Accueil

Benoît XVI, un an après

Une longue interviewe de Mgr Gänswein à l'hebdomasdaire Famiglia Cristiana (13/2/2014)

L'interviewe de Mgr Gänswein à l'hebdomadaire Famiglia Cristiana est la plus complète que j'ai lue à ce jour. Il ne dira à l'évidence rien de plus (si tant est qu'il y ait quelque chose à dire, évidemment)

(http://www.famigliacristiana.it)

     

Mgr Georg raconte comment Benoît XVI a décidé de renoncer à la papauté
Pour la première fois le secrétaire des deux papes raconte ces jours dramatiques.
«Pour moi, dit-il, ce fut comme un coup de couteau».
10/02/2014
-------

L'horloge sonne cinq coups, dans la cour de Saint Damase au Vatican. «Je suis ponctuel» s'exclame en riant Mgr Georg Gänswein.
De retour de la promenade avec le pape Benoît, saccoche noir et pas rapide, le préfet de la Maison pontificale commence à parler avant même d'arriver dans les salles de son bureau. «Le pape émérite va très bien, je l'ai quitté à l'instant. Nous avons prié ensemble le chapelet».

Le «secrétaire des deux papes» fait le va-et-vient entre «deux personnalités différentes, deux façons différentes de faire, mais en attendant, je crois maintenant que j'ai trouvé la boussole pour bien faire ce que je dois faire. La plus grande difficulté? Ne pas pouvoir demander à mon prédécesseur. Personne avant ne s'est trouvé dans une situation comme celle-la».

- Nous sommes à un an de la renonciation du pape Benoît XVI au Pontificat. Vous avez été averti plusieurs mois avant?
« Oui, naturellement sous le sceau du secret pontifical. Il m'a dit que je ne pouvais en parler à personne jusqu'à ce que lui-même annonce la décision. J'ai gardé le secret, même si ce n'était pas facile. Pour moi, c'était comme un coup de couteau, j'ai senti une grande douleur».

- Vous avez essayé de l'en dissuader?
« Instinctivement, j'ai dit: "Non, Saint-Père, ce n'est pas possible", mais je me suis vite rendu compte qu'il ne me communiquait pas quelque chose à discuter, mais une décision déjà prise. Depuis lors, j'ai essayé d'atténuer les pressions extérieurex, d'espacer ses engagements afin qu'il puisse se concentrer sur le Magistère».

- Les divers scandales, Vatileaks, par exemple, ont-ils influencé sa décision?
« Non, pas du tout. Tout ce qui est connu comme Vatileaks n'a absolument pas conditionné, et d'autant moins causé sa renonciation. Pas davantage les affaires de pédophilie. Nous ne devons pas oublier que la renonciation n'était pas une fuite. Le Pape n'a pas fui une responsabilité, mais il a été courageux parce qu'il s'est dit: "Je n'ai plus les forces qui sont nécessaires en ce moment, et donc je rends la responsabilité à Celui qui me l'a donnée, au Seigneur"».

- Pourtant, il ne fait aucun doute que certains scandales ont pesé sur les forces du pape.
« Je peux dire que, en ce qui concerne par exemple la pédophilie, un jour, quand on écrira l'histoire sur la façon dont les évêques, les cardinaux, le Saint-Siège ont réagi, on verra que la première personne au Vatican qui a répondu de manière juste et courageuse, et n'a pas toujours été écouté, c'était lui. Ce qu'il a commencé comme cardinal-préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il l'a poursuivi systématiquement comme pape jusqu'au moment de la renonciation.Ceux qui disent que ce n'est pas vrai, ou bien ne savent pas, ou bien ne veulent pas savoir, oubien ne s'intéressent pas à la vérité historique».

- Et en ce qui concerne l'histoire du majordome qui volait ses papiers?
« Il est clair que cela a été humainement une grande amertume. Paolo Gabriele a vécu dans la famille pontificale, tous les jours, pendant des années. Cette histoire a été douloureuse, pour le Pape, pour moi, mais aussi pour l'ensemble de la famille papale. Nous savons que le pape Benoît, cependant, à la fin de 2012, avant Noël, lui a rendu visite dans sa cellule et lui a pardonné. Et avec cet acte de pardon pour le pape, l'histoire du majordome s'est conclue»

- En regardant ce qui se passe dans l'Église après l'élection du pape François, quel est l'état d'esprit de Benoît?
« Il est très serein et en paix avec lui-même. Au cours de son pontificat il y a eu des défis pas faciles, qui ont exigé beaucoup de force. A présent, le pape émérite suit tout de près, mais n'ayant plus la responsabilité institutionnelle, il est beaucoup plus détendu».

