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Peter Seewald parle de Benoît XVI

Reprise: une interviewe de Peter Seewald par le site catholique en langue allemande Kath.net, en 2011, traduite par Marie-Anne (21/5/2014)

Il y a maintenant presque trois ans, en septembre 2011, à la veille du voyage du Saint-Père en Allemagne, Peter Seewald (*) accordait une inrerviewe au site Kath.net, que Marie-Anne avait eu la gentillesse de traduire pour <Benoit-et-moi>.
Elle est à lire en entier ici: benoit-et-moi.fr/ete2011/
En voici quelques extraits particulièrement beaux, ceux qui ne sont pas spécifiquement consacrés à l'actualité d'alors.:

     

(...)

KATH.NET: Mais revenons au pape Benoît. Vous le connaissez très bien après plusieurs rencontres. Comment est-il en réalité et que pensez-vous de l’appellation dérisoire de “Panzerkardinal“ ?

Seewald :
Oui, comment est-il vraiment ? De toute façon cette appellation “Panzerkardinal“ n’a rien à voir avec la personnalité de Ratzinger. Elle ne peut décrire ni son travail basé sur le dialogue, et surtout pas son être profond. Je pense que le pape Benoît est non seulement un des penseurs les plus importants de notre époque, un théologien de la stature des pères de l’Eglise, mais surtout un maître spirituel de très grande qualité. Un homme plein de finesse, de poésie, de sincérité et dénué de toute vanité. Un homme de cœur, à la fois intelligent et religieux qui se donne à sa tâche jusqu’à l’épuisement.
Avec cela il montre clairement que la foi n’exclut pas la raison ni la réflexion, au contraire, une pensée sans la foi restera toujours en deçà de la vérité. Il est ce pontife venant de l’Occident, qui sait montrer dans notre monde scientifique que la raison n’est pas contraire à Dieu, mais qu’elle est bel et bien l’expression de Dieu ; que Dieu est la substance de l’Etre et du Sens. Il démontre la recherche de la vérité par le moyen de la raison. Ratzinger explique Jésus non seulement en partant de la foi, mais aussi par une logique scientifique. C’est en cela consiste une des ses forces incomparables.
Je ne connais personne d’autre qui sache si bien écouter, si bien analyser. En plus, il dispose de l’art d’exprimer des choses compliquées de façon simple et compréhensible. Dans son discours qui ressemble souvent à une composition musicale, il y a quelque chose qui vous touche non seulement intellectuellement mais aussi spirituellement, parce qu’il élève l’âme de l’auditeur.
Aujourd’hui on sent, bien entendu, le poids des ans et la lourde charge qu’il porte sur ses épaules ; la sollicitude pour son Eglise, et souvent aussi le manque de soutien venant de son Eglise.
Le fait d’être devenu pape n’a rien changé dans sa personnalité, sa façon d’être, sa gentillesse. Mais je pense qu’en tant que pasteur, il est devenu encore plus humble, plus large d’esprit, plus sage.
Ce qui est décisif dans ce pape, c’est que, dans ce monde de nouveau menacé par l’athéisme, il met la question de Dieu au centre, et il nous montre à nul autre pareil, comment le Christ, qui est véritablement le Fils de Dieu, est à notre époque également le Seigneur de l’univers.
Cela représente aujourd’hui une énorme provocation même pour des gens qui se disent chrétiens. Mais si Dieu est absent, un Dieu qui nous connaît qui nous parle, qui nous aime et nous incite par ses exigences à la conversion, nous perdons les fondements d’une existence civilisée.
Comme dit Ratzinger, c’est “l’annonce de la foi qui est le cadeau le plus précieux que l’Eglise peut offrir à l’humanité”.
Voilà la différence avec ceux qui veulent des “réformes”. Voilà quelqu’un qui ose aller jusqu’au fond du mal, jusqu’au plus difficile, pour opérer une sorte de purification fondamentale, un retour à l’origine.
C’est lui, ce pontife Occidental qui démontre dans un monde post-scientifique devenu si matérialiste que la raison et la science ne sont pas en contradiction par rapport à la foi, mais qu’elles en font partie intégrante comme expression de Dieu, de ce Dieu qui est la substance de l’Être et du Sens.
Le pape Benoît peut clarifier et purifier les choses. A une époque de confusion, de l’ésotérisme et des faux prophètes, c’est un trésor inestimable. Je pense que cela fait partie des secrets justement d’un pape allemand.

KATH.NET: Peut-on critiquer le pape ?

Seewald :
Il n’est pas interdit de critiquer le pape lorsqu’on est catholique
Ratzinger exige justement l’échange des points de vue. Mais il faut que ce soit honnête. Si les hommes politiques ou les dirigeants des médias adoptent le style des jacobins et du régime de la guillotine, ce n’est pas drôle. Dans l’affaire Williamson et aussi au sujet des abus sexuels il s’agissait d’une campagne chez les journalistes dépassant toute mesure. C’est pourquoi il est devenu difficile de percevoir l’atmosphère véritable qui règne dans le pays. Si on croyait à l’opinion publique il ne resterait plus personne en Allemagne qui s’intéresserait au pape.
Mais en réalité, ses livres occupent toujours les premières places sur les listes des best-sellers.


KATH.NET: Que pensez-vous sur l’information en Allemagne autour du pape Benoît ?

