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Ce Pape ne me convertit pas, mais il me plaît

Cette réflexion d'un laïc catholique met le doigt sur LE problème crucial du Pontificat de François (3/9/2014)

>>> Image ci-contre: le Pape, le 25 juillet, à la cantine "self-service" du Vatican.

     

L'auteur y affirme clairement sa loyauté au pape François - on n'y trouvera ps l'ombre d'une critique - même s'il donne parfois l'impression de chercher à se convaincre lui-même.
Reste l'observation cruciale toute contenue dans le titre (raison pour laquelle l'article aurait pu être un peu moins long): le Pape ne convertit pas, il n'y a pas vraiment d'effet François, mais une image diffusée par les médias (*). Les gens ne veulent pas se convertir, tout au plus cherchent-ils à le convertir LUI, et à ce qu'il leur donne en quelque sorte sa bénédiction pour continuer à pécher en paix.

(*) L'idée que "c'est la faute des médias" n'est elle non plus pas vraiment convaincante: c'est oublier que François vit quasi en direct sous l'oeil des médias, comme jamais aucun pape avant lui, au point qu'on a l'impression d'assister à un gigantesque realty-show dont il serait le protagoniste. Et ce sont ses gestes, comme par exemple celui du repas au self-service du Vatican cité dans l'article, ou les selfies qui innondent désormais les réseaux sociaux, qui contribuent à alimenter une "image" qu'il ne tiendrait qu'à lui de modifier

Article original: www.cooperatoresveritatis.it/it/questo-papa-non-mi-converte-ma-mi-piace

     

CE PAPE NE ME CONVERTIT PAS, MAIS IL ME PLAIT
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«...[le Pape] ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l'Eglise, à l'obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et d'appauvrissement, ainsi que face à tout opportunisme. .. afin que la Parole de Dieu - la vérité! - puisse resplendir parmi nous, en nous indiquant la route de la vie
(Benoît XVI , Homélie au Latran, 7 mai 2005 )

* * *

C'était le 9 Octobre de l'année dernière, quand le quotidien Il Foglio publia un long article, écrit par Alessandro Gnocchi et Mario Palmaro, intitulé «Ce Pape ne nous plaît pas». Se déclencha alors une salve de violentes critiques aux deux auteurs, avant même d'avoir lu le texte, parce qu'on s'attaqua d'abord au titre, certes provocateur.

Il s'est passé la même chose en mars dernier, quand, concomitamment avec le premier anniversaire de l'élection du Pape François, sortit le livre «Ce pape plaît trop. Une lecture critique passionnée» (Questo Papa piace troppo. Un’appassionata lettura critica), qui rassemble les articles publiés dans Il Foglio, écrits par le duo et Gnocchi-Palmaro et le directeur Giuliano Ferrara, consacrés au pontife régnant.

Dans le sillage des «lectures critiques passionnées», nous voulons analyser certains faits à travers la dimension la plus importante du message chrétien-catholique, qui dépasse et rend presque inutile la popularité médiatique: la proclamation de l'Évangile et la conversion.

Il est évident que le Pontife régnant plaît énormément aux croyants et aux athées, toutefois, on ne réussit pas à trouver dans la «mer» des sympathisants du pape François, une augmentation - comme cela devrait se passer - des conversions, bien que certains aient prétendu le contraire.
Nous pensons que ce n'est pas la faute du pape, mais des médias - qui diffusent une caricature de l'actuel évêque de Rome - et des gens eux-mêmes parce qu'ils refusent d'accepter que la finalité de chaque pape est de convertir au Christ, à ses sacrements, et pas d'adapter l'Église aux caprices mondains.
Si le Pape François, voyant la foule qui l'invoque et l'applaudit, remarquait qu'il n'y a pas ce 'saut de qualité' - le retour à l'Église - qu'il espère et souhaite certainement, il souffrirait énormément. Une souffrance qui importerait bien peu aux gens – les mêmes qui le poursuivent et le citent à tort et à travers selon les injonctions de médias.
«Je pense que Bergoglio - écrivait le journaliste Marcello Veneziani dans Il Giornale il y a quelques mois - a triplé la cible: il a conquis la sympathie 'pop' de ceux qui aiment le personnage François indépendamment du message chrétien; ensuite, il est apprécié par les laïcs et les "athée-caviar" parce qu'il bastonne le clergé, selon son expression, et il s'ouvre au profane. Enfin, François plaît aux croyants qui le voient parler au cœur des gens, avec simplicité.
L'espoir est que certains parmi les deux premières catégories, chemin faisant, découvrent la foi et ne s'arrêtent pas à la sympathie pour Bergoglio. Le danger, en revanche, est la déception des croyants envers un pape qui humanise le divin et suit le présent.

