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Les médias et le message du Pape

Je retrouve dans mes archives cette analyse faite après la Rencontre mondiale des familles en 2012 à Milan. Cela concernait alors Benoît XVI... mais reste d'une grande actualité aujourd'hui sous François (1er/2/2014)

     

Trop de médias est mauvais pour l'Eglise, le pape le sait et parle d'amour et de Dieu
Stefano Fontana
www.loccidentale.it (ma traduction)
4 juin 2012
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Depuis que Mgr Loris Capovilla (le secrétaire de Jean XXIII) a ouvert pour la première fois l'appartement privé d'un Pape aux caméras, la rencontre des médias avec l'Eglise en a parcouru, du chemin, en particulier avec le protagonisme de Jean-Paul II.
Toutefois, le débat sur l'utilité de ces médias pour l'évangélisation est encore en cours.
La Rencontre mondiale des Familles à Milan en a été un nouvel exemple.
Les questions, et les réponses du pape lors de la soirée du témoignage de samedi (ici; lorsqu'on lit le reportage, on mesure l'amnésie des "vaticanistes") étaient certainement efficaces et souvent émouvantes et le coup d'oeil sur le million de fidèles à Bresso aussi. Mais les concessions au spectacle ne courent-elles pas le risque de brûler le message dans sa jouissance immédiate et d'en effacer la trace? Ne courent-elles pas, surtout, le risque de l'horizontaliser, de le sociologiser, de le médiatiser, justement?

La maman qui dit que quand, le soir, elle est fatiguée, qu'elle doit faire la vaisselle, saisit sans doute la situation de beaucoup de femmes, mais ne réduit-elle pas également le besoin de famille à un besoin social? La réponse aux requêtes posées à Milan devraient-elles être données par les politiques sociales? Même le maire Pisapia (maire de Milan, de gauche) a accueilli chez lui une famille venue pour rencontrer le Pape, et il a également fait le discours d'ouverture - les deux choses amplement médiatisées - mais ensuite, les politiques familiales de la municipalité de Milan sont ce qu'elles sont, et dès demain, une fois démontés le podium et les installations de la Journée de la famille, redeviendront ce qu'elles sont.
Les médias soulignent et puis s'en vont. Le Pape a été bon, en répondant de façon curieuse, intéressante et efficace aux questions de samedi dernier - y compris celle de la fillette vietnamienne sur le Paradis - mais ensuite, quand il parle en Pape, et non en personnalité médiatique, les gens vont-ils l'écouter? A ses réponses intelligentes, tous ont applaudi, mais à ses discours? A ses encycliques?

Chaque fois que l'Église donne lieu à ces grandes rencontres se pose de nouveau le dilemme de savoir si c'est elle qui utilise les médias ou si ce sont les médias qui utilisent l'Eglise.

Les journaux, en commençant par le Corriere della Sera, ont consacré de nombreuses pages à l'événement, mais combien se sont vraiment employés à présenter la vision catholique de la famille? Commentaires sur le cardinal Bertone, articles sur les "corbeaux" du Vatican, des citations vaguement passe-partout: « Que les politiciens ne promettent l'impossible », la présentatrice de la Rai, Lorena Bianchetti qui a embrassé le pape sur les joues, au lieu des mains, la rncontre secrète de 7 minutes avec le cardinal Martini, les maillots personnalisés au stade Meazza.
Et la famille?
Telle est la loi des medias. Elle ne peut pas être celle de l'Église et certainement pas celle du Chartreux Ratzinger.

Sous cette couche, il y a, cependant, la réalité des familles présentes, il y a la réalité des paroles du Pape, il y a la réalité de l'Esprit présent par le Corps et le Sang dans l'Eucharistie. Il y a aussi la visite silencieuse de Benoît XVI à la tombe de saint Charles Borromée et la prière récitée à genoux. C'est cela, qui intéresse l'Eglise, parce qu'elle sait qu'un morceau de pain consacré est plus utile à la famille que mille politiques sociales et que la participation d'un million de personnes à Bresso ne servira pas à grand-chose si elle ne se nourrit pas de ce pain. Ce qui est important pour l'Eglise, souvent ne l'est pas pour le monde.

C'est pour cette raison que la médiatisation des événements de l'Eglise reste fortement ambiguë.
Il semble presque que le Pape s'y prête, mais que, dès qu'il le peut, il s'en retire pour s'appuyer sur d'autres leviers.
L'un d'eux, comme chacun a pu le remarquer depuis longtemps, c'est la parole. Parmi les discours prononcés par Benoît XVI à Milan, l'un mérite une attention particulière, c'est celui adressé aux autorités et prononcé dans la Salle du Trône de l'Archevêché de Milan.
Le pape a repris un concept désuet dans la prédication catholique: toute autorité vient de Dieu. Ce fait n'implique pas une validation sans appel de toute autorité en tant que telle. Au contraire, il libère de l'autorité oppressive, car il rappelle qu'aucun homme n'a en lui-même la source de pouvoir sur un autre homme.
Quel rapport avec la famille?
Cela a un rapport parce que cela implique que la politique se soumette à la loi naturelle, dans laquelle se manifeste justement cette l'autorité qui vient de Dieu. La loi naturelle nous parle de la famille et de sa dignité fondamentale. Voici l'origine de la nécessité des politiques sociales. Les raisons ne sont pas seulement sociologiques - trop de divorces, trop d'enfants nés hors mariage, difficulté de transmettre le capital social... - mais théologiques: la famille doit être défendue, car sur elle il y a un plan de Dieu qui se manifeste - en termes laïques - dans les principes de la loi naturelle.
Seulement, allez dire ces choses au maire Pisapia.
Et voilà l'écart de retour. Le pape applaudi sous les réflecteurs et les écrans de télévision quand il touche avec l'une de ses réponses aiguës les cordes des médias, et puis le Pape qui dit les choses de toujours: que, sans Dieu, la famille aussi est perdue parce que sans Dieu, la politique s'oublie elle-même.