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Benoît XVI et les valeurs non négociables

François les a liquidées d'une boutade dans son interviewe au Corriere della Sera. Mais que disait Benoît XVI (8/3/2014)

>>> Communication directe (L'interviewe complète au Corriere)

Mercredi (5 mars), pour éviter les conclusions hâtives pouvant résulter de la lecture de certains titres sélectionnés à dessein par les médias, j'ai traduit en entier l'interviewe du Pape avec le directeur du Corriere della sera, renvoyant d'éventuels commentaires à plus tard, même si certains paragraphes m'ont fait sursauter.

Parmi ceux -ci, évidemment, la réponse à la question sur les "valeurs non négociables": j'ai immédiatement pensé qu'il faudrait que je recherche les textes de Benoît XVI qui y faisaient allusion, en dehors du désormais célèbre discours de 2006 devant les représentants du PPE. Là aussi, j'ai différé.
Francesco Colafemmina m'a précédée (www.fidesetforma.com/2014/03/05/certo-certo-ce-continuita).

Sous le titre "CERTES, CERTES... IL Y A CONTINUITÉ...", et avant de conclure sur deux extraits de l'interviewe du Corriere , il énumère pas moins de 6 discours de Benoît XVI, (et non pas deux ou trois, déclassés, de surcroît, et sans référence, comme je l'ai lu sur internet) de 2006 à 2012, où l'expression "valeurs (ou principes) non négociables" figure en toutes lettres, ne laissant aucun doute sur la pensée de Benoît XVI.
Au point que le Pape lui-même, s'adressant à Caritas Internationale en mai 2011 (dans le contexte tendu de l'éviction de la secrétaire générale Lesley Ann Knight, malgré les protestations du président, le Cardinal Maradiaga, cf. Les nouveaux procureurs contre Benoît XVI) évoquait, devant le même cardinal, ces valeurs que j’ai souvent définies comme « non négociables ».

     

Certes, certes... il y a continuité...

(d'après Francesco Colafemmina , Fides et forma)

Benoît XVI

I. 30 mars 2006

Discours aux participants au congrès promu par le Parti Populaire Européen.

En ce qui concerne l'Eglise catholique, l'objet principal de ses interventions dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables. Parmi ceux-ci, les principes suivants apparaissent aujourd'hui de manière claire:
- la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle;
- la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille - comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage - et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d'union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent à sa déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable;
- la protection du droit des parents d'éduquer leurs enfants.
Ces principes ne sont pas des vérités de foi, même si ils reçoivent un éclairage et une confirmation supplémentaire de la foi; ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même et ils sont donc communs à toute l'humanité. L'action de l'Eglise en vue de leur promotion n'est donc pas à caractère confessionnel, mais elle vise toutes les personnes, sans distinction religieuse. Inversement, une telle action est d'autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal compris, parce cela constitue une offense contre la vérité de la personne humaine, une blessure grave infligée à la justice elle-même.

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II. 22 février 2007

Exhortation Apostolique Post-Synodale Sacramentum Caritatis.

Il est important de relever ce que les Pères synodaux ont appelé cohérence eucharistique, à laquelle notre existence est objectivement appelée. En effet, le culte agréable à Dieu n'est jamais un acte purement privé, sans conséquence sur nos relations sociales: il requiert un témoignage public de notre foi. Évidemment, cela vaut pour tous les baptisés, mais s'impose avec une exigence particulière pour ceux qui, par la position sociale ou politique qu'ils occupent, doivent prendre des décisions concernant les valeurs fondamentales, comme le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle, comme la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d'éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes. Ces valeurs ne sont pas négociables. Par conséquent, les hommes politiques et les législateurs catholiques, conscients de leur grave responsabilité sociale, doivent se sentir particulièrement interpellés par leur conscience, justement formée, pour présenter et soutenir des lois inspirées par les valeurs fondées sur la nature humaine. Cela a, entre autres, un lien objectif avec l'Eucharistie (cf. 1 Co 11, 27-29). Les Évêques sont tenus de rappeler constamment ces valeurs; cela fait partie de leur responsabilité à l'égard du troupeau qui leur est confié.