François n'est pas un hérétique, jusqu'à présent, il n'a jamais dévié de la doctrine et n'a pas violé la tradition; il s'est tenu plus modestement en-deçà, dans les préceptes de paroisse. Il familiarise avec Dieu, Jésus et les saints, il voit le diable aux aguets, il se présente comme un tâcheron de la foi, il désacralise la religion, la rend proche, commune, parfois banale.
Dans l'ensemble, le virage du «Pape simpliste» est un bien pour l'Eglise, mais il est trop tôt pour dire si le pape a ravivé la foi au-delà des tiffosi et des athées-caviar. Le christianisme ne peut se contenter de dire, comme dans un film célèbre Woody Allen, «il suffit que ça marche».

Prenons l'exemple d'un fait concret.
L'image représentant le pape pendant qu'il mangeait à la cantine du Vatican après s'être servi lui-même a envahi les réseaux sociaux.
Plusieurs commentaires sur certaines pages de Facebook, n'étaient pas seulement ridicules et absurdes, mais même gênants:
«Enfin un pape comme nous!»; «Merci, mettez-en encore, de ces photos qui dépeignent le pape dans une sphère quotidienne normale...»; «François, tu es comme nous! tu es nous tous! ....»; «Enfin terminée, l'ère des papes qui se font servir... »; et ainsi de suite.
Le problème ne réside pas dans les exhibitions de jubilation, légitimes autant qu'on veut, mais dans les affirmations, vraiment embarrassantes.
Nous ne pouvons que nous demander en effet comment, et dans quelle position le futur Pontife devra se faire photographier pour recevoir la même attention. Sera-t-il photographié dans sa salle de bains, pour souligner qu'il est vraiment «l'un de nous», c'est-à-dire qu'on en ait enfin la preuve filmée et documentée? Faudra-t-il le photographier alors qu'il passe la serpillère, ou lave sa voiture, ou même refait son lit, pour pouvoir dire «oui, c'est vraiment l'un de nous, il est comme nous»?
Nous avons l'âge de nous rappeler ce que fut le cyclone du pape nouvellement élu Jean-Paul II, et ceux qui n'aimaient pas ses manières, sa façon de rompre le protocole et la routine, ses improvisation. Les photos parlent, et aussi beaucoup de souvenirs personnels et issus de la télévision, mais apparemment ce n'était pas assez, il était nécessaire qu'un de ses successeur fasse autre chose, en un mot: rien!

Pourquoi parlons-nous de 'rien'?
Le pape François l'a dit dans l'interview à bord de l'avion qui le ramenait de Corée:
«Mais j'essaie d'être libre, non? Il y a des rendez-vous officiels, de travail, non? Mais ensuite la vie, pour moi, est la plus normal que je peux faire. Vraiment, je voudrais pouvoir sortir, mais ce n'est pas possible, ce n'est pas possible... Mais non, non, ce n'est pas de la prudence: ce n'est pas possible, parce que si tu sors, les gens viennent autour de toi ... et ce n'est pas possible: c'est une réalité. Mais à l'intérieur, ici, à Santa Marta je fais une vie normale de travail, de repos, de bavardages ... ».
Il est essentiel de l'expliquer: le Pape tente autant que possible de rester lui-même, ce qu'il avait été pendant quinze ans comme archevêque de Buenos Aires, quand les journaux, évidemment, ne s'intéressaient pas à lui, quand les gens ne le poursuivaient et, comme on dit à Rome, personne ne le filait.
Maintenant qu'il est le Pontife Romain, il essaie de faire à peu près les mêmes choses qu'il faisait comme cardinal-archevêque. Le résultat de cette attitude? Le «normal» devient l'exceptionnel.
Pourtant, tous les Papes - à commencer par Saint-Pie X - ont essayé de garder leurs caractéristiques personnelles, une fois élus à la Chaire de Pierre, et c'est la faute des médias si les faits sont présentés comme une exception seulement pour le Pontife actuel.

