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Dernières réflexions avant le Synode

Celles d'Antonio Socci, qui rappelle "les pages retentissantes de Ratzinger, dont Bergoglio peut apprendre ce qu'est la papauté"; et qui a redécouvert un Kasper inattendu, parfaitement en ligne avec le magistère: c'était en 2004! (6/10/2014)

     

LES PAGES RETENTISSANTES DE RATZINGER, DONT BERGOGLIO PEUT APPRENDRE CE QU'EST LA PAPAUTÉ. ET SUR LE SYNODE, UN KASPER INATTENDU
Antonio Socci
5 octobre 2014
(ma traduction)

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Il y a beaucoup de confusion dans l'Eglise pour le Synode qui s'ouvre aujourd'hui et discutera der la communion pour les divorcés remariés. Beaucoup de croyants sont perdus face à la voie «révolutionnaire» indiquée par le cardinal Kasper, qui avait été chargé par François de lancer la nouveauté au Consistoire de Février et qui dit toujours parler au nom du Pape («J'ai parlé avec le Saint Père. Nous sommes d'accord sur tout»).
L'écrasante majorité des cardinaux est en total désaccord avec lui. Alors maintenant, que va-t-il arriver?
Le pape peut-il vraiment prendre un chemin qui renverse ce que l'Eglise, selon les paroles de Jésus et les textes pauliniens, a toujours enseigné pendant deux mille ans? Est-il possible de mettre en discussion les commandements de l'Evangile et les sacrements?

LA VÉRITÉ SUR LA PAPAUTÉ
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Certains croient que les Papes peuvent le faire et les médias alimentent cette attente. En réalité, il n'en est rien, parce que - comme il l'a toujours dit Benoît XVI - l'Eglise est au Christ et pas aux papes, qui en sont les administrateurs temporaires et non les maîtres.
Ils sont soumis à la loi de Dieu, et à la Parole de Dieu et doivent servir le Seigneur et de garder le «depositum fidei» qui leur est confié. Ils ne peuvent pas s'en emparer ou le modifier en fonction de leurs propres idées.
Ce que beaucoup - même parmi les croyants - ignorent, ce sont les limites très strictes que l'Église a toujours imposées aux Papes, tout en reconnaissant l'«infaillibilité» pétrinienne dans les déclarations «ex cathedra» sur les questions de foi et de morale.

Justement dans la Constitution dogmatique «Pastor Aeternus» par laquelle le Concile Vatican I définit l'infaillibilité pontificale, on lit:
«L' Esprit Saint n'a pas été promis aux successeurs de Pierre pour révéler, avec leur inspiration, une nouvelle doctrine, mais pour garder avec scrupule et pour faire connaître avec fidélité, avec son assistance, la révélation transmise par les Apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi».

Le grand Joseph Ratzinger a expliqué en ces termes ce principe ignoré par la majorité des croyants (ndt: dans le livre-entretien avec Peter Seewald, en 2000, traduit en français sous le titre "Voici quel est notre Dieu"):
«Le pape n'est pas le seigneur suprême - depuis l'époque de Grégoire le Grand, il a pris le titre de "serviteur des serviteurs de Dieu" - mais il devrait être le garant de l'obéissance, de la conformité de l'Église à la volonté de Dieu, excluant tout arbitraire de sa part. Le pape ne peut pas dire: "L'Église, c'est moi", ou: "La tradition c'est moi", mais au contraire, il a des contraintes précises, il incarne l'obligation de l'Église de se conformer à la parole de Dieu. S'il s'élève dans l'Église des tentations de faire différemment, de choisir le chemin le plus facile, il doit se demander si c'est licite. Le pape n'est donc pas un organe qui pourrait donner vie à une autre Eglise, mais il est un rempart contre l'arbitraire».

Après ces explications claires, Ratzinger ajoutait:
«Permettez-moi de donner un exemple: du Nouveau Testament, nous savons que le mariage sacramentel est indissoluble. Il y a des courants d'opinion qui soutiennet que le pape pourrait abroger cette exigence. Mais ce n'est pas le cas. Et en Janvier 2000, s'adressant aux juges romains (du Tribunal de la Rote), le pape (Jean Paul II) a dit que, relativement à la tendance à vouloir voir révoqué le lien de l'indissolubilité du mariage, il ne peut pas faire tout ce qu'il veut, qu'il doit même accentuer lobéissance, il doit poursuivre aussi en ce sens le geste du lavement des pieds».