- Ils se parlent, lui et le pape François, il lui donne des conseils?
« Ce n'est pas un secret qu'entre les deux papes, il y a une bonne relation. Ils se parlent, ils s'écrivent, ils se téléphonent... Ce qu'ils se disent en face à face, je ne peux pas le savoir. Il y a eu plusieurs visites du pape François chez nous, au monastère Mater Ecclesiae, et le Pape Benoît a été invité à Sainte Marthe, par le Pape François».

- C'est une syntonie qui est née immédiatement, le soir de l'élection du Pape François?
« Le soir du 13 Mars, après l'élection, j'étais aussi dans la chapelle Sixtine pour saluer le nouveau pape et lui promettre obéissance. Et, immédiatement, le Pape François m'a demandé des nouvelles du Pape Benoît, et et m'a dit qu'il voulait lui téléphoner. J'ai fait moi-même le numéro de téléphone et je le lui ai passé. Et dix jours après l'élection, le 23 Mars, le pape François est allé en personne à Castel Gandolfo pour rendre visite à son prédécesseur. Il y a un rapport très cordial, et de l'affection entre deux personnes qui ne s'étaient pas beaucoup fréquentées avant cela»

- Vous qui le connaissez bien: Qu'a pensé le Pape Benoît de l'élection du Pape François?
« Le Pape Benoît a suivi la fumée blanche, c'est-à-dire l'élection de son successeur à la télévision, à Castel Gandolfo. A ce moment, je n'étais pas là, mais j'étais dans le Palais apostolique du Vatican, je ne sais donc pas quelle a été sa première réaction. Il a été certainement surpris de voir que le nouveau Pape, tout de suite après l'élection, ait voulu lui parler au téléphone. Dans ce coup de fil, Benoît XVI lui a fait ses voeux et lui a promis sa prière et son soutien».

- Comment le Pape émérite passe-t-il aujourd'hui ses journées?
« Avec la prière, tout d'abord, l'étude, la correspondance personnelle et les visites. Jour après jour, il arrive de nombreux livres dans différentes langues, je vois qu'il préfère les ouvrages de théologie, de philosophie et d'histoire. Il lit beaucoup et préfère les textes en allemand et en italien. La journée commence par la messe, puis il y a le bréviaire, puis suit le petit déjeuner. La matinée, en général, est dédiée à la prière, à l'étude, au courrier et aux visites qui augmentent. À une heure et demie, nous déjeunons tous ensemble, le pape Benoît XVI, moi, et les memores. La sieste ne peut manquer. L'après-midi, il s'occupe de sa vaste correspondance privée, il écoute aussi de la musique. Bien sûr, le programme change lorsque, par exemple, son frère est là.»

- Et puis il y a les promenades que vous faites ensemble.
« Nous en faisons un derrière la maison, après le déjeuner, et une autre, vers quatre heures, pour dire ensemble le chapelet. Ensuite, une très brève, sur la terrasse après le dîner de sept heures et demi et le journal télévisé. Après le pape se retire, parfois il joue du piano».

- C'est le même qu'il avait comme cardinal?
« Oui, c'est le même qu'il avait déjà quand il était professeur. C'était un cadeau de sa famille et, en 50 ans, il l'a suivi partout, à chaque étape, de Freising à Bonn, à Münster, à Tübingen, à Ratisbonne, à Münich et enfin à Rome».

- Les chats aussi ont déménagé?
« Les chats n'ont jamais été à lui, mais c'est vrai, il y a des chats errants dans les jardins du Vatican, ils viennent aussi au monastère et parfois ils approchent, quand ils ressentent le désir de la présence humaine. Bien sûr, le pape aime les chats, même si, par exemple, à la télévision il préfère le Commissaire Rex, qui a comme protagoniste un beau chien de berger allemand».

- Que regarde-t-il d'autre à la télévision?
« Il aime les vieux films de Don Camillo. Il aime bien aussi la série Don Matteo (une série télévisée de la RAI ayant pour protagoniste un prêtre. Rino Camilleri en parlait récemment sur la Bussola en termes très élogieux). Maintenant, il y en a une autre qui a commencé, non?».

- C'est difficile de l'imaginer, nous sommes habitués à Ratzinger, théologien, professeur. En apparence un peu rigide.
« Une apparence justement, un stéréotype. Ceux qui le connaissent de près savent qu'il n'est pas ainsi. Le Pape Benoît, tout en étant un peu réservé, est une personne très affable, pas du tout rigide ou quoi que ce soit de ce genre».

- Qu'ont-ils en commun, selon vous, les deux papes?
« Ils ont en commun le même amour pour le Seigneur, pour l'Église et pour les fidèles, et même pour tous les êtres humains. S'il n'y avait pas cet amour, ce serait impossible d'être Pape. Impossible».