Ce Pape, disions-nous, plaît, mais ne convertit pas.
À ce stade, certains de nos lecteurs pourraient nous poser cette question: «Mais qui êtes-vous pour juger?». La question semble désormais gagner en diffusion, sur l'onde émotionnelle des phrases extrapolées et utilisées comme slogan, et même dans certains cas, comme couperet pour censurer les critiques.
Nous, au contraire, nous ne jugeons pas, mais nous constatons un état de fait.
En un an et demi de discussions, grandes et petites sur les faits papaux, sur la sympathie croissante de la part des laïcs, souvent anti-catholiques, rien n'a changé en termes de conversion; et même, ils utilisent le Pape pour rester tranquillement dans leur situation d'a-catholiques, tranquilles dans leurs erreurs et péchés.
A trois mois de l'élection du pape François, beaucoup sont restés stupéfaits et émerveillés après la première enquête de satisfaction. Trois mois sont peu de chose, une absurdité pour faire un diagnostic, mais il a été fait, en claironnant des chiffres hypothétiques (ou pathétiques selon le point de vue) et nullement véridiques, sur une sorte de flux de fidèles vers les confessionnaux grâce à «l'effet Bergoglio».
C'est justement le temps passé depuis lors qui confirme ce que nous disons: les gens ne sont pas convertis à l'Eglise, mais espèrent que l'Eglise change, s'adapte au monde moderne, laïque et anti-catholique.

La conversion, il est bon de le répéter, n'est plus une question de gros chiffres - comme cela s'est produit au temps des Apôtres, ou lorsque de grands saints missionnaires (par exemple, Saint Patrick, et d'autres) ont été évangéliser des nations entières - et certainement, le Pape François a réussi à faire une percée dans beaucoup de cœurs arides. Malheureusement, une grande partie de sa popularité est fondée non pas sur l'affection filiale qui est dûe au successeur de Pierre, mais sur l'enthousiasme médiatique, de sorte que nous faisons nôtre l'observation de Veneziani, citée plus haut:
«L'espoir est que quelques-uns, parmi les deux premières catégories, chemin faisant, découvrent la foi et ne s'arrête pas à la sympathie pour Bergoglio. Le danger, en revanche, est la déception des croyants envers un pape qui humanise le divin et suit le présent».
Le Seigneur Jésus, après tout, plaisait; il plaisait à ceux qui s'approchaient de lui, c'est-à-dire qu'il plaisait à ceux qui se sentaient impliqués; il plaisait quand il multipliait les pains et les poissons, quand il guérissait et élevait la dignité de l'homme, mais ce qui ne plaisait pas, c'est ce qu'il disait.
Il ne plaisait pas, quand il affirmait la vérité sur soi-même; il ne plaisait pas, à tel point que ce fut le principal acte d'accusation pour le condamner à mort; et il ne plaisait pas quand il parlait de la loi à respecter, des commandements à appliquer; sur l'indissolubilité du mariage; il ne plaisait pas quand il parlait d'enfer et de démons, quand parlait de sacrifier sa propre vie. Et ce qui ne plaît pas, on le sait, il est préférable de l'ajourner, de le changer, de le modifier.

