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Les quarante ans d'Humanae Vitae

Un message de Benoît XVI, le 3 octobre 2008, et en guise de réponse de la presse libérale, une interviewe d'un prêtre anonyme sur Il Corriere (19/5/2014)

Ma série annoncée sur Humanae Vitae [(Re)lire Humanae Vitae (I)] n'avance pas aussi vite que je le voudrais. La raison est simple: je pourrais évidemment faire un copié-collér des 8 pages et les balancer sur mon site. Mais même si je ne ferai pas de commentaires, je veux lire le texte attentivement, et là, je n'ai pas eu le temps.

En attendant, je propose ces deux textes qui ne sont pas inédits sur mon site, mais qui, à ma connaissance étaient inédits sur internet au moment où je les avais traduits, et publiés.
D'abord, un message adressé par le Saint-Père le 3 octobre 2008 à Mgr Livio Melina, Président de l'Institut Jean-Paul II pour le mariage et la famille, pour le congrès marquant le 40ème anniversaire de l'Encyclique, organisé par l'Université catholique du Sacré Coeur.

Le message du Pape

J'ai appris avec joie que l'Institut Pontifical dont vous êtes Président, et l'Université Catholique du Sacré Coeur, ont opportunement organisé un Congrès International à l'occasion du 40ème anniversaire de la publication de l'Encyclique Humanae Vitae, important document dans lequel est abordé un des aspects essentiels de la vocation matrimoniale et du chemin spécifique de sainteté qui en résulte. Les époux, en effet, en ayant reçu le don de l'amour, sont appelés en retour à se donner mutuellement l'un à l'autre sans réserves. Ce n'est qu'ainsi que les actes réservés aux conjoints sont vraiment des actes d'amour qui, alors qu'ils les unissent en une seule chair, construisent une communion personnelle naturelle. Ainsi, la logique de la totalité du don configure intrinsèquement l'amour conjugal et, grâce à l'effusion sacramentale de l'Esprit Saint, devient le moyen pour réaliser dans sa vie une authentique charité conjugale.

La possibilité de procréer une nouvelle vie humaine est incluse dans le don intégral des conjoints. Si, en effet, chaque forme d'amour tend à répandre la plénitude dont il vit, l'amour conjugal a une manière propre de se communiquer: engendrer des enfants. Ainsi non seulement il ressemble, mais il participe à l'amour de Dieu, qui veut se communiquer en appelant à la vie les êtres humains. Exclure cette dimension comunicative au moyen d'une action qui vise à empêcher la procréation signifie nier la vérité intime de l'amour conjugal, par laquelle se communique le don divin : « si on ne veut pas exposer à l'arbitraire des hommes la mission d'engendrer la vie, on doit nécessairement reconnaître des limites indépassables à la possibilité de domination de l'homme sur son corps et sur son fonctionnement ; limites qu'aucun homme, que ce soit à titre privé ou revêtu d'autorité, ne peut légitimement franchir » (Humanae vitae, 17).

Tel est le noyau essentiel de l'enseignement de mon vénéré prédécesseur Paul VI, qu'à son tour, le Serviteur de Dieu Jean Paul II a réaffirmé en de nombreuses occasions, mettant en lumière son fondement anthropologique et moral.

À 40 ans de la publication de l'Encyclique nous pouvons mieux comprendre combien cette lumière est décisive pour comprendre le grand « oui » qu'implique l'amour conjugal. Dans cette lumière, les enfants ne sont plus l'objectif d'un projet humain, mais ils sont reconnus comme un don authentique, à accueillir avec une attitude de générosité responsable vers Dieu, source première de la vie humaine.

Ce grand « oui » à la beauté de l'amour comporte certainement la gratitude, tant des parents, qui reçoivent le don d'un enfant, que de l'enfant lui-même dans la conscience que sa vie a ses origines dans un amour si grand et si accueillant.

