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A la source du bien commun

Une formidable tribune d'Ettore Gotti-Tedeschi dans la Bussola du 7 juillet: l'Eglise n'est pas une organisation caritative, mais gardienne de la Vérité (13/7/2014)

     

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Le Pape François n'est cité qu'à travers ladite "encyclique à quatre mains" Lumen Fidei, et je ne me permettrais pas de forcer les propos de l'ex-président de l'IOR, mais je ne crois pas me tromper en disant que sa figure est bien présente, certes en filigranne, dans ce texte, qui fait clairement écho à plusieurs articles que je viens de mettre en ligne (cf. par exemple Quand le pape parle (trop) des choses terrestres et aussi François est vraiment le Pape des pauvres).
Cela laisse songeur que ce soit un laïc, plutôt qu'un homme d'Eglise, qui tienne de tels propos...

     

Le bien commun

L'EGLISE N'EST PAS UNE ONLUS (*), MAIS GARDIENNE DE LA VÉRITÉ
Ettore Gotti Tedeschi
7 juillet 2014
http://www.lanuovabq.it/it/articoli-la-chiesa-non-e-una-onlus-ma-custode-di-verita-9672.htm
Ma traduction
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Le bien commun, dont on parle tant, ne sera pas réalisable si on ne réussit pas à «restaurare omnia in Christo» comme le souhaitait Saint Pie X. Le bien commun présuppose en effet des valeurs communes à poursuivre, souhaitées par tous. Et ces valeurs communes sont le résultat du rôle effectif que l'Église, la plus haute autorité morale organisée au monde, a réussi à faire croire et vivre en se confrontant au monde et à ce que l'on nomme les exigences de la modernité. Dans Lumen Fidei, les conditions pour y parvenir sont bien exprimées.

L'Eglise d'aujourd'hui ne gére pas avec facilité sa mission surnaturelle , il n'est pas si facile en effet, de «continuer à proclamer le message même du Seigneur et réaliser son oeuvre dans le monde» (Vatican II - Lumen Gentium).
L'Eglise du Christ a bien souffert, surtout ces derniers temps.
Rappelons que dans la seconde moitié du XIXe, s'est répandue une forme de positivisme agnostique anti-Eglise catholique qui a anéanti les lois morales et préparé le terrain au nihilisme d'aujourd'hui. Déjà alors, on a tenté d'affirmer que la liberté passe avant la vérité et que la liberté de conscience ne doit pas être conditionnée. Mais de Léon XIII à Pie XII, la défense du Magistère était forte et convaincante, même après la séparation de l'Église et de l'État.

En nos temps plus récents du XXIe siècle, le nihilisme organisé dominant (appelons-le ainsi par convention) a réussi à surmonter le problème de la séparation de l'Église et de l'État, cherchant même à tenter d'«utiliser et influencer» la Sainte Église elle-même.

Cette tentative d'utiliser et d'influencer la Sainte Église a diverses facettes. Certaines consistent dans l'imposition des interprétations des «changements nécessaires dans l'Eglise», provoquant des attentes divergentes entre le monde laïc et le monde catholique.
On se demande bien qui peut demander ou prétendre à une Eglise «plus terrestre, plus proche des besoins des hommes d'aujourd'hui». Et pourquoi.
Et puis, quels besoins? Quand le Christ explique aux apôtres: «Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance» (Jn 10,10), il ne se réfère pas à la vie terrestre, mais à la vie éternelle, et le Christ est venu pour nous libérer du péché, pas de la faim ou des tourments.
Le but de l'Église est le salut des âmes et l'Eglise sait bien depuis 2000 ans ce que cela signifie, elle n'a pas besoin de souffleurs externes. C'est à l'Eglise de former l'homme dans cette prise de conscience, peut-être avec plus de «confessions» que «concessions».

Cette spéculation sur le «renouveau nécessaire» provoque des tentations d'interprétation qui suivent abusivement différents raisonnements, laissant imaginer que l'Église, dans l'intention de récupérer des parts de marché, serait disposée à donner raison à ceux qui ont tort, se conformant à des habitudes ou des désordres, fruit du laxisme dans l'éducation et la doctrine. Ladite spéculation laisse même imaginer que l'Église serait disponible pour intervenir sur les effets plutôt que sur les causes de la déchristianisation, en les soignant. Qu'elle pourrait être disponible à s'adapter au péché consolidé dans le domaine de la morale (notamment sexuelle). Qu'elle pourrait être plus attentive et soucieuse de la «misère économique» plutôt que la «misère morale», qui est à l'origine de celle économique.
Après la résurrection, le Christ exhorte les apôtres à aller dans le monde entier, pour proclamer l'Evangile et instruire des nations: «allez et prêchez que le royaume des cieux est proche». Il n'a pas demandé de s'occuper du joug de l'occupation romaine, ou de la pénurie des ressources terrestres.
La spéculation, toujours elle, laisse engendrer la confusion sur la position de l'Eglise envers les principes «non-discutables» (EGT ne dit pas «non-négociables») tout en ignorant complètement les références constantes des Pontifes à la réalité du diable, au péché, etc.
La spéculation laisse penser que l'on peut dialoguer avec les laïcs en contredisant ce que l'on explique comme catholiques, parvenant ainsi à effrayer le «troupeau» terrifié par le souvenir de «ce qui plaît aux loups ne peut pas plaire aux agneaux». L'Église, au contraire, sait bien que, si le comportement erroné des personnes n'est pas corrigé, mais toléré, on risque de saper les principes qui sous-tendent le comportement lui-même, en les relativisant.
L'Eglise sait bien qu'elle n'est pas, comme le monde laïc le voudrait, une organisation à but non lucratif qui s'occupe principalement de misère matérielle plutôt que misère spirituelle. Sinon, on risquerait de déifier les droits de l'homme plutôt que ceux de Dieu, de valoriser le social et le collectif contre l'autorité et de la vérité. Aujourd'hui encore, l'homme appartient à Dieu et non à lui-même comme au contraire les laïcs nihilistes le prétendraient, afin que le bien commun ne se produise pas. Et c'est là le point clé de ce texte.