Ce qui se reflète de bon ou de mauvais, de positif ou de négatif sur le Pontife, c'est toujours ce papier tournesol (papier-témoin) qui nous aide à comprendre ce que les gens pensent du Christ: et vous, qui dites-vous que je suis?
Aujourd'hui encore, dans l'Eglise, ce n'est pas que l'on "déteste" le Christ, au contraire, Il est connu, recherché, aimé, mais le problème est le suivant: quelle est l'image du Christ que nous adorons, vénérons, recherchons et finalement? Et cela se reflète sur son Vicaire, le Pape: quelle image du Pape préférons-nous, adorons-nous , recherchons-nous?
On croit entendre saint Paul: «Il viendra un jour, en effet, où ils ne supporteront plus la saine doctrine, mais ayant la démangeaison d'entendre quelque chose, ils se donneront des faux maîtres en fonction de leurs propres goûts, refusant d'écouter la vérité pour se tourner vers les fables (2 Tim. 4,3-4) ».

Les faux maîtres, ici, ce sont les médias.
Les gens refusent d'écouter la vérité, et préfèrent se tourner vers les fables qui ici sont les interprétations des médias sur le Pontife. C'est pour cela que les gens ne se convertissent pas. Tout simplement parce qu'ils ne veulent pas et utilisent les médias comme maîtres, qui souvent racontent des «fables» sur ce que le Pape dit et fait, et les gens, au fond, aiment cela, parce qu'on ne va toucher à leur conscience et tout peut rester en l'état, avec en plus ces émotions que dans la vie nous voulons: rencontrer le pape qui plaît, le pape sympa!
Encore une fois, comme c'est arrivé dans le passé, sous Pie IX, Pie XII et aujourd'hui: nous projetons sur le Pape nos sentiments et donc nous changeons l'image du Pape, l'asservissant à nos priorités, au subjectivisme, comme cela s'est produit et se produit encore aujourd'hui avec le Christ.
Pour cela, le Christ finit pourtant sur la croix, .... pour cela, depuis lors, on a tendance non pas à se faire disciples du Christ, «la vérité et la vie» dans les sacrements de l'Église, mais à suivre de nombreuses images du Christ selon nos nécessités mentales, émotionnelles, sentimentales.

Toujours lors de l'interviewe en avion, on a posé cette question au pape:
- A Rio, quand la foule criait «François, François», vous avez répondu «le Christ, le Christ». Aujourd'hui, comment gérez-vous cette immense popularité? Comment la vivez-vous?
(Réponse du Saint Père François)
«Mais je ne sais pas comment dire ... je la vis en remerciant le Seigneur que son peuple soit heureux: cela, je le fais vraiment, non?, et en souhaitant au peuple de Dieu le meilleur. Je la vis comme générosité du peuple, ça c'est vrai. Intérieurement, j'essaie de penser à mes péchés et mes erreurs, pour ne pas "credermela" (me croire), hein, parce que je sais que cela va durer peu de temps, deux ou trois ans, et puis ... à la maison du Père ... Et puis - ce n'est pas sage que j'ai dit cela - mais je la vis comme la présence du Seigneur dans son peuple, qui utilise l'évêque qui est le pasteur du peuple, pour manifester beaucoup de choses. Je la vis plus naturellement qu'avant: avant, ça m'effrayait un peu, mais je fais ces choses, hein? Et aussi, il me vient à l'esprit: mais ,ne te trompe pas, parce que tu ne dois pas faire de tort à ces gens et toutes ces choses, non? Une peu comme ça....».

Quand le Pape répond a braccio, c'est vraiment une souffrance de l'écouter, et il est facile de se méprendre, mais les mots-clés de cette réponse sont les suivants:
¤ remerciant le Seigneur que son peuple soit heureux;
¤ Je la vis comme générosité du peuple;
¤ j'essaie de penser à mes péchés et mes erreurs, pour ne pas "credermela"
¤ je la vis comme la présence du Seigneur dans son peuple, qui utilise l'évêque qui est le pasteur du peuple, pour manifester beaucoup de choses

En soi, ce qu'il dit est impeccable, mais comment sont perçues ces réponses? Comment les gens les interprètent-elles? Qu'est-ce que les gens veulent vraiment du pape?
Le Pape François l'a expliqué sur lui-même: il n'est pas un théologien, il se sent plus un pasteur d'âmes, pas quelqu'un qui se soucie des formes, mais des styles de vie au-delà des formes. Il n'y a qu'un seul style qui l'intéresse, celui du chrétien. Ce «style», cependant, implique, si nous parlons de mode de vie, toute une série de doctrines, des commandements, à accepter et mettre en pratique, sinon on reste sur l'onde des émotions, on s'arrête à la générosité, au fidéisme, on s'arrêter à l'usage d'une certaine papolâtrie pour manifester plein de choses et ne rien changer, rester inamovibles dans son propre péché et dans sa propre condition
On encense le pape comme on encense une célébrité, un chanteur, un super-héros, pour ensuite s'en aller - à la fin du spectacle - et recommencer à vivre dans ses propres péchés quotidiens.

