Accueil

Comment est perçu le Pape François

De l'affirmation de la continuité au soupçon de rupture (18/7/2014)

     

Après 16 mois de Pontificat, concernant la perception du Pape François parmi les catholiques, trois grandes tendances se dessinent, très déséquilibrées en termes d'effectifs.
Il y a d'abord ceux qui ne s'informent qu'à travers les grands médias, voire ne s'informent pas du tout (cela doit représenter en gros 95% des gens) et ceux-là sont globalement très satisfaits, parfois même enthousiastes. Ils attendent juste encore un peu d'"ouverture", pour pouvoir pécher en paix. Ceux-là souffrent massivement de cet analphabétisme religieux dénoncé par Benoît XVI, et avant lui par le cardinal Ratzinger qui disait en 2003: "il est évident que l’ignorance religieuse est aujourd’hui terrible, il suffit de parler avec les jeunes générations… Manifestement, après le Concile on n’a pas réussi à transmettre concrètement les contenus de la foi chrétienne" (cf. Le catéchisme dans un monde post-chrétien (I)).

Dans la population restante (soit les gens informés, et ceux qui s'intéressent à l'Eglise), deux groupes s'opposent, et cela se reflète dans la blogosphère:

- ceux (les plus nombreux) qui trouvent que tout va bien: on les recrute essentiellement parmi les "libéraux" - qui croient toucher enfin au but - mais aussi parmi les "conservateurs": ce sont lesdits "normalistes", ceux qui après avoir salué la "divine surprise" du 13 mars 2013, et le "geste prophétique" de Benoît XVI, ont décidé, même contre l'évidence, et surtout sans aucun autre argument que la répétition, qu'il y a une parfaite continuité entre les derniers pontificats.

- ceux qui observent peut-être plus attentivement, et qui sont troublés par l'accumulation des "signes" (sans parler de la fameuse pax mediatica), voire carrément critiques. Ils sont certainement en nombre très limité, et ils sont ostracisés par les deux catégories précédentes comme les méchants intégristes qui détestent le pape François, ou les nostalgiques attardés de Benoît XVI.

Je n'ai pas la prétention de détenir la vérité. Je n'en sais rien.
Simplement, je me suis clairement faite le relais du dernier groupe, et j'essaie de le faire le plus honnêtement possible, en proposant sur ce site des points de vue variés, souvent inédits en français, et des documents vérifiables.

Lisant aujourd'hui sur un blog francophone que sur mon site "les analyses et commentaires vont bon train, non sans une certaine sévérité", je réponds ceci:
Le problème n'est pas de savoir si je suis sévère ou pas, le problème est de savoir si les propos et les gestes du pape sont "bons" (pour l'Eglise, pour les catholiques, pour le dépôt de la foi) ou non. Cela ne dépend évidemment pas de moi. L'avenir le dira peut-être. S'ils le sont, je ne suis pas sévère, mais je suis dans l'erreur. S'ils ne le sont pas, je ne suis pas non plus sévère, mais je suis réaliste. Il n'y a pas de moyen terme, et cela n'a rien à voir avec la sévérité.

Parmi les représentants du dernier groupe, se range sans aucun doute l'auteur de cet article publié sur Il Foglio le 11 octobre 2013, dix jours après la parution de la première interviewe de Scalfari. Des gens plus férus que moi en théologie (ce qui n'est pas difficile) jugeront de la validité de ses critiques.

     

FRANÇOIS EST EN TRAIN DE FONDER UNE RELIGION OPPOSÉE AU MAGISTÈRE CATHOLIQUE
http://www.ilfoglio.it
11 octobre 2013
------

L'Eglise catholique,depuis environ six mois, a un nouveau dogme: la continuité. Mais oui, parce que quiconque tente de prouver la discontinuité provoquée par le Pape François est immédiatement cloué au pilori et mis au néo-index par ceux que Gnocchi & Palmaro ont efficacement définis ces jours-ci dans Il Foglio par "normalistes", c'est à dire ceux pour qui rien n'a changé quoi qu'il arrive (cf. benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/dures-critiques-catholiques-contre-le-pape). Il va sans dire que la continuité, en tant que superdogme, n'est jamais effectivement démontré, mais parfaitement en ligne avec l'actuelle pratique a-théorique purement conciliariste, arrivée sur le Trône de Pierre, lancée uniquement à travers des slogans.