Le cardinal Caffara lui aussi, une autorité sur les questions morales depuis le pontificat de Jean-Paul II, s'opposant à la proposition de Kasper, a souligné que pas même les papes ne peuvent rompre le lien du premier mariage, donc l'Église ne peut pas reconnaître un second mariage, ni en droit ni de fait, comme Kasper le prévoit avec l'admission à l'Eucharistie des divorcés et remariés.
Caffara a également rappelé les paroles dpe Jean-Paul II dans un discours à la Rote romaine:
«Il apparaît clairement que la non-extension du pouvoir du Pontife Romain aux mariages conclus et consommés, est enseignée par le Magistère de l'Église comme une doctrine à laquelle on doit se tenir définitivement, même si elle n'a pas été déclarée en forme solennelle dans un acte définitoire».

Le cardinal de Bologne a expliqué le poids de ces paroles du Pape Wojttyla:
«La formule est technique, "doctrine à laquelle se tenir définitivement" signifie que sur ce point, la discussion entre les théologiens et le doute parmi les fidèles ne sont plus autorisés».
Dans la pratique, cette vérité ne peut même pas être débattue parmi les croyants. Par conséquent, il n'est paq possible non plus de changer les règles relatives à l'Eucharistie.

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LE KASPER D'HIER
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Il s'agit d'un livre important du même cardinal Kasper, un volume extrêmement rare et oublié par tout le monde, publié il y a dix ans , «Sacrement de l'unité, eucharistie et Église» (traduction en français aux Editions du Cerf, 2005). Il a été écrit et publié à l'occasion de l'année de l'Eucharistie proclamée par le Pape Jean-Paul II entre 2004 et 2005. Ce livre qui touche à différents points épineux et contestés, semble vraiment en ligne avec le magistère de l'Église et du pape Wojtyla.

En ce qui concerne l'accès à la communion sacramentelle, Kasper souligne qu'elle ne peut pas être pour tous: «Nous ne pouvons pas inviter tout le monde à la recevoir».
On ne peut pas y accéder en état de péché grave, mais seulement quand - par la confession - on est dans la grâce de Dieu, afin de «ne pas manger et boire indignement le Corps et le Sang du Seigneur».
Kasper ajoute:
«L'affirmation selon laquelle l'unité et la communion ne sont possibles que dans le signe de la croix, en inclut une autre, à savoir, que l'Eucharistie n'est pas possible sans le sacrement du pardon. L'Eglise primitive était pleinement consciente de ce lien. Dans l'Église primitive, la structure visible du sacrement de la pénitence consistait dans la réadmission du pécheur à la communion eucharistique. Communio, excommunicatio et reconciliatio constituaient une seule cose. Dietrich Bonhoeffer, le théologien luthérien exécuté par les nazis en 1945, a mis à juste titre en garde contre la grâce à bon marché. "La grâce à bon marché est le sacrement au rabais, c'est la Cène du Seigneur sans la rémission des péchés, l'absolution sans confession personnelle". La grâce au rabais est pour Bonhoeffer la cause de la décadence de l'Église» .
La «conception superficielle» de l'Eucharistie, expliquait Kasper, «détachée de la croix et du sacrement de pénitence conduit à la banalisation de ces aspects et à la crise de l'eucharistie comme celle que nous voyons aujourd'hui dans la vie de l'Eglise».
Le cardinal allemand allait jusqu'à écrire à juste titre: «La crise de la conception de l'Eucharistie est au cœur de la crise dans l'Eglise d'aujourd'hui».

Tout le monde peut facilement évaluer la contradiction entre ce Kasper d'hier et le Kasper aujourd'hui.

PASTORALE?
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Les «innovateurs» du Synode, dont il est l'un des chefs de file, n'ont évidemment pas le courage de remettre ouvertement en question la doctrine, parce que ce serait mettre au grenier l'Evangile lui-même. Ils soutiennent qu'il ne s'agit pas de changer la doctrine, mais seulement la pastorale sur l'accès à l'Eucharistie.
Mais dans l'Église, dogme et pastorale ne peuvent absolument pas être séparés. La raison théologique de leur union indissoluble, c'est une fois de plus Joseph Ratzinger qui l'a expliqué:
«Pastorale et dogme s'entrecroisent de manière inextricable: c'est la vérité de Celui qui est à la fois "Logos" et "pasteur", comme l'profondément compris l'art chrétien primitif représentant le Logos comme pasteur, et dans le pasteur on percevait le Verbe éternel, qui est pour l'homme la véritable indication du chemin».

En substance, Jésus, le Bon Pasteur est aussi le Logos , le Verbe éternel de Dieu. Il n'est pas possible de séparer la miséricorde de la vérité.
Cela signifie qu'on ne peut pas modifier l'accès à l'Eucharistie pour une catégorie particulière de personnes comme les divorcés remariés, (pour qui la loi s'applique comme à tout le monde), mais cela signifie également que, pour eux, l'Église - comme l'ont répété Jean-Paul II et Benoît XVI - entend manifester de mille autres manières son accueil plein d'amour de mère.

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