Qui peut confirmer que ce que nous disons est vrai? Les faits.
Selon les statistiques de médias, les foules qui suivent le pape sont des milliers; donc, nous devrions avons des milliers de conversions, mais où sont-elles ces foules de convertis? Dans les messes du dimanche, on ne les voit pas, dans les confessionnaux quelque chose est en mouvement, mais c'est dans la norme; malheureusement, à la place nous assistons à une augmentation de ces «fans du pape qui plaît à tout le monde», qui utilisent le Pape pour continuer à sombrer dans le péché, et pour exiger que l'Eglise change ses doctrines.
Nous le voyons parmi les politiciens, qui se disent catholiques adultes, et tout en se vantant d'être amis avec le Pape François - par exemple, l'actuel maire de Rome, Ignazio Marino - continuent tranquillement, après les étreintes et les embrassades au Pape, à ramer contre la loi divine sur l'éthique et la morale. Ceux-là devraient se rappeler qui Judas embrassa, en une certaine occasion dramatique. On peut dire la même chose de la part des évêques et de certains cardinaux, qui prétendent un tournant doctrinal en ce qui concerne la communion pour les divorcés remariés, et la réclament du pape, continuant à tromper les fidèle sur l'enseignement vrai de l'Église.

Autrefois, le non-catholique qui se définissait «ami du pape» se convertissait, un point c'est tout.
Deux rabbins de Rome, après avoir rencontré les papes de leur époque - respectivement saint Pie V et le vénérable Pie XII - se firent baptiser. Deux amitiés bénies qui menèrent au Christ. Mais aujourd'hui, cela ne semble pas être le cas. On se vante de familiarité avec le pape François pour rester «sereinement» des pécheurs, pour continuer - comme dans le cas des pentecôtistes - à attaquer l'Eglise catholique justement dans ses doctrines, pour diffuser la culture de mort, pour attaquer le culte marial et celui à l'Eucharistie .
Jésus n'était pas intéressé par les chiffres, mais par les personnes, individuellement; il avait de la compassion pour les foules, ce n'était pas du piétisme, mais la conscience que ces foules étaient «des brebis sans pasteur»; autrement dit, il fallait qu’on les paisse avec passion, qu’on les paisse avec la nourriture de la Parole, avec les commandements, avec la loi divine.
Sans doute, le grand succès des derniers papes sur les foules, nous fait-il comprendre que la politique ne sait plus comment le faire de manière adéquate ; la politique ne sait pas les nourrir, et les gens le savent, le comprennent, ont besoin du Bon Pasteur, ont faim de vérité, mais cela ne suffit pas.
«Si certains choix du Pape - écrit la journaliste Constance Miriano - dérangent beaucoup de gens, dont plusieurs que j'admire beaucoup, et si parfois moi aussi, je l'avoue, je n'ai pas partagé l'élan enthousiaste qui semble avoir contaminé tout le monde, il me semble fondamental de me demander pourquoi. Quand quelque chose nous dérange, il peut arriver qu'à la place, le problème, ce soit nous.

Alors: quel est MON problème?
Qu'est-ce qui nous dérange, alors, et pourquoi? Le problème vient-il de nous?
Pourquoi ai-je du mal à comprendre que quand le pape dit que « le bien est une relation », il ne fait absolument pas de concessions au relativisme, mais met l'accent sur la charité? Pourquoi ai-je oublié que quand un pape dit qu'il faut obéir à sa conscience, il ne parle pas de satisfaire des pensées spontanées et des émotions spontanées, mais il entend certainement tendre une main aux «lointains», sachant que pour notre doctrine, la conscience est le lieu où «l'homme découvre une loi qu'il ne se donne pas lui-même »(Catéchisme de l'Eglise catholique, pas moins), et que la conscience doit toujours être correctement formée?».