La réalité, en revanche, est claire: avec le pape François est en cours la fondation d'une nouvelle religion, d'une nouvelle Église en nette rupture, non seulement avec ses prédécesseurs, mais avec l'enseignement catholique de toujours. Le Pape venu "du bout du monde" est en train d'opérer - et c'est une évidence, pour ceux qui veulent le voir - une dissolution rapide de la doctrine catholique qui, à travers un "magistère liquide" érosif va attaquer le sensus fidei tel qu'il est transmis par la Tradition, qui est la seconde voie de la Révélation. Il n'y a pas grand chose à ajouter au réquisitoire magistral du duo Gnocchi-Palmaro, mais un exemple de toutes les différentes dissolutions bergogliennes est la double conception de l'Incarnation et de la Rédemption selon le pape François.

Dans la célèbre interviewe accordée à Eugenio Scalfari, Bergoglio va jusqu'à affirmer que "le Fils de Dieu s'est incarné pour insuffler dans l'âme des hommes le sentiment de fraternité".
Donc, pour le Pape, qui fait de l'anthropocentrisme poussé (1) et de la "théologie de la rencontre" la marque distinctive de son pontificat, le dessein rédempteur de la kénose (le dépouillement) du Fils disparaît.

Le Christ s'est incarné pour racheter l'homme de l'esclavage du péché originel (lui aussi disparu du "magistère" bergoglien, remplacé par un inacceptable et pernicieux caïnisme) et, à travers la croix, le faire renaître à la vie nouvelle de la Résurrection. C'est cela que dit le catholicisme. Là et seulement là est possible la vraie fraternité dans le Christ, qui n'est pas la fraternité hamunitarisme d'une ONG, ni la fraternité sentimentaliste, aussi claironnée qu'inacceptable, du pape François.

A Assise, ensuite, dans son discours aux enfants handicapés (cf. w2.vatican.va..bambini-assisi), le pape François est revenu sur le thème pressant des "pauvres-chair-du-Christ" en des termes qui, s'ils ne le sont pas totalement, frisent fortement l'hérésie: "Sur l’autel, nous adorons la Chair de Jésus : en eux, nous trouvons les plaies de Jésus. Jésus caché dans l’Eucharistie et Jésus caché dans ces plaies (...) Jésus est présent dans l’Eucharistie, là se trouve la Chair de Jésus; Jésus est présent parmi vous, c’est la Chair de Jésus : ce sont les plaies de Jésus dans ces personnes".

Comment peut-on boire en toute tranquillité des mots d'une gravité sans précédent comme ceux-là?
Comment accepter que soit mis sur le même plan (et en plus du fait d'un pape) la présence réelle dans l'Eucharistie et celle chez les pauvres/les handicapées?
La tromperie perpétrée sans aucun support théologique, est très subtile, et elle est intolérable pour un catholique: la "chair" des pauvres n'est celle du Christ que par analogie, et pas réellement comme Bergoglio le lance abusivement; en eux, est certes reconnaissable le Christ qu'on doit servir, mais c'est une chose très différente de la "chair" vivante et vraie du Christ, que l'on retrouve seulement dans les espèces à l'Autel. Il ne faut pas confondre la "chair" du Christ, le Verbe fait homme en Jésus par l'Incarnation, avec celle génériquement humaine des pauvres.

Il semble que le moment est venu de dire assez avec ce goutte-à-goutte continuel, et cette désintégration du catholicisme, mais qui peut le faire sinon l'Autorité qui, pour le moment, semble ramer de toutes ses forces dans la direction opposée?

Mattia Rossi

* * *

L'homme, roi de l'univers

(1) Samedi 12 juillet, François déjeunait avec les participants au Séminaire international consacré à la proposition d'une économie plus inclusive qu'il a exposé dans l'exhortation Evangelii Gaudium (cf. w2.vatican.va...seminario-economia).
Une partie de ses propos a été très soulignée dans la blogosphère anglosaxonne - pas celle française, à ma connaissance - suscitant une certaine stupeur:
Après avoir remercié les participants de leurs initiatives pour "reprendre cette situation déséquilibrée et pour récupérer l'homme et le remettre au centre de la réflexion et au centre de la vie", il a ajouté: "Il [l'homme] est le Roi de l'univers. Ce n'est pas de la théologie ni de la philosophie, c'est une réalité humaine. Ainsi nous avancerons". (dans ce discours, il n'y a pas une seule occurrence des mots "Dieu, Christ, Jésus")


  © benoit-et-moi, tous droits réservés