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Cette calotte blanche à la main ...

Deux autres lectures du geste de Benoît XVI, à la Basilique Saint-Pierre, devant François (24/2/2014)

>>> Benoît à Saint-Pierre
>>> Deux Papes dans la basilique St-Pierre

Je les ai trouvées dans la presse italienne (sans être forcément d'accord...), car il semble qu'en France, sauf négligence de ma part, on n'ait pas perçu sa portée historique.

J'ai donné mon sentiment (ou plutôt j'ai ouvert des pistes, je ne suis évidemment sûre de rien) ici: Un "pape émérite" dont beaucoup ne voulaient pas .

Le geste avait-il pour but de mettre fin aux rumeurs récurrentes autour des "deux papes", au premier rang desquelles les conjectures d'Antonio Socci (qui s'explique ici) sur la légitimité de la renonciation de Benoît?
En se découvrant devant son successeur (aussi peu attaché aux formes que soit ce dernier, en témoignent de nombreuses photos dans des postures plus que familières), l'article de Korazym.org pense que Benoît XVI aurait en quelque sorte fait publiquement allégeance: "c'est toi le pape" (mais pourquoi est-ce nécessaire MAINTENANT?).

     

Korazym.org

Cette calotte blanche à la main ...
23 février 2014
http://www.korazym.org/13136/quello-zucchetto-bianco-mano/
Marco Mancini
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Autrefois, quand on saluait le pape, on s'agenouillait et on baisait son anneau. Aujourd'hui, cela se produit de plus en plus rarement, même quand ce sont des prêtres et des évêques qui s'approchent du Pontife.

Hier, dans la basilique Saint-Pierre, nous avons assisté une scène jamais vue dans l'histoire de l'Eglise. Le Pape François, qui dévie la procession d'entrée pour saluer un vieil évêque vêtu de blanc: son prédécesseur sur la Chaire de Pierre, Benoît XVI.

Les deux papes s'étaient déjà rencontrés plusieurs fois, en public et en privé. Mais jamais lors d'une cérémonie officielle présidée par le Pape Bergoglio dans la basilique vaticane.

Le geste historique n'est pas tant dans l'accolade - chaleureuse et amicale entre les deux - mais dans le fait que le Pape émérite s'est avancé de François en ôtant la calotte blanche de sa tête. Un geste simple, qui peut-être peut sembler évident, mais qui ne l'est pas. Absolument pas.

Le pape émérite avec la calotte dans sa main." A mon successeur - avait dit Benoît en prenant congé du Collège des cardinaux - je promets respect et d'obéissance".
Et hier, il est passé aux faits, avec ce geste simple mais sans équivoque, comme pour dire publiquement devant tout le monde dans la basilique du Vatican, dans le cadre solennel du consistoire: «le Pape, c'est toi». Comme quand à Castel Gandolfo, en Mars dernier, il invita François à s'asseoir sur le siège principal de la chapelle... Une invitation cordialement rejetée par Bergoglio, parce que - avait-il répondu - les deux Papes étaient et sont «frères».

Pour sa part, François a toujours insisté sur l'estime pour son «vénéré prédécesseur». Un «grand-père sage» dont les conseils - quand ils sont demandés - sont appréciés par le Pape qui a souligné à plusieurs reprises l'humilité de Benoît, déjà quand il lui avait donné l'icône de la Vierge de l'humilité lors du premier face-à-face à Castel Gandolfo.

     

Antonio Socci

Deux Papes à Saint-Pierre.
Le pourquoi d'un évènement jamais vu en deux mille ans
23 février 2014
http://www.antoniosocci.com