Constance Miriano pense que le Pape François est un pape qui plaît et qui convertit.
Nous l'espérons et le souhaitons, mais malheureusement, nous ne voyons pas - il n'y a pas - de foules converties. Ce que nous voyons, ce sont des océans de baptisés qui vivent en païens.
En principe, nous partageons son raisonnement; nous sommes d'accord sur le fait que ces foules, demain - les voies de la Providence sont infinies - peuvent être converties, mais il nous semble, en vérité, que ce sont les foules qui ont l'intention de «convertir» le pape à leurs nécessités. En particulier, à cette nécessité de «vivre sereinement» le vice et le péché. Il est évident que cela n'arrivera pas. Il faudra du temps, mais le temps viendra où l'on devra suivre le Vicaire du Christ, non plus dans les salons médiatiques, ni dans les triples tours en papamobile sur la place Saint-Pierre, mais à Gethsémani, devant le Calvaire.

Du reste, le vrai disciple du Christ, prêtre ou laïc, ne peut rejeter aucune des pages de l'Evangile, ni ne peut rien y ajouter, alors imaginons ce qu’il en est pour un pape!
Et en effet, François a été clair dans la première entrevue sur l'avion de retour du Brésil.
Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'avait pas abordé avec les jeunes les questions éthiques et morales, le pape a déclaré:
«Il n'était pas nécessaire de parler de cela, mais plutôt des choses positives qui ouvrent la voie aux jeunes. Pas vrai? Et puis les jeunes savent parfaitement quelle est la position de l'Eglise!»
- Mais, insiste la journaliste Patricia Zorzan: Quelle est la position de votre Sainteté, vous pouvez nous en parler?
Le pape François répond:
«Celle de l'Eglise. Je suis fils de l'Église!».

Donc, la position du pape est celle de l'Église, comment se fait-il alors que les médias soient convaincus du contraire, et avec eux, beaucoup qui se disent catholiques?
De même, quand un autre journaliste, toujours de retour du Brésil, lui demande:
- Je voudrais savoir si vous, depuis que vous êtes Pape, vous vous sentez encore jésuite ...
et le pape répond clairement:
«C'est une question théologique, parce que les j
ésuites font vœu d'obéissance au pape. Mais si le pape est jésuite, peut-être doit-il faire vœu d'obéissance au général des Jésuites ... Je ne sais pas comment résoudre ce problème ... Je me sens jésuite dans ma spiritualité; dans la spiritualité des Exercices, la spiritualité, ce que j'ai dans mon cœur. (..) Je n'ai pas changé spiritualité, non. François, franciscain: non. Je me sens jésuite et je pense comme un jésuite. Non pas hypocritement, mais je pense comme un jésuite».

L’Eglise change, on le lui reproche, on dit qu’elle n’est pas fidèle à ses origines. On lui reproche tout, tant ses changements que son immuabilité. Il faudrait toutefois choisir, ou plutôt comprendre.
Les changements dans l'Église sont l'évolution et les adaptations à la vie, certes pas aux formes de péché , mais au progrès légitime et utile. Par exemple, autrefois les livres étaient écrits à la main et c'étaient les moines qui le faisaient, puis vint l'imprimerie et le travail est passé des moines aux imprimeries puis aux maisons d'édition, mais personne ne prétendrait aujourd'hui revenir aux moines pour transcrire à la main les textes, ce serait une folie. Un autre exemple est l'usage de bougies avant l'arrivée de l'électricité, qui voudrait aujourd'hui revenir dans les grottes et se servir de chandelles?
C'est la même chose pour de nombreux problèmes inhérents au protocole et à l'office du pape, ceux-ci ont évolué au fil du temps et continueront de changer. Dans ce sens, on évolue et on s'adapte à certains changements naturels et culturels.
L'immuabilité de l'Eglise, en revanche, est l'immuabilité de la nature et des caractéristiques de la vie, c'est-à-dire ce qui concerne le style de vie inauguré par le Christ, et ce pourquoi nous nous disons «chrétiens».

