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Jésus de Nazareth: Benoît XVI l'écrivain (2)

Reprise. A l'occasion de la sortie du deuxième volume de "Jésus de Nazareth", dans un n° de mars 2011, "La Vie" donnait la parole à des intellectuels français pas forcément catholiques. Ici, Patrick Kéchichian. (2/5/2014)

>>> Jésus de Nazareth: Benoît XVI l'écrivain (1)

     

"Je suis frappé par la clarté du style la vígueur et la rigueur de l'argumentation"
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J'ai lu plusieurs ouvrages de Joseph Ratzinger avant qu'il devienne Benoît XVI, puis ses trois encycliques, puis différents discours, enfin le premier volume de son Jésus de Nazareth. Je viens de commencer le deuxième, avec le même intérêt, la même admiration. De ces lectures, j'ai tiré un grand profit. J'ai été frappé, à chaque fois, par l'intelligente du propos, la clarté du style, la vigueur et la rigueur de l'argumentation. Mais à aucun moment je n'ai pensé que c'était de la littérature.
La vocation des livres et discours du pape est l'enseignement, ou ce qu'on n'ose plus nommer "l'édification". Lisant, je progresse dans ma foi. Grâce à ces paroles, j'ai le sentiment de mieux comprendre, de mieux entendre, la parole première, celle des Saintes Écritures. Le rôle de l'Église, et donc de son chef, est d'apporter, à tous les chrétiens à égalité, cette nourriture spirituelle qui leur permet de grandir, de se développer. Et la littérature, me direz-vous ? Elle ne peut être, en tant que telle, le souci du Saint-Père. La littérature consiste (pour le dire vite) à donner voix à sa propre subjectivité. C'est tendre à la beauté de la forme et du contenu, à leur harmonie supérieure, comme dans tous les arts. C'est parler, écrire, en son propre nom. Enfin, c'est chercher une écoute, solliciter une lecture.
Illustrons notre propos : il est impossible de mettre sur le même plan les épitres de saint Paul, admirables par la puissance de leur souffle mis au service d'une Église en construction, et une grande oeuvre chrétienne, comme celle de Claudel, par exemple. De ce second côté, vous avez le génie littéraire d'un remarquable écrivain habité, irradié par sa foi, de l'autre, la parole fondatrice et universelle d'un saint apôtre dont l'ambition est de s'effacer devant un objet qui l'excède de toute part.
La parole et les écrits du pape, comme de tous les grands théologiens, s'inscrivent bien évidemment, avec toute l'humilité nécessaire, de ce côté, qui n'est donc pas celui de la littérature. Ainsi, de la vie de Jésus, Benoît XVI n'a pas fait un roman : ce qui aurait été grotesque et surtout hors de propos.
Un dernier point. S'il arrive au pape de dire "je", ce n'est pas pour faire étalage de sa propre personne ou de ses états d'âme. Ce point le distingue radicalement et définitivement d'un certain type d'écrivains narcissiques et imbus d'eux-mèmes, qui se rêvent prophètes - y compris de malheur, comme Céline (...) - dans leur pays: la République des lettres, cette principauté d'opérette