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III. 12 mai 2008

Aux membres du Mouvement pour la vie.

Votre initiative auprès de la Commission pour les pétitions du parlement européen, dans laquelle vous affirmez les valeurs fondamentales du droit à la vie depuis sa conception, de la famille fondée sur le mariage d'un homme et d'une femme, du droit de tout être humain conçu à naître et à être éduqué dans une famille de parents, confirme encore la solidité de votre engagement et votre pleine communion avec le Magistère de l'Eglise, qui proclame depuis toujours ces valeurs comme "non négociables".

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IV. 16 juin 2010

Audience générale.

Lorsque la loi naturelle et la responsabilité qu'elle implique sont niées, on ouvre de façon dramatique la voie au relativisme éthique sur le plan individuel et au totalitarisme de l'Etat sur le plan politique. La défense des droits universels de l'homme et l'affirmation de la valeur absolue de la dignité de la personne présupposent un fondement. Ce fondement n'est-il pas la loi naturelle, avec les valeurs non négociables qu'elle indique? Le vénérable Jean-Paul II écrivait dans son encyclique Evangelium vitae des paroles qui demeurent d'une grande actualité: «Pour l'avenir de la société et pour le développement d'une saine démocratie, il est donc urgent de redécouvrir l'existence de valeurs humaines et morales essentielles et originelles, qui découlent de la vérité même de l'être humain et qui expriment et protègent la dignité de la personne: ce sont donc des valeurs qu'aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l'on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir»

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V. 27 mai 2011

Discours à la Caritas internationale.

D’autre part, chaque catholique, et même, en vérité, tout homme, est appelé à agir avec une conscience purifiée et avec un cœur généreux pour promouvoir de manière résolue ces valeurs que j’ai souvent définies comme « non négociables »

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VI. 21 décembre 2012

Voeux à la Curie Romaine.

Dans le dialogue avec l’État et avec la société, l’Église n’a certainement pas de solutions toute faites à chaque question. Avec les autres forces sociales, elle luttera en faveur des réponses qui correspondent le plus à la juste mesure de l’être humain. Elle doit défendre avec la plus grande clarté ce qu’elle a identifié comme valeurs fondamentales, constitutives et non négociables, de l’existence humaine. Elle doit faire tout son possible pour créer une conviction qui ensuite puisse se traduire en action politique.

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François

4 mars 2013

«Je n'ai jamais compris l'expression "valeurs non négociables". Les valeurs sont des valeurs, c'est tout, je ne peux pas dire que parmi les doigts d'une main il y en a un de moins utile que l'autre. Donc, je ne comprends pas en quel sens, il peut y avoir des valeurs non négociables. ».

...

«Le mariage est entre un homme et une femme. Les États laïcs veulent justifier les unions civiles pour s'adapter aux différentes situations de cohabitation, poussés par la nécessité de réglementer les aspects économiques entre les personnes, comme par exemple assurer l'assistance maladie. Ce sont des pactes de coexistence de différents types, dont je ne saurais pas énumérer les différentes formes. Il faut voir les différents cas et les évaluer dans leur variété».

     

Mise à jour (8/3)

Ceux qui lisent l'italien peuvent se rendre sur la page de Francesco Colafemmina (www.fidesetforma.com/2014/03/05/certo-certo-ce-continuita), où il y a plusieurs très bons commentaires.
Et déjà, cette remarque toute "bête", concernant les propos du Pape (qui, qu'on le veuille ou non, a "disqualifié" l'expression, parfaitement compréhensible, forgée par son prédécesseur) sur les dix doigts de la main:

Selon moi, concrètement, les doigts de la main ne sont pas également utiles. Sans le pouce, j'aurais de grosses difficultés, mais peut-être un peu moins sans le petit doigt...

Oui, c'est tout bête, parfaitement évident... mais cela a échappé à (presque) tout le monde.
Bien sûr, ce n'était qu'une façon de parler.