problème (dans l'incurie générale de le Curie ... de Sodano) .

Enfin, en ce qui concerne l'idéologie du gender, aujourd'hui, de grande actualité, même dans ce cas, les très beaux discours sont restés lettre morte [certes pas par la faute de Benoît XVI, on se rappelle du plaidoyer passionné lors des vœux à la curie romaine de décembre 2012, les derniers], faute d'opérations concrètes et de courroies de transmission (absence due à la timidité et à la faible personnalité de plusieurs pasteurs, de même qu'au cléricalisme et à l'inertie de nombreux laïcs).

C'est dans cette situation qu'a mûri la démission d'un homme épuisé, ayant des ennemis internes et externes, affaibli par des conspirations et par l'âge (et qui sait quoi d'autre). Démission qui a laissé un goût assez amer dans la bouche de ceux qui auraient souhaité voir évitée l'ambiguïté de la co-présence de deux personnes appelées avec le même nom: le nouveau pape et le "pape émérite» (qui sait pourquoi ce choix de Benoît?). Démission qui en a laissé beaucoup, qui l'aimaient, orphelins, déçus, tristes. Et même un peu mal disposé, a priori, envers son successeur, quel qu'il soit ...

2. François, les raisons pas toujours claires d'une popularité

Nous arrivons donc au 13 Mars 2013, à l'élection du pape François (élu cardinal par Jean-Paul II). Élection immédiatement accueillie avec grande clameur par les médias, mais en vérité, qui était François, très peu le savaient.

François a immédiatement rencontré un certain succès, pour de nombreuses raisons. Certains ont vu en lui, simplement, l'espoir d'une nouvelle page, après les scandales répétés; d'autres la sympathie humaine naturelle d'un pasteur âgé, projetant une force et une joie qui contrastent avec la lassitude des temps, avec cette époque de vieillesse spirituelle généralisée; d'autres ont apprécié ses manières simples, latines, cordiales, spontanées, différentes de la timidité douce de Benoît; et d'autres encore sa façon de parler simple, comme un curé, ses sermons courts, souvent incisifs, prononcés d'une voix tour à tour douce et forte ...

Dans le milieu de certains médias, toutefois, le succès a été dû, principalement, mais pas uniquement, à autre chose. De lui, comme je l'ai dit, nous savions très peu de chose, mais François était connu au moins pour avoir été l'«adversaire» de Ratzinger au conclave d'avant. Une image un peu déformée, en vérité, comme beaucoup d'autres, s'il est vrai, comme cela semble le cas, que le Cardinal Bergoglio avait été choisi très tôt par les martiniens, non pas tant comme premier choix, mais plutôt comme le seul ayant recueilli suffisamment de votes pour être une alternative à Ratzinger lui-même. Image déformée, je le répète, parce que comme nous le savons c'est Bergoglio qui très vite demanda que l'on déplace ses votes sur Ratzinger [je regrette que l'auteur se réfère lui aussi aux rumeurs répandues par les cardinaux qui ont brisé leur serment de garder secrètes les circonstances du Conclave].

Mais de toute façon: le fait qu'il soit un jésuite, comme Martini; le fait qu'il ait été présenté comme le candidat martinien en 2005; le fait qu'il vienne d'Amérique latine ... lui ont ouvert de nombreuses portes dans le monde des médias de gauche (beaucoup vont bientôt se fermer, parce que chaque Pape, comme le dit le dicton, a «son dimanche des Rameaux et son Vendredi Saint») [on nous le répète depuis 10 mois!!!].
D'autres portes ont été ouvertes par des phrases sibyllines, et, à mon avis critiquables, et par diverses interprétations exagérées et fallacieuses. On a dit, par exemple, qu'il avait renoncé à se proclamer pape, parce qu'il s'était présenté comme «évêque de Rome»; on a ajouté qu'à peine nommé, François avait dit au cérémoniaire de Benoît XVI, Guido Marini, qu'il ne voulait pas de certains parements car ils faisaient «carnaval»: l'expression a tourné à droite et à gauche, mais elle était fausse [il ne l'a peut-être pas dit, mais il l'a fait!]. En fait, dans le vestiaire, entrent seulement le pape et le cérémoniaire [à vérifier], de sorte que personne n'a pu entendre et rapporter cette phrase (qui, comme c'est évident, n'a pas été prononcée). Puis on a dit que le pape avait décidé de virer le même Marini et qu'il allait bientôt s'opposer au Motu proprio sur la liturgie de son prédécesseur. Cela aussi sera en partie démenti par les événements ultérieurs, en particulier le choix de Mgr Guido Pozzo, grand et actif défenseur du Motu Proprio, en tant que secrétaire de la Commission pontificale «Ecclesia Dei».