Rappelons que:

«L'intransigeance (doctrinale) de l'Église est une conséquence de sa certitude et de la nécessité de son enseignement. Faire des concessions serait pour elle comme renoncer à ce qui ne lui appartient pas, le Bien divin, l'instrument du salut des hommes; ce serait donc trahir»

«(…) La pensée dogmatique du pape, dans la mesure où elle lui est propre, ne nous intéresse absolument pas; elle n'est pas la base de notre foi. Plusieurs papes ont écrit des volumes de théologie qui sont discutés comme les autres, et qui ont beaucoup moins d'autorité dans l'Eglise que ceux du simple Frère Thomas d'Aquin (ndt: simple uniquement au sens qu'il n'a pas été pape...). S'il est vrai que le Pape est un homme comme les autres, son rôle n'est pas comme tous les autres. «Notre pape» n'est pas un surhomme; c'est un faible mortel qui doit être aidé.
Il ne bénéficie d'aucun miracle psychologique. L'Eglise ayant ses propres définitions, il n'est pas plus sûr que nous; il est tenu, comme nous, à y adhérer comme à quelque chose qui le dépasse et dont il n'est rien de plus que l'instrument. Seulement le Christ a «prié pour lui»: ceci suffit. Nous croyons dans les promesses de Jésus-Christ, nous avons cette foi, une fois posées toutes les conditions de la fragilité humaine, dans la protection omnipotente.
L'infaillibilité de l'Église - donc du Pontife romain - n'est autre que sa vitalité doctrinale préservée, transmise et manifestée en son temps par l’Esprit Saint qui réside en Elle, comme la vigueur du germe est préservée et manifestée par le «génie de l'espèce» dans une descendance vivante.
Cette infaillibilité - elle se réfère à la reconnaissance par Vatican I - est pour nous un point de départ, parce que c'est le Christ pleinement manifesté et reconnu dans sa représentation temporelle. C'est pourquoi je réponds toujours à ceux qui disent que l'Eglise est mourante: non, tu te trompes! l'Eglise commence. Il y aura toujours l'Église, même si elle devait évoluer, parce que seulement pour Elle et à Elle, le Christ a fermé les portes de la mort, des enfers; et il y aura toujours un pape tant que la terre existe, jusqu'au retour glorieux du Christ, qui viendra sur les «nuées du ciel», et alors la papauté mourra, mais à la façon dont meurent les étoiles, à l'aube, dans la grande lumière qui commence».

« L'Église est très loin d'être dans un contentement optimiste; N'est-ce pas l'éternelle «grincheuse» que nos faiblesses font toujours désespérer, et pour laquelle nos faiblesses s'exaspérent (...) »

« Nous avons dû reconnaître que la morale de l'Evangile, mise en œuvre dans l'Église et par l'Église dans les sociétés chrétiennes, est à la base du processus de civilisation ». (...)

« L'Eglise est persécutée parce qu'elle revendique des droits et impose des devoirs. Parce qu'on craint son pouvoir et on s'irrite de ses prétentions. Chaque siècle met l'Eglise à l’épreuve: et c'est pourquoi elle existe; et aussi parce qu'elle existe, chaque siècle la confirme, ajoutant un nouvel ornement à sa jeune éternité (...) »

« La nuit qui descendra sur notre civilisation, si l'Eglise s'en retire, sera plus obscure que celle dont l'Église l'a tiré, à un certain moment ... La civilisation et la moralité sont un prêt que le christianisme fait au monde moderne ».
« Si le mouvement laïc a le dessus, et si les hommes de demain ne savent pas se reprendre et s'arrêter à temps, alors ce sera la violence même des événements dans le monde qui nous ouvrira tout grand le monde de l'Esprit ... La vérité peut en effet l'erreur en lui concédant la défaite comme un fin politique utilise le parti adverse en lui remettant temporairement le pouvoir. Mais la victoire finale est au Christ»

( Père Antonin Gilbert Sertillanges O.P., Catéchisme pour les non croyants, 1930)

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