Dans l'histoire bimillénaire de l'Eglise, jamais, avant hier on n'avait vu à Saint-Pierre deux papes ensemble et se donnant l'accolade comme des frères.
C'est ce qui est arrivé au Consistoire auquel François a invité le pape émérite Benoît XVI à participer.
Francis a dévié la procession solennelle d'entrée pour aller le saluer (plus tard, en quittant la basilique, il a dévié à nouveau pour revenir vers lui et échanger quelques mots).
C'est la troisième fois que les médias immortalisent leur embrassade. En mars dernier, à Castel Gandolfo, puis dans les jardins du Vatican pour la bénédiction d'une statue de l'Archange Saint Michel.
A d'autres occasions, ils se sont rencontrés, et ils se rencontrent pour le petit déjeuner en privé, loin des journalistes.
Mais le cas d'hier est spécial, parce que c'était une cérémonie publique et solennelle dans la basilique Saint-Pierre. C'était un événement très important dans l'Eglise, parce qu'il s'agissait de la création de 19 nouveaux cardinaux.
C'est pourquoi la participation de Papa Ratzinger avait une importance particulière: c'était la première fois depuis le jour de son retrait qu'il participait à une cérémonie publique.
Présence doublement significative parce que pour l'Eglise, hier, c'était la fête de la Chaire de Saint-Pierre, et donc la fête de la papauté.


LE MYSTÈRE DE LA RENONCIATION
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Avant de se demander ce que peut signifier ce «Consistoire des deux papes» (comme certains l'ont tout de suite défini), il convient de constater que Benoît XVI est apparu en bonne forme physique.
Sur sa vigueur intellectuelle, il n'y a pas de doutes, et ceux qui en avaient eus les avaient vu se dissoudre en septembre de l'année dernière, à la lecture de la formidable réponse de Ratzinger à un livre de Piergiorgio Odifreddi.
Une réponse publique qui - même avec sa courtoisie habituelle - lui donnait une authentique leçon. Parcourant ces pages, on peut constater que Ratzinger est non seulement l'intelligence la plus lucide (et orthodoxe) de l'Eglise, mais aussi l'un des esprits les plus éclairés de notre époque.
Toutefois, la constatation de sa bonne forme physique et de sa parfaite lucidité intellectuelle, pose à nouveau une foule de questions sur les raisons de son «renoncement».

Tous les papes, en effet, au fil des siècles, ont vécu leurs dernières années de pontificat en disposant de forces très réduites en raison de l'avancement de l'âge (rappelez-vous le grand Pape Jean-Paul II qui a fait de la dernière période de son ministère un témoignage de la croix).
Et donc, le «retrait» d'un pape comme Benoît XVI, qui est encore en bonne santé et pleinement efficace, est objectivement inexplicable. Compte tenu de la guerre sans merci qui lui a été faite, y compris au sein de la Curie et de l'Eglise, depuis son élection en 2005, il est tout à fait légitime de soupçonner qu'il y a eu des pressions indues pour l'inciter au «retrait». Ou au moins que les conditions ont été créées pour le pousser à ce pas.


PAPE POUR TOUJOURS
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Venons-en maintenant aux images vues hier à Saint-Pierre.
Un vaticaniste a écrit sur internet que «Benoît XVI, vêtu de blanc, avec son manteau, était assis dans la première rangée, comme le premier parmi les cardinaux».
Sauf qu'il n'est plus du tout cardinal, et pas non plus «le premier parmi les cardinaux». Ce qu'il est, le secrétaire d'État Parolin l'a dit, après avoir salué le Pape François: «Nous saluons avec autant d'affection et de vénérationle pape émérite, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, heureux de sa présence parmi nous ...».
Du reste François lui-même, le 11 février dernier, l'a appelé «Sa Sainteté le Pape Benoît XVI». Il semble que beaucoup ne sont pas conscients du caractère exceptionnel de cette situation, de son caractère unique, dans toute l'histoire de l'Eglise. C'est évidemment dû aux temps que l'Eglise vit.

Hier, c'est François lui-même qui l'a fait comprendre à tout le monde.
En voyant ces images, en effet, les paroles de Benoît XVI prononcées 27 Février 2013 (avec toutes les questions liées) revenaient à l'esprit: ces mots qui semblent avoir été effacés par beaucoup: «Le "toujours"vest aussi un "pour toujours" - il n'y a pas de retour au privé. Ma décision de renoncer à l'exercice actif du ministère, ne révoque pas cela».
Hier, il était évident que «l'exercice actif du ministère» pétrinien est exercé par le pape François, mais aussi que ce ministère, en ce qui concerne Benoît XVI, n'est pas «révoqué» et est «pour toujours».
Ce que cela signifie du point de vue de l'Église, je ne saurais le dire. Mais le devoir des journalistes est de décrire les faits tels qu'ils sont, et, le cas échéant, de poser des questions et demander des explications et essayer de comprendre.