3. François, des propos instrumentalisés

Depuis lors, les interprétations tendancieuses de l'action de ce Pontife se sont succédé à un rythme vertigineux. Comme nous l'avons dit, en effet, un visage familier ne peut pas être maquillé, mais un nouveau, si; on doit le faire dès que possible, le plus rapidement possible. Avec combien de kilos de maquillage, on ne l'a pas encore bien compris. Il faut instrumentaliser le pontificat ab initio. En effet, l'histoire apprend que l'adversaire peut être combattu de deux façons: soit en l'attaquant frontalement, soit en le flattant et en se faisant l'interprète auto-autorisé de ses paroles (et, bien sûr, en profitant de quelques phrases ambiguës parce que tronquées, prononcées a braccio, incomplètes, ou sorties de leur contexte) [air archi-connu]

Des mots de François, parfois peut-être peu calibrés, au moins médiatiquement parlant, des personnages improbables se font immédiatement interprètes.
Comme Alberto Melloni, toujours prêt à vivre de son rôle en tant vaticaniste du Corriere, et donc extrêmement habile à faire passer son opinion, mais, exactement comme il Corriere, toujours dans l'opposition et dans le gouvernement; être ici et là, en effet, est le meilleur moyen d'être quelqu'un, de compter, d'être craint et cajolé (n'oublions pas que Melloni, avant de devenir l'un de ses nombreux détracteurs, avait écrit au début du pontificat de Benoît XVI, un livre, “L'inizio di papa Ratzinger” - Le début du pape Ratzinger, dans lequel il affirmait croire que Ratzinger donnerait un tournant «positif» - c'est-à-dire mellonien - à l'Eglise).

Ou comme Eugenio Scalfari. Dont la longue interview a suscité à juste titre chez beaucoup, y compris moi-même, un profond malaise, mais s'est avérée ensuite être ce qu'elle était: une imprudence (de qui? du pape argentin, qui peut-être jusqu'à hier ne savait même pas qui était Scalfari, ou peut-être d'un de ses conseillers italiens?) [j'ai du mal à y croire... et la soi-disant imprudence a quand même fait la une de l'OR!!], et une arnaque). Scalfari lui-même, en effet, après y avoir été contraint [par qui?] a admis l'avoir faite sans carnet ni magnétophone, et l'avoir transcrite de mémoire, avec une certaine liberté [mais le Pape lui-même n'y a rien trouvé à redire et a donné son imprimatur].
...

Mais il n'y a pas que Melloni, Scalfari et compagnie ... Nous avons vu aussi, ces temps-ci, de nombreux membres du clergé prêts sauter dans le char du vainqueur, tels de nouveaux «guépards» (pour préserver leur place), nous en avons vu d'autres, hétérodoxes s'il en est, louer le Pape de façon aussi démesurée que gênante: des prêtres qui parlent beaucoup de pauvres, sans pratiquer la pauvreté; qui ont la bouche pleine de l'ouverture et de la modernité de ce pontife, mais qui détestent ce qu'il recommande: les dévotions populaires telles que le chapelet, le confessionnal, la Sainte Vierge ...