Il est vrai, par ailleurs, que dans le chemin du couple peuvent survenir des circonstances graves qui rendent prudent d'espacer les naissances des enfants, ou même de les différer. Et c'est ici que la connaissance des rythmes naturels de fertilité de la femme devient importante pour la vie des conjoints. Les méthodes d'observation, qui permettent au couple de déterminer les périodes de fertilité, leur permettent de gérer ce que le Créateur a savamment inscrit dans la nature humaine, sans perturber le sens complet du don sexuel. De cette façon les conjoints, en respectant la pleine vérité de leur amour, pourront en moduler l'expression conformément à ces rythmes, sans enlever rien à la totalité du don de soi que l'union dans la chair exprime.
Bien sûr, cela demande une maturité dans l'amour qui n'est pas immédiate, mais comporte dialogue et écoute réciproque, et une singulière maîtrise de l'impulsion sexuelle, dans un chemin de croissance dans la vertu.

Dans cette perspective, en sachant que le Congrès se déroule aussi à l'initiative de l'Université Catholique du Sacré Coeur, il me tient également à coeur d'exprimer mon appréciation particulière pour ce que cette Institution universitaire fait avec l'Institut International Paul VI de recherche sur la fertilité et d'infertilité humaine pour une procréation responsable (ISI), offert à mon inoubiable Prédécesseur, le Pape Jean Paul II, voulant de cette façon offrir une réponse, pour ainsi dire, institutionnelle à l'appel adressé par le Pape Paul VI dans le paragraphe 24 de l'Encyclique aux « hommes de science ».
Le devoir de l'ISI, en effet, est de faire progresser la connaissance des méthodes tant pour la régulation naturelle de la fertilité humaine que pour le dépassement naturel de l'éventuelle infertilité. Aujourd'hui, « grâce au progrès des sciences biologiques et médicales, l'homme peut toujours davantage disposer de ressources thérapeutiques efficaces, mais il peut aussi acquérir des pouvoirs nouveaux aux conséquences imprévisibles sur la vie humaine dans son début et dans ses premiers stades » (Instr. Donum vitae, 1). Dans cette perspective, « beaucoup de chercheurs se sont engagés dans la bataille contre la stérilité. En sauvegardant pleinement la dignité de la procréation humaine, certains sont arrivés à des résultats qui auparavant semblaient impossibles à atteindre. Les hommes de science seront donc encouragés à poursuivre leurs recherches, pour prévenir les causes de la stérilité et pouvoir y remédier, de sorte que les couples stériles puissent réussir à procréer dans le respect de leur dignité personnelle et de cette de l'enfant à naître » (Instr. Donum vitae, 8).
Tel est vraiment le but que se proposent l'ISI Paul VI et d'autres Centres analogues, avec l'encouragement de l'Autorité ecclésiastique.

Nous pouvons nous demander : comment se fait-il qu'aujourd'hui, le monde, et même beaucoup de fidèles, trouvent tant de difficulté à comprendre le message de l'Église, qui illustre et défend la beauté de l'amour conjugal dans sa manifestation naturelle ? Certes, la solution technicienne, de même que dans les grandes questions humaines, apparaît souvent la plus facile, mais en réalité, elle cache la question de fond, qui concerne le sens de la sexualité humaine et la necessité d'une maîtrise responsable, pour que son exercicee puisse devenir expression d'amour personnel.

La technique ne peut pas se substituer au mûrissement de la liberté, lorsque l'amour est en jeu. Au contraire, comme nous le savons bien, même la raison ne suffit pas : il faut que ce soit le coeur qui voie. Seuls les yeux du coeur réussissent à cueillir les exigences d'un grand amour, capable d'embrasser la totalité de l'être humain.