Seewald: Nous sommes arrivés en ce domaine à une manipulation subtile de l’opinion pouvant être qualifiée de dictature de l’opinion dans la mesure où la désinformation ou l’omission volontaire des nouvelles sont admises comme quelque chose de normal. Je pense qu’une analyse scientifique pourrait le prouver.
Même l’agence de presse catholique (KNA) ne se laisse pas aujourd’hui surpasser lorsqu’il s’agit de critiquer l’Eglise en s’afficher comme anti-romaine.
Entre-temps la situation est devenue tellement de travers dans les médias dominants, qu’on doit parler de manipulation. Il s’agit d’étouffer certaines nouvelles pour valoriser des événements insignifiants en les falsifiant, pour les instrumentaliser. Sans parler du ton odieux lorsqu’on qualifie les fidèles du pape comme « catholique obscurantistes » ou « catholiques supporters » jusqu’à leur discrimination.
Un exemple : Les représentants de « Nous sommes l’Eglise » (Wir sind Kirche“), cette fraction hostile au pape, qui, durant 15 ans n’a pas réussi à regrouper un grand nombre d’adhérents, reçoit dans les médias allemandes une audience plus importante que tous les évêques ensemble.
Dans l’autre sens, les lecteurs allemands des grands événements, comme par exemple les JMJ de Madrid qui rassemblait plus d’un million de participants, n’étaient informés que sous l’angle des manifestations anit-JMJ avec 5000 puis 150 participants !
Et lorsqu’il s’agissait des abus sexuels le Spiegel n’avait pas honte de citer des phrases tirées du contexte des homélies du pape pour en donner une autre signification.

KATH.NET: Pourquoi y a-t-il dans les pays germanophones ce « complexe anti-romain » appelé ainsi par le théologien suisse Hans Urs von Balthasar?

Seewald :
C’est vrai qu’il existe ce complexe anti-romain qui est copieusement répandu. Hans Küng est présenté dans les médias comme un anti-pape sacro-saint, et il a toute la place pour ses tirades.
D’autres domaines de l’Eglise sont revisités par des gens qui ne représente plus l’Eglise catholique mais plutôt une sorte de petite église protestante dominée par l’idéologie nationale allemande qui en définitive veulent avoir un autre Jésus.
Cette transformation est maintenant tellement avancée qu’une grande majorité des catholiques ne saurait plus dire probablement où se trouvent les différences.
Le pape en est bien conscient. Mais il sait aussi que l’Eglise ne peut pas cesser d’exister. Les situations des crises sont toujours des épreuves de vérification.
Déjà du temps de Jésus une grande partie de ses fidèles se sont séparés de Lui parce qu’ils voulaient avoir une Messie sur mesure, un Pseudo-Messie du leur création.
Mais dire que l’Eglise catholique d’Allemagne est en général anti-papiste, c’est une invention. Durant les quatre premières années de ce pontificat, on se souvient, on a parlé d’une fièvre Benedetto. Sur la liste de Günter Grass, le pape était qualifié de penseur dominant dans son pays d’origine.
Aujourd’hui les grands instituts catholiques d’Allemagne sont dirigés par des catholiques fidèles à Rome et non le contraire.
Il est remarquable aussi que tous les mouvements qui apportent une bouffée d’air frais ou qui galvanisent sont orientés vers le successeur de Pierre, tandis que les autres associations de fonctionnaires s’éteignent peu à peu.
Il y a aussi une nouvelle génération de prêtres qui considèrent de nouveau leur vocation comme quelque chose de grand et saint, qu’ils veulent réaliser sans courir après les modes, à contre-courant de l’esprit du temps.

     

Commentaire à propos de Peter Seewald

(*) Peter Seewald a pblié en 2007 une biographie faisant autorité sur Benoît XVI, "Benedikt XVI: Ein Porträt aus der Nähe" . A ce jour, elle n'a été traduite qu'en anglais, aux éditions Ignatius (l'éditeur de Benoît XVI aux Etats-Unis) sous le titre "Benedict XVI, an intimate portrait". Il y avait aussi deux albums, largement illustrés, très attrayants, Benedikt XVI leben und auftrag, et Der deutsche Papst. Von Joseph Ratzinger zu Benedikt XVI.

Cela soulève une vraie question, d'autant plus lancinante que l'on voit aujourd'hui le déferlement éditorial autour du Pape Bergoglio.
Les maisons d'édition du monde entier auraient dû s'arracher les droits, pour cette biographie.
L'argument selon lequel il n'y avait pas de demande pour Benoît XVI n'est absolument pas convaincant, je n'y crois pas (la visite de Benoît XVI en France en 2008, était un contexte éditorial hyper-favorable!).
Ce qui saute aux yeux, en revanche, c'est l'intention délibérée de lui refuser auprès du public ce crédit de bienveillance qui, s'il avait été plus ample, aurait peut-être changé beaucoup de choses. Une intention que confirme la traduction par contre très diligente en français (avec grand relief dans les surfaces dites culturelles, le livre étant mis en rayon à la Fnac avec le petit carton "le coup de coeur du libraire...) des livres de Gianluigi Nuzzi, en particulier "Sua Santità" - un livre qui ne "raconte" pas les Valileaks, mais qui est à leur origine.