Encore récemment, le Pape, qui jouit et souffre d'une hyper exposition médiatique qui le soumet à mille interprétations, a été une fois de plus instrumentalisé au sujet de ses mots sur l'homosexualité. Devant 120 supérieurs généraux des instituts religieux le 29 Novembre au Vatican, le pape François, dans un long discours, a dit: «Je me souviens du cas d'une fillette très triste qui à la fin confia à sa maîtresse la raison de son état d'âme: "La petite amie de ma mère ne m'aime pas". Le pourcentage d'enfants qui étudient dans les écoles et dont les parents sont séparés est très élevé. Les situations que nous vivons aujourd'hui, donc, posent de nouveaux défis que nous avons parfois du mal à comprendre. Comment annoncer le Christ à ces garçons et filles? Comment annoncer le Christ à une génération qui change? Nous devons faire attention de ne pas leur administrer un vaccin contre la foi».

Rien d'ambigu, mais une réflexion nécessaire: aujourd'hui, de nombreux enfants grandissent dans des couples gay, et surtout avec les parents séparés. Cela, a fait comprendre le pape, est un grand malheur, pas un bien! Face à ce malheur que fait un chrétien? Il s'en charge, il éduque et apporte le Christ avec soin et amour, à ceux qui, par la condition dans laquelle ils vivent sans qu'il y ait de leur faute, risquent d'être tenus à l'écart de la foi pour toujours. Mais, malheureusement, tant à droite qu'à gauche, avec ces réflexions sur l'éducation, le pape aurait "ouvert" au mariage gay!

Ce n'est absolument pas le cas.
On pourra dire, comme l'a fait avec franchise le cardinal Meisner face à face avec le pape, qu'en certaines occasions, au lieu de phrases telles que «sur cette question, je suis le catéchisme de l'Eglise», François aurait pu le rendre explicite, ce catéchisme, courant certes le risque d'être sévèrement critiqué. Mais on ne peut pas oublier non plus le document d'Aparecida, dans lequel l'idéologie du genre est ouvertement condamnée; les déclarations contre le mariage homosexuel en Argentine, par le Cardinal Bergoglio; le témoignage de Liliana Negre, présidente mondiale des «Parlementaires pour la vie et la famille» sur la grande épreuve de force entre le gouvernement argentin et le cardinal Bergoglio sur ce thème [cf. Allen: François au défi de la politique italienne ]; les différentes interventions, y compris l'encyclique Lumen Fidei [en fait l'héritage, sinon l'œuvre de Benoît XVI], même en tant que pape, pour réaffirmer que le mariage est seulement entre un homme et une femme; les récentes révélations de l'évêque Scicluna qui, de Malte a raconté le soutien reçu par le Pape dans sa bataille contre le mariage homosexuel; et l'excommunication du prêtre australien Greg Reynolds pour ses positions en faveur du mariage gay et des femmes prêtres (commentaire de The Telegraph du 23 Septembre: Pope Francis excommunicates pro-gay marriage priest. He's not the liberal the media wants). ...

4. François reparcourt le chemin de l'Eglises des origines

Quant aux autres principes non négociables, étant donné que la manière dont doit s'en occuper un juriste, un politicien, un médecin, un enseignant, un pasteur ... est chaque fois différente et complémentaire; étant donné qu'il existe un moyen de faire face à la réalité de type didactique (dans l' homélie, le curé doit aussi expliquer la doctrine et le dogme , dans leur clarté et, parfois, leur dureté) et pastoral (une attitude différente aura lieu dans le confessionnal ou dans la relation éducative); quant aux autres principes non négociables, disais-je, il arrive la même chose. On insiste de différents côtés, pour souligner que le pape ne se soucie pas d'eux, car il a dit à plusieurs reprises que la prédication ne peut être centrée, de façon déséquilibrée, de façon excessive, sur la morale et l'avortement. Mise à part l'opportunité médiatique d'un tel discours (surtout en Occident, où on ne peut certainement pas dire que le clergé brille par ses luttes éthiques ) , sur lequel on pourrait faire valoir à l'infini, il s'agit d'un concept qui est en ligne, de façon plus ou moins accentuée, avec l'histoire de l'Église.