A cette fin, le service offert par l'Église dans sa pastorale matrimoniale et familiale devra savoir montrer aux couples comment comprendre avec le coeur le merveilleux dessein que Dieu a inscrit dans le corps humain, en les aidant à accueillir ce que comporte un authentique chemin de mûrissement.
Le Congrès auquel vous êtes en train de participer représente donc un important instant de réflexion et de soins pour les couples et pour les familles, en leur offrant le fruit d'annés de recherche, tant sur le versant anthropologique et éthique que sur celui strictemnt scientifique, à propos d'une procréation vraiment responsable.
Dans cette lumière je ne peux que me féliciter avec vous, souhaitant que ce travail porte des fruits abondants et contribue à soutenir les conjoints avec toujours plus de sagesse et de clarté dans leur chemin, en les encourageant dans leur mission à être, dans le monde, témoins crédibles de la beauté de l'amour. Avec ces souhaits, tandis que j'invoque l'aide du Seigneur sur le déroulement des travaux du Congrès, à tous, j'adresse une Bénédiction Apostolique spéciale.

Du Vatican, de 2 octobre 2008

BENEDICTUS PP XVI

© Copyright 2008 - Librairie Editrice Vatican pour le texte en italien, ma traduction

La beauté des mots, l'élévation des idées, la sollicitude pastorale envers les couples en difficulté (pour lesquels il est préférable "d'espacer, ou de suspendre les naissances"), et même la crédibilité scientifique, constituent la meilleure des réponses aux gesticulations frénétiques du puissant lobby qui veut transformer les hommes en machines de "plaisir" sexuel, et l'amour en simple exercice hygiènique.
Une fois de plus, la réaction ne s'est pas fait attendre. Ce "lobby" considère manifestement que le Pape est une voix que l'on a encore des raisons de craindre, malgré qu'il claironne le contraire.

Dès le lendemain de la publication de la lettre, le 4 octobre, Il Corriere publiait une interviewe d'un prêtre anonyme, dont l'authenticité m'avait paru sujette à caution. Le but semblait celui de peindre à gros traits le portrait d'une Eglise en déphasage total avec la réalité des gens, sous la houlette d'un pape rétrograde.

Le confesseur

Le lien vers l'article original est brisé.

« Ils ne nous le disent même plus »

« Ils ne le confessent même plus. Ils ne le considèrent pas comme un péché. La déloyauté, si. La masturbation, les jeux sexuels entre garçons, et même, parfois, la pilule du lendemain. Mais le préservatif, décidément non. Une fille m'a demandé : Qu'est-ce que cela enlève à l'amour, un morceau de caoutchouc?. Il n'a pas été facile de lui répondre ».

* * *

Il y a, dans un quartier périphérique de Rome, un curé - « n'écrivez pas mon nom », demande-t-il en souriant, « autrement je serais excommunié » - de grande expérience et de grande humanité. Études de théologie à Rome; formation dans une paroisse de campagne, dans une province autrefois démocrate-chrétienne, aujourd'hui avec beaucoup d'électeurs de la Ligue du Nord (donc le parti d'extrême-droite!); puis retour dans la capitale. Son église est dans un quartier populaire - des gens des faubourgs, et de la petite bourgeoisie -, mais elle est également fréquentée par les habitants aisés des villas de la Via Cassia toute proche. « Cependant, le fossé d'autrefois a disparu, lorsque parmi les bourgeois, au moins les femmes, il y avait plus de rigidité, et les classes populaires avaient des modes de vie plus décomplexés. Aujourd'hui les jeunes sont tous, ou presque, décomplexés ».

Le curé ne trahirait jamais un secret personnel reçu en confession. Mais il accepte de raconter comment s'élargit chaque jour davantage la distance entre les précepts et la vie, dénoncée hier encore par le Pape.

