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Il s'est passé quelque chose

Tentative de réflexion (à chaud!) sur la conclusion du Synode (19/10/2014)

Notre société médiatique de l'instantanéité est ainsi faite qu'un évènement chasse l'autre, rendant celui de la veille définitivement obsolète.
Ainsi en est-il du Synode. La plupart des commentaires, ce matin, après la Relatio finale accouchée dans la douleur (et dont trois paragraphes n'ont pas été validés par les Pères, mais que le Pape a décidé de publier quand même [*]), et surtout le discours du Pape, que Tornielli qualifie de "l'un des plus importants de son Pontificat", laisseraient presque penser qu'il ne s'est rien passé durant la semaine. Cela va des "normalistes" et autres bergogliens "conservateurs", soulagés ("vous voyez bien que le pape ne touchera pas à la doctrine, il a seulement souhaité un débat franc"), aux progressistes, qui ravalent provisoirement leur déception, relayés par les medias qui croyaient pouvoir tirer les ficelles en coulisses ("Pas d'accord sur les divorcés remariés et les homosexuels", "C'est la ligne conservatrice qui l'a emporté" - et, à peine sous-entendu: "Ils ont empêché au pape d'aller plus loin").

En réalité, nul besoin d'être vaticaniste, encore moins devin, pour comprendre qu'il s'est passé quelque chose d'important, que résume assez bien Andrea Tornielli - peu suspect de pratiquer le François-bashing mais plutôt soucieux de défendre son héros et peut-être inquiet de voir déboulonner la statue du commandeur - dans le titre de son article de ce matin:
LE PAPE, LE SYNODE, ET CES OUVERTURES IMPENSABLES IL Y A QUELQUES ANNÉES.

Derrière l'accord de façade, concrétisé dans un rapport final qui a gommé les aspérités de la Relatio intermédiaire (il ne pouvait pas en être autrement, puisque le cardinal Burke avait annoncé que le texte ne serait pas voté s'il allait à l'encontre des voeux formulés par les Pères) et qui marque en effet une sorte de révolte des conservateurs, il ne faut pas se leurrer, de profondes fractures internes se cachent, et, surtout, la lutte continue sur place, en attendant l'année prochaine.
Le Pape l'a annoncé (certes en termes mesurés) dans son discours, salué semble-t-il (Vatican Insider) par une standing ovation de 5 minutes - où l'on peut voir un effet du soulagement de l'Assemblée:
"A présent, nous avons encore une année pour mûrir, avec un vrai discernement spirituel, les idées proposées et trouver des solutions à toutes les difficultés et aux innombrables défis que les familles doivent affronter..."
Mais aussi: "L'Eglise n'a pas peur de manger et de boire avec les prostituées et les publicains... elle a les portes grandes ouvertes pour recevoir les nécessiteux, les repentis, et pas seulement les justes ou ceux qui croient être parfaits... elle n'a pas honte du frère tombé, et ne fait pas semblant de ne pas le voir..."

Oui, il s'est passé quelque chose.
Après tout, une révolution ne se fait pas en un jour: il faut en semer les graines, et attendre patiemment qu'elles germent.
Pour reprendre un slogan de 68: "ce n'est qu'un début, continuons le combat"... Cela vaut pour les deux bords.

* * *

[*] Les aurait-il publiés (hypothèse d'école) s'ils avaient été dans le sens opposé?

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