La lecture de l'Evangile, l'étude des Pères et des apologètes des premiers siècles, peut nous aider: dans l'Evangile, on ne parle du divorce que dans quelques maigres lignes; de l'avortement, pourtant si pratiqué à l'époque, pas un mot. Pourquoi? Parce qu'annoncer le Dieu de la vie, le Dieu qui s'est fait enfant, vraiment, dans son intégralité, c'est déjà s'occuper de la défense de la vie, la lutte contre l'esprit de mort (Lui est en effet, dit l'Evangile, «la Vie» elle-même). Quant aux Pères et aux apologètes , ils ont discuté surtout des vérités théologiques (Dieu, l'Incarnation, Marie, les hérésies ... ), et seulement comme conséquence les principes moraux. Convaincus qu'ils étaient que les droits de l'homme n'existent pas là où l'on nie la vraie nature de Dieu. Convaincus qu'ils étaient qu'«à l'aimer (le Christ ), je deviendrai un imitateur de sa bonté», tandis que «je ne condamnerai la tromperie et l'erreur du monde que quand je connaîtrai vraiment la vie dans le ciel »( Lettre à Diognète ). Convaincus qu'ils étaient que même en ce qui concerne les commandements, le premier est la base et le fondement de tous les suivants .

Une mention à l'avortement, dans les premiers siècles, est omniprésente, de Tertullien à Basile, de Justin à Minucius Felix, mais la vie morale est toujours présentée comme un résultat de la rencontre avec le Christ, car il était clair que sans Dieu L'homme ne peut rien faire («Sans moi vous ne pouvez rien faire»). Il ne peut pas voir le bien, obscurci par les ténèbres du péché; il ne peut pas le faire, même s'il le voit, sans le secours de la grâce, à cause de la faiblesse de sa volonté .

Quant au divorce, il y,a un changement entre l'ancienne et la nouvelle alliance: Moïse dans l'Ancien Testament permet la répudiation, c'est à dire le divorce; le Nouveau , avec la loi de l'amour, avec la grâce des sacrements, le 'panis angelorum factus cibus viatorum', proclame et exige l'indissolubilité: «Pour la dureté de votre coeur, Moïse vous a permis de répudier vos femmes, mais dès le début, il n'en était pas ainsi», «ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas» . Parce que s'il est vrai que le mariage indissoluble est une vérité de la raison, de même que l'obligation de respecter l'enfant à naître, il est également vrai, comme fait historique, qu'aucun peuple avant Jésus-Christ n'a interdit le divorce et l'avortement (même si, ici et là, il arrivait qu'ils soient reconnus comme «péché»).

Il convient de rappeler, à cet égard, un autre fait: l'Église des premiers siècles, dans un monde immergé dans le péché, le n'a pas converti le monde avec la loi, mais avec la doctrine, l'éducation, les sacrements, la conversion des cœurs et des esprits. Les lois ont suivi. L'exemple classique, en plus du discours ci-dessus sur le divorce et l'avortement, est celui de l'esclavage: Saint- Paul a prêché l'égalité des hommes devant Dieu, et l'Église a enseigné aux chrétiens pendant des siècles qu'il n'y a pas d'hommes inférieure et d'hommes supérieurs, mais que nous sommes tous des créatures de Dieu. Ainsi, petit à petit, l'esclavage a disparu presque entièrement du christianisme (tout en restant dans d'autres cultures et religions), non pas tant oarce que réprimé par les lois, mais parce que disparu des coeurs . D'où l'accusation stupide d'une certaine historiographie marxiste à l'Eglise, de ne pas avoir combattu l'esclavage avec les lois; à quoi ont répondu des historiens comme Marc Bloch, rappelant que le fait de s'asseoir côte à côte à la messe, maîtres et esclaves , et d'adorer le même Dieu Créateur, fut plus utile que n'importe quelle loi pour convaincre les maîtres chrétiens de libérer - ou de bien traiter - leurs esclaves .

Ceci ne doit pas nous illusionner: un peuple qui ne croit pas en Dieu n'aura jamais de bonnes lois; un peuple qui n'a pas le Christ ne vivra jamais une vie morale bonne; le chrétien qui ne recourt pas à la grâce sanctifiante des sacrements n'observera jamais tous les commandements, pas même par la crainte de l'enfer...