Mais qu'est-ce alors que ce bien commun, aujourd'hui? C'est ce bien productible ici, sur terre, correspondant à la nature humaine créée par Dieu. Nature faite de corps, d'intellect et d'esprit. C'est un bien auquel tous devraient pouvoir participer individuellement, tandis que l'Etat doit le rendre possible, subsidiairement, pour le citoyen. Oui, l'Église se soucie des œuvres terrestres de l'homme, mais celles-ci sont un moyen, c'est le ciel qui donne un sens à la terre.

Ce bien commun a-t-il été réalisé, jusqu'à présent? Non.
Voyons pourquoi.
Les partis politiques et les lobbies ne pensent qu'à eux-mêmes. L'Etat social influence les choix des individus et des familles. L'Etat décourage la vie spirituelle et gère la vie intellectuelle, tout en imposant celle matérielle (avec le consumérisme). Le citoyen ne jouit pas de la sécurité, il vit l'injustice, la difficulté dans les possibilités de choix, il ne connaît pas le vrai bien-être, la vraie éducation. En pratique, il ne peut pas vivre pleinement sa propre nature humaine. Cela parce que l'État laïc ne reconnaît pas les valeurs communes relatives à la création et à Dieu, qui a fait des lois auxquelles l'État doit se conformer. Voilà pourquoi l'Etat, ayant relativisé les valeurs et les lois naturelles, ne réussit pas lui-même à rester debout.
Prenons l'exemple de la famille. Ses éléments sont l'unité, l'indissolubilité, la fécondité, et sont déterminés par la nature et la révélation. La famille, ensuite, est source de la vie, le mariage est élevé à la dignité de sacrement par le Christ lui-même. Aujourd'hui, au cours des dernières années, la valeur du mariage s'est modifiée et l'Eglise a subi l'expropriation de la juridiction sur la famille comme autorité morale.

Si l'Église dans son Magistère devait désormais incorporer la juridiction de l'État, que se passerait-il? Que l'on pense à l'éducation religieuse qui enseigne des choses différentes de celles qu'enseigne le scientisme agnostique et des devoirs que le scientisme moderniste rejette, que se passerait-il? Il est vrai qu'aujourd'hui, l'Etat laïc est agnostique et entretient des relations avec les autres religions en fonction des opportunités et des convenances, mais il devrait faire attention quand il donne, superficiellement, les droits mêmes de ce qui est ordonné selon la nature à ce qui ne l'est pas.
Mais surtout, l'État laïc ne peut prétendre de l'Église qu'elle soit disposée à adapter ses lois, avec l'excuse d'accepter les «droits humains» de ceux qui ont les mêmes valeurs. L'Eglise devrait-elle méconnaître la dignité de l'homme, les lois de la création, le Créateur Lui-même? Quelle Eglise deviendrait-elle? Sans aucun doute, elle deviendrait une institution d'éthique sociale sans fondement.

Maintenant, la séparation de l'Église et de l'État s'interpréte depuis toujours avec l'expression du Christ: «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu». Les deux autorités sont indépendantes, mais la source est-elle la même, oui ou non? L'objet (homme) est-il le même, oui ou non? Bien qu'il existe un dualisme métaphysique, séparer ces deux autorités (subordonnant l'une à l'autre), même dans leur indépendance, ce serait déshumaniser l'homme. On ne peut pas séparer les lois divines des lois humaines.

Dans le monde global, les choses pourraient être encore pire. Le monde global ne restera debout que s'il accepte un ensemble de valeurs partagées.
C'est pourquoi beaucoup de gens pensent à la valeur commune la plus facile à accepter: l'écologie, prêts à en faire une religion universelle.
Celles-ci doivent au contraire être des valeurs morales, et non de race, de culture ou autre. Autrement dit, elles doivent se référer à la dignité unique de l'homme, une valeur qui doit être homogène et partagée. Cette valeur permet la véritable solidarité naturelle entre les hommes, la charité naturelle. Le problème de la misère économique est le résultat d'un problème en amont, de la pauvreté morale. La loi morale est imprimée dans l'esprit de chaque créature; la lui refuser, en ne l'intégrant pas dans les lois de l'État, semble faciliter la recherche de la liberté, mais réalité facilite seulement la perte de la liberté et le désordre, par la loi.

Aujourd'ui l'Église, comme plus haute autorité au morale du monde, comme François l'a écrit (?) dans Lumen Fidei , doit garder la Vérité, doit éduquer, donner les sacrements, doit faire prier. Cela confirme que nous pouvons être certains que nous devons «restaurare omnia in Christo» pour avoir la «pax Christi in regno Christi». Et réaliser le fameux «bien commun». Sinon, nous ne réaliserons rien du tout, et de cela, un jour, nous serons rendus responsables.

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(*) ONLUS: organisation à but non lucratif

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