POURQUOI IL EST REVENU
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Nous en arrivons maintenant à la question sur le choix du pape François.
Pourquoi a-t-il voulu Benoît avec lui hier, à Saint-Pierre, au consistoire solennel?
Peut-être que c'était un geste de courtoisie. C'est la réponse la plus immédiate. Mais peut-être aussi la plus banale et, avec le recul, totalement insatisfaisante.
Pourquoi cet événement se produit-il après leur alternance, une année au cours de laquelle il y a eu beaucoup d'autres cérémonies auxquelles Benoît XVI pouvait participer. A commencer par la messe inaugurale de François.
Si au bout d'une année, il se passe un tel évènement, qui interrompt - par volonté commune de Bergoglio et de Ratzinger - l '«absence» de Benoît XVI du monde (qui avait été annoncée comme totale et définitive), la raison est probablement différente. Plus profonde et plus importante.
Personne n'est dans la tête des deux papes, il est donc inutile de faire des suppositions. Mais il y a une coïncidence qui fait réfléchir.
Précisément l'avant-veille, le consistoire s'était ouvert par la relation du cardinal Kasper sur les sujets brûlants du prochain Synode (en matière de famille et d'accès aux sacrements).
Kasper représente les factions modernistes-progressistes de l'Eglise, ceux qui veulent aller vers une substantielle dilution de la doctrine, ou - à mon avis - vers l'auto-destruction de l'Eglise, la subordonnant aux idéologies mondaines.
Ratzinger - d'abord comme cardinal, bras droit de Jean-Paul II, ensuite comme pape - a toujours été considéré par ces factions comme le grand adversaire.
Il a représenté et représente en effet non seulement l'orthodoxie, la fidélité à la tradition de l'Église, mais aussi une extraordinaire intelligence catholique, capable de dialoguer avec le monde sans se soumettre à lui, et même, de fasciner et d'attirer les meilleures intelligences laïques.


ÉGLISE SOUS ATTAQUE
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Au cours des dernières semaines, on a beaucoup entendu les factions ecclésiales qui voudraient faire une sorte de Concile Vatican III.
Du reste, on a vu arriver de l'extérieur des pressions très graves pour un «renversement» de la doctrine catholique: que l'on se rappelle la récente attaque factieuse de l'ONU contre l'Église.
Mais la présence hier à Saint-Pierre, au Consistoire, de «Sa Sainteté le Pape Benoît XVI», demandée par François, est un de ces faits qui parlent d'eux-mêmes.
Qui font se souvenir de la voie juste et de la juste doctrine. Du moment que le premier devoir du pape est précisément de conserver le «depositum fidei».
D'ailleurs, l'homélie même de François, hier, avait - en quelque sorte - une saveur ratzingérienne. Le Pape a dit, en effet, les nouveaux cardinaux: "L'Eglise a besoin de votre courage pour proclamer l'Evangile en toute occasion, et pour témoigner de la vérité»
Il a ajouté que «la voie que Jésus a choisie est le chemin de la croix ... Au contraire de ses disciples alors, nous savons que Jésus a gagné, et nous ne devrions pas avoir peur de la Croix, au contraire, nous avons mis notre espérance dans la Croix. Pourtant, nous sommes encore humains, pécheurs, et nous sommes exposés à la tentation de penser à la manière des hommes et non de Dieu».

Cette façon mondaine de penser produit alors «les rivalités, l'envie, les factions». Le Pape a donc demandé aux cardinaux de rejeter la mentalité du monde.

Enfin, il a rappelé aux pasteurs que le troupeau du Christ est persécuté dans de nombreuses parties du monde, les invitant à «lutter contre toutes les formes de discrimination», à prier pour ces fidèles, et à les réconforter dans l'épreuve par tous les moyens.
François a parlé comme Benoît.

Antonio Socci