Accueil

La lettre de Jeannine du 24 octobre

Elle a disséqué le synode au scalpel ; et elle nous raconte par le menu la dernière apparition publique de Benoît XVI, à la messe de béatification de Paul VI (26/10/2014)

Cette video de Gemma, publiée sur le canal YouTube de Raffaella est une illustration animée de son récit dans la deuxième partie de la lettre.

Chère Béatrice,

Je profite de cette interruption provisoire des concertations sur le Synode pour vous faire part de mon opinion.

Que de lignes auront été écrites sur ce synode et, si pause il y a, elle ne sera que de façade car les tractations vont continuer en mode plus soft!!

UN SYNODE AGITÉ
-----

François voulait une ambiance de grande liberté pour que toutes les idées puissent être affichées. La photo montrant le pape, large sourire habituel et tasse de café en main dans la cafétéria commune, ne disant rien mais entendant tout, observant tout, écoutant tout, ne m'a pas surprise, du pur François: convivialité et moyen idéal pour se faire une opinion en vue des nominations, changements et mises au placard qui sont sans doute en attente de finalisation et renforcer ses idées personnelles de changement pour l'Eglise. François s'absentait parfois mais il devait bien avoir une oreille attentive capable de faire le compte-rendu de ces moments de plus grande liberté. Je consulte chaque jour la rubrique « autres actes pontificaux » du VIS qui permet de suivre les changements surprenants.
Qu'il y ait eu affrontements, en dépit des termes édulcorés employés maintenant, n'a rien de surprenant. Dès le début du pontificat, lorsque je parlais de cet émerveillement, de ces cardinaux à 100% derrière le pape, je disais que lorsqu'il faudrait attaquer les sujets qui fâchent, le consensus tant vanté ne résisterait pas. Les cardinaux ne sont pas des petits garçons que l'on peut leurrer indéfiniment. S'ils n'avaient pas réagi cette fois, cela aurait prouvé qu'ils étaient hors de l'Eglise. Que cela ait plu ou pas à François, pour moi pas d'importance; plus surprenant, le nombre d'opposants bien plus élevé que prévu.

Beaucoup d'intervenants, mais les cardinaux ont, paraît-il, monopolisé la parole. Les évêques venant de toutes les parties du monde sont bien sûr arrivés avec les problèmes inhérents aux populations de fidèles qu'ils dirigent. Je pense, mais cela ne concerne que moi, qu'il faudrait déjà harmoniser toutes ces familles catholiques avant d'étendre le champ d'investigation.
Ce que je dis va à l'encontre de ce que demande le pape mais je ne suis qu'une catholique lambda, d'une famille qui assume ses problèmes, une famille ordinaire et qui n'a pas sa place dans ce synode. Pour un peu, je me sentirais presque coupable d'une telle banalité. Je fais partie de la catégorie des rétrogrades peu intelligents, des traditionalistes, des égoïstes suffisamment butés pour ne pas être attendrie devant les efforts de François pour ouvrir l'Eglise. Je suis une catholique de bout de banc mais je tiens aux quelques petites choses que j'ai apprises et intégrées et si Benoît XVI est toujours « mon » pape ce n'est pas par tentation de me singulariser mais parce qu'il représente toujours autant pour moi avec sa sagesse, sa discrétion, son immense connaissance de l'Eglise, sa si belle intelligence et l'affection que je lui porte.
Ai-je mal interprété l'adoubement de François au cardinal Kasper avec sa théologie à genoux et sa conception de la façon d’étendre la voix miséricordieuse de l'Eglise à tous? Je ne suis pas contre cette extension à « tous », mais pour arriver à cela il faudra, au préalable, s'ouvrir à « tout », vaste programme; une seule lettre d'écart mais qui change tout du tout au tout pour la conception de l'Eglise catholique.

