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François et le marxisme

Répondant à une question de Franca Giansoldati (Il Messagero, 30 juin 2014), François n'a pas eu un mot de condamnation pour l'idéologie marxiste (3/7/2014)

>>> Voir aussi: A propos du communisme

     

Voici l'échange, dans ma traduction (http://benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/une-nouvelle-interviewe-du-pape.html ):

- Vous passez pour un pape communiste, paupériste, populiste. The Economist qui vous a consacré une couverture affirme que vous parlez comme Lénine. Vous vous retrouvez dans ces vêtements?

« Je dis que les communistes nous ont volé notre drapeau. Le drapeau des pauvres est chrétien. La pauvreté est au cœur de l'Evangile. Les pauvres sont au cœur de l'Evangile. Prenez Matthieu 25, le protocole sur lequel nous serons jugés: J'avais faim, j'avais soif, j'étais en prison, j'étais malade, nu. Ou regardez les Béatitudes, un autre drapeau. Les communistes disent que tout cela est communiste. Oui, c'est ça, vingt siècles plus tard. Alors quand ils parlent, on pourrait leur dire: mais vous êtes chrétiens (rires).

Donc, le Pape s'en sort par une boutade, et même, l'idée de communisme le fait rire.
J'imagine qu'on va me ressortir l'argument de la distinction qu'il convient de faire entre le communisme (l'idéologie) et les communistes (les hommes). Mais il faut admettre quand même que sans les seconds, le premier n'aurait pas pu être réalisé.

Je me permets de reproduire à ce sujet l'argumentaire remarqable développé par un participant au Forum catholique
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=753965

* * *

Il me semble vraiment que ce qui précède donne à penser que le Pape ignore ce que l'on peut apprendre et comprendre, notamment en étudiant l'histoire des idées politiques : il y a une différence de nature
- entre ce qui est au centre de l'Evangile : une conception de la charité d'inspiration spirituelle,
- et ce qui est au centre du communisme : une conception de la justice d'inspiration matérialiste.

Si l'on préfère, il y a une différence de nature
- entre la révélation chrétienne
- et la révolution marxiste.

Un communiste qui réfléchit, en d'autres termes un communiste qui ne l'est pas pour des raisons purement affectives ou morales, sait bien, LUI, que, d'un point de vue communiste, la mise en avant et en oeuvre des Béatitudes est illégitime et inopérante, face à l'accroissement des inégalités, l'exploitation des prolétaires par les bourgeois, etc.
Pourquoi ? Mais tout simplement parce que
- les Béatitudes consolent et soulagent les victimes, d'une manière illusoire ou palliative, sans s'en prendre, ici bas, aux coupables,
- le communisme, en théorie, s'en prend violemment aux acteurs et aux facteurs qui sont à l'origine de ce dont les pauvres sont victimes.

Un communiste un peu stratège sait bien qu'il ne faut pas secourir ni soutenir les pauvres, mais, en un sens : au contraire, "laisser faire", jusqu'à ce que le nombre de pauvres soit tel qu'il devient possible de mobiliser au milieu d'eux une masse de manoeuvre pré-révolutionnaire.

Il me semble donc vraiment,
- d'une part, que Marx a bel et bien inventé quelque chose, que Lénine a complété par la suite,
- d'autre part, que les communistes n'ont pas volé notre drapeau, mais ont brandi leur propre drapeau,
- ensuite, que les Béatitudes ne sont pas une banderole commune aux chrétiens et aux communistes,
- en outre, que les communistes cohérents et conséquents savent bien qu'il y a une différence de nature entre une attitude charitable, évangélique et solidariste, et une attitude communiste, scientifique et volontariste : l'attitude charitable n'est ni élucidatrice, ni émancipatrice, dans l'acception communiste de ces termes,
- enfin, que l'antériorité chronologique du christianisme n'est pas synonyme d'antériorité axiologique, vis-à-vis du communisme.

Scrutator

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