« On confesse rarement les rapports prénuptiaux. De même que les rapports avec les prostituées. Et de préservatif, dans le confessionnal, on ne parle jamais. Pour la pilule, c'est encore pire. Une seule fois, une fille de 17 ans qui avait pris la pilule du lendemain a ressenti le besoin d'en parler devant les autres jeunes: elle l'a vécu comme un épisode abortif, comme une chose qui ne se fait pas. Les méthodes naturelles, indiqués par l'Eglise, ils ne savent pas ce que c'est. Nous en parlons, vers le milieu des cours prénuptiaux : la méthode Ogino-Knaus, la courbe de température ... Ils écarquillent les yeux . Ce sont des questions auxquelles il est difficile de répondre. "Pourquoi le préservatif est-il un péché et pas le coït interrompu, qui peut se conclure de façon peu respectueuse pour la femme ? ". Je réponds que s'il y a consentement de la femme, ce n'est pas un manque de respect, que de toute façon le coït interrompu n'est pas conseillé, et que dans tous les cas, il ne doit pas y avoir d'onanisme. Mais je m'aperçois que je suis très loin. L'impression est que plus l'Église radicalise sa position, plus les jeunes la perçoivent comme lointaine, et donc se sentent libres ».

Il n'en a pas toujours été ainsi.
« Lorsque j'étudiais la théologie, je me rappelle que dans plusieurs basiliques romaines, les confesseurs enquêtaient, ils posaient des questions précises, ils entraient dans les détails; jusqu'à ce que leurs supérieurs ne leur demandent plus. Dans un diocèse du Nord profond, les curés étaient très moralistes, ils inculquaient une mentalité rigide. Chaque dimanche après-midi, aux Vêpres, ils apprenaient à faire l'examen de conscience, commandement par commandement, et ils s'arrêtaient particulièrement au sixième : « Demandez-vous si vous avez respecté votre corps et celui de votre conjoint, si vous avez eu des rapports impurs… ». Ainsi les fidèles se confessaient en récitant les formules anciennes : « J'ai commis des actes impurs », « j'ai eu des rapports incorrects », et même : « J'ai forniqué ». Un homme me raconta qu'il avait mis dix ans à découvrir comment sa femme était faite: il pensait que faire l'amour avec la lumière allumée était un péché. Mais on voyait aussi les nouvelles générations changer, cohabiter avant le mariage, sourire lorsque le curé commençait son homélie en dénonçant deux jeunes surpris en relation intime devant l'église. Aujourd'hui, il arrive de recevoir des confidences, mais plus facilement hors du confessionnal. Il m'arrive d'être le premier à savoir qu'une femme est enceinte, ou a des difficultés à le rester. Mais pour le reste il n'y a pas moyen: "Si nous nous aimons, quel mal y a-t-il?". "La pilule, c'est le gynécologue qui me l'a donné pour ma santé, pourquoi ne devrais-je pas la prendre? ".
Ils font coïncider sexe et amour, ils les confondent : "Oui, nous nous sommes quittés, mais à ce moment-là nous nous aimions".
Ils me disent que l'Église devrait s'occuper de l'Évangile, pas du sexe ; et ils ne me comprennent pas, lorsque je réponds que même ainsi nous prêchons l'Évangile ».

« Ce Pape est considéré comme très intelligent, mais lointain. Je ne le vois pas ainsi, mais les fidèles considèrent que l'Église a accompli un pas en arrière, qu'elle est plus traditionaliste, moins miséricordieuse. Il est arrivé la même chose avec Jean Paul II, au début; ensuite ils ont appris à l'aimer.
J'ai emmené un groupe de jeunes à Sydney pour les Journées mondiales de la Jeunesse, je les ai vus très sensibles aux messages forts de Benoît XVI. On commence à trouver ici et là des filles qui croient en la chasteté, qui vivent la virginité jusqu'au mariage. Je crois qu'il est juste d'indiquer aux jeunes, même décomplexés, un objectif, un changement, un chemin. Je suis un confesseur, pas un enquêteur: j'invite à l'examen de conscience; je ne pose pas trop de questions, je cherche à faire en sorte qu'ils y arrivent tous seuls. Et, lorsqu'ils me font remarquer qu'il y a des péchés plus graves, je leur réponds qu'ils ont raison».