Parlant du sacrement du Baptême, peut-être le plus cité dans les Evangiles, le Pape a récemment déclaré: «Donc (le baptême) n'est pas une formalité ! C'est un acte qui touche en profondeur notre existence. Ce n'est pas la même chose, un enfant baptisé et un enfant non baptisé: pas la même chose! Ce n'est pas la même chose, une personne baptisée et une personne non baptisée. Nous, par le baptême, nous sommes plongés dans la source inépuisable de vie qu'est la mort de Jésus , le plus grand acte d'amour de toute l'histoire, et à cause de cet amour, nous pouvons vivre une nouvelle vie, plus à la merci du mal, du péché et de la mort, mais en communion avec Dieu et avec nos frères».

Conclusion

Je pourrais continuer longtemps, y compris à exprimer mes craintes (je crains beaucoup, surtout quand on parle d'œcuménisme bien qu'à la vérité on n'ait vu pour le moment dans ce pontificat rien de comparable à Assise en 1986, avec le baiser au Coran), ou mon malaise, celui que beaucoup d'entre nous éprouvons face à la complaisance de beaucoup de pasteurs, leur indifférence; leur cléricalisme; leur maigre passion pour le peuple dont il devrait être pères et gardiens.
Les justes plaintes (qui ne datent pas de mars 2013) pourraient être nombreuses, parce que la vie d'un chrétien, en Occident, est parfois très difficile. C'est souvent un martyre lent et silencieux, comme une goutte qui creuse, et qui cherche à tuer l'espérance, avant même que la vie.

Mais il vient à la mémoire les chrétiens tués tous les jours dans la moitié du monde; le sourire et les mots de pardon et de paix d'Asia Bibi émergent à nouveau; les chrétiens des premiers siècles reviennent aussi en mémoire, eux qui sans perdre l'espérance, observés avec surprise par les païens pour leur sérénité, convertirent un monde où le tiers de la population était esclave; où il n'y avait pas seulement l'avortement, mais l'infanticide de masse; où la superstition, la magie, le fatalisme, l'adultère, parfois le sacrifice humain, étaient la normalité.
Ces chrétiens changèrent le monde, parce qu'ils ne se laissèrent pas abattre, paralyser, stériliser par le mal... tout comme les apôtres, après l'étourdissement initial, ne se laissèrent envahir ni par la trahison de l'un d'eux, ni par la tristesse et la peur après la mort du Christ.

Ils étaient à l'origine seulement 12;11 y laissèrent leur peau, et pourtant ils conquirent le monde, non pas tant avec des réflexions justifiées sur les temps mauvais, mais en apportant la bonne nouvelle: le Christ est ressuscité, il a vaincu la mort, il a vaincu le mal.
Un de ceux choisis par Jésus, pour l'Eglise des origines, était un voleur et un traître, un autre avait renié Jésus trois fois, peut-être n'étaient-ils pas d'excellents communiquants , ils firent leurs erreurs, furent mal interprétés, injustement accusés, mais ils avaient la foi (c'est-à-dire la confiance), l'espérance et la charité. Ils étaient des conquérants.
Il y a un temps pour pleurer, mais il y a un temps pour espérer. Il faut faire le diagnostic du mal qui tue l'Occident, mais s'arrêter au diagnostic signifie laisser mourir le patient, déserter de la vraie bataille; il faut, en bon médecin, se dédier au soin.
Face au péché qui corrode, il faut éduquer, fortifier, prévenir, soigner. La loi de l'amour résume toutes les autres, contient tous les autres commandements, pour cela: parce que l'amour croit tout, espère tout, supporte tout. Il ne se donne jamais pour vaincu. Même l'incurie des pasteurs. Même la trahison des clercs. Même la persécution du Monde....

Les chrétiens vainquent le monde, ils le conquièrent, s'ils sont prêts à renier le compromis; s'ils sont forts de leur foi et de leur espérance; s'ils font confiance à leur chef, même s'il dort sur la barque (qui est la Sienne, dont Il est le vrai timonier) dans la tempête.