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Ratzinger docet: pourquoi je reste dans l'Eglise

Nous regardons tellement le détail que nous ne voyons plus le tout. Une (re)lecture sur korazym.org d'un texte récemment rencontré dans ces pages (15/1/2014).

J'ai traduit très récemment un texte de Joseph Ratzinger trouvé sur le site de Teresa: il s'agissait d'un article paru dans un journal espagnol au moment de l'élection de 2005, sous le titre "Pourquoi je suis catholique" (http://benoit-et-moi.fr/2013-III).
C'était en fait une version abrégée d'un texte plus élaboré publié en français dans le livre "Joseph Ratzinger, Discours fondateurs. 1960-2004" , Fayard, Paris 2008, pp. 145-166. (dont Belgicatho publiait un large extrait ici: belgicatho.hautetfort.com/archive/2013/07/03/joseph-ratzinger-pourquoi-suis-je-encore-dans-l-eglise)

Voici qu'un collaborateur du site korazym.or, Michelangelo Nasca, reprend ce texte à la lumière de la situation de l'Eglise précisément aujourd'hui, et il le trouve d'une brûlante actualité. Il n'est pas redondant de le relire...
J'apprend à cette occasion qu'il s'agit d'une conférence donnée en 1970 à l'Académie catholique de Bavière, à Munich, par le Professeur Ratzinger.
Le texte complet est traduit en italien sur le site de Raffa: papabenedettoxvitesti.blogspot.fr/2011/02/prof-ratzinger-1970-lopinione-pubblica

     

Ratzinger Docet: «Pourquoi je suis encore dans l'Eglise»!
13 janvier 2014
Michelangelo Nasca
http://www.korazym.org/12138/ratzinger-docet-perche-sono-ancora-nella-chiesa/
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Si pour quelqu'un, la foi dans l'Eglise est devenue étrangère et incompréhensible, rétrograde et moyenâgeuse, trop hostile au monde et à la vie ... il est tenté de l'abandonner. Le plus fervent chrétien semble aussi parfois déçu - comme un amant trahi - quand il a l'impression que l'Eglise va se vendre à la mode de l'époque. Il y a aussi ceux qui - malgré tout - restent dans le sein de cette Epouse «voulue par Dieu», parce qu'ils croient fermement à sa mission, ou parce qu'ils ne veulent pas abandonner une habitude qui leur est devenue chère, ou encore, pour d'autres, parce que se développe le désir et l'espoir de la transformer - selon son «goût artistique» personnel - à son image et à sa ressemblance!

Plus de mille personnes, le 4 Juin 1970, écoutèrent avec un vif intérêt ces intenses provocations déployées par le titulaire de la chaire de dogmatique et d'histoire du dogme à l'Université de Ratisbonne, sept ans avant d'être nommé archevêque de Munich, onze ans avant d'occuper le poste de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et de président de la Commission biblique pontificale et de la Commission théologique internationale, alors qu'était très loin le jour où il deviendrait le 265e Pontife romain.

La conférence du Professeur Joseph Ratzinger avait pour thème: «Pourquoi je suis encore dans l'Eglise», et en la relisant aujourd'hui, il est vraiment difficile - même si depuis lors 44 ans se sont écoulés - de ne pas en constater la brûlante actualité.

Commençant par réfléchir sur la situation de l'Église, Joseph Ratzinger demandait en guise de provocation comment on avait pu arriver à cette situation, malgré les propositions et les ouvertures faites par le Concile Vatican II, «comment a-t-il pu se faire que de la grande impulsion vers l'unité soit sortie une sorte de désagrégation?» .
Nous nous sommes efforcés de comprendre l'Église, en en étudiant minutieusement chaque détail et en l'observant de si près que nous sommes devenus incapables de reconnaître l'unité à travers un regard plus large; «nous voyons - dit le Prof. Ratzinger - le détail avec une précision tellement exagérée qu'il devient impossible de percevoir l'ensemble. Et ici aussi, le gain en précision signifie perte de vérité».

Le microscope - observe-t-il avec un exemple - nous permet d'observer un morceau de l'arbre, mais pas son ensemble, et, avec le passage du temps, cela peut cacher la vérité «si cela nous fait oublier que la chose isolée n'est pas seulement telle, mais plutôt possède une existence dans le tout, qui ne peut être vue sous un microscope».
La perspective du présent a transformé la façon dont nous voyons l'Église; la crise de la foi nous a conduits à la considérer comme une structure qui peut être modifiée par les seules forces humaines, perdant de vue sa véritable image, le reflet de la lumière du visage de Dieu.

L'histoire a livré à notre attention non seulement les conquêtes théologiques ardues et les fruits d'un chemin ecclésiologique fondé sur sur le mystère du Christ, mais aussi les actions honteuses des hommes qui ont défiguré le visage de l'Eglise, la mortifiant et l'immergeant dans de nombreux scandales. Comment pouvons-nous continuer à croire face à ces incohérences?

Poursuivant son raisonnement, Joseph Ratzinger souligne avec un autre exemple les limites de notre vision et de notre expertise. L'astronaute et la sonde lunaire, en effet, sont capables de découvrir la Lune (qui dans le symbolisme des Pères représente l'Église) seulement comme rocher, désert et du sable, mais pas comme «lumière» qu'elle reçoit d'un autre (le soleil), et cet autre fait partie de sa réalité.
«Alors je me demande - affirme-t-il - n'est-ce pas une image très précise de l'Eglise?». Quelqu'un qui l'explore et la parcourt avec la sonde spatiale «ne peut découvrir que désert, sable, roche, les faiblesses de l'homme, les déserts, la poussière et les hauteurs de son histoire. Tout cela lui appartient, mais ne représente pas sa vraie réalité. [...] Elle est certes lumière, en vertu d'un autre, le Seigneur ... Elle ne vaut pas pour ce qu'elle est, mais seulement pour ce qui n'est pas à elle».

La suggestive analyse du Prof. Ratzinger nous permet encore aujourd'hui de réfléchir et d'examiner avec un «sensus fidei» prudent notre jugement sur l'Eglise, souvent alourdi par les théories, les clichés et la logique qui porte l'homme à limiter son regard aux détails et aux aspects d'une réalité beaucoup plus grande que ce que nous pouvons imaginer.
C'est vraiment le cas de le dire: « Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt»!