LES FAMILLES S’EXPRIMENT AUSSI
-----

Dans les prises de parole des familles j'en ai retenu deux.
Celle de la famille française qui, pour mon goût personnel, a parlé de leur intimité avec des précisions, peut-être instructives, mais pour moi impossibles à communiquer en paroles ou par écrit.
Le couple australien a défini le mariage comme un sacrement sexuel dont la pleine expression réside dans les rapports sexuels, j'ai trouvé cela très réducteur et, si on prend cette assertion au pied de la lettre, très dangereux si l'équilibre est rompu dans le couple. Je pense que chaque couple est différent et que l'harmonie ne s'établit pas en fonction de recettes de cuisine que l'on peut échanger. Il faut être présomptueux pour offrir tant de détails intimes mais c'est peut-être la règle lorsque l'on appartient ou lorsque l'on est nourri de l'esprit d'une communauté. J'ai noté que le cardinal Vingt-Trois a attiré l'attention sur les couples qui pratiquent la contraception et communient, problème à revoir mais qui n'a pas eu d'écho (pour le moment).

BEAUCOUP DE POINTS NÉGLIGÉS
-----

Le panorama exploré n'a vraiment achoppé que sur les divorcés-remariés et l'homosexualité. Le reste, moins sujet à discussions profondes a été cité mais pas creusé.
La famille ce n'est pas que cela, il y a tant d'autre points brûlants : polygamie, maltraitance des femmes et des enfants soumis à des conditions dégradantes, les couples de fait sans précision de sexe, la misère, la guerre qui démolissent la famille, le chômage, la violence, etc...
Un travail de titan car il n'y a pas de raisons pour que cela soit ignoré. Je trouve que l'Eglise se charge de responsabilités sur le plan social et politique qui ne lui incombent pas car elles relèvent de la gouvernance des pays.
La famille va mal mais l'Eglise aussi et toutes les valeurs rétrogrades qui faisaient sa spécificité sont en train de s'affadir. La foi, la façon de guider les enfants vers la foi, l'harmonie des foyers même devant les difficultés, tout cela a été esquissé.

LA QUESTION DES DIVORCÉS "REMARIÉS"...
-------

Il y avait bien plus important à traiter, c’est-à-dire le cheval de bataille de certains pères prêts à en découdre car ils étaient montés au créneau depuis longtemps, et ce avec l'aval appuyé du pape. Pourquoi avoir nommé six conseillers supplémentaires, choisis par le pape bien sûr, pour aider le cardinal Erdö? Je retrouve là ce besoin de multiplier les intervenants pour renforcer l'efficacité, la surveillance, canaliser les risques de dérapage et masquer un manque d'assurance, de confiance peut-être? La communication du Vatican renforcée par des pontes n'est cependant pas au top puisque l'interview du pape à la Nacion du 5 octobre a même échappé au Père Lombardi. A sa place cela m'aurait fortement déplu.
Pour les briefings quotidiens certains n'ont pas eu le droit d'y participer, les opposants bien sûr - et qui a pris la décision ? L’autorité suprême.

Parmi toutes les mesures envisagées pour que personne ne se sente mis à l'écart par l'Eglise, il faudrait une prescription à la carte pour chaque cas, une thérapie serait mise en place pour les amener à sortir de l'état de péché (vocabulaire pénalisant à exclure) et revenir au sein de l'Eglise. Il faudrait d'abord du personnel, des prêtres spécialisés pour traiter ces cas si douloureux, des psychologues, des thérapeutes ....
Mon point de vue est très terre-à-terre, très pragmatique. On manque de prêtres, François lui-même le reconnaît, alors où trouver les unités nécessaires pour mettre en œuvre un tel programme ? Il faut se demander si cette démarche très contraignante aurait beaucoup de candidats. Il ne s'agirait plus d'une simple confession et l'absolution donnée par le prêtre. Ce retour en grâce qui exigerait un investissement profond, serait-il autant apprécié que si l'on obtenait ce qui est désiré d'une façon plus simple, plus rapide: on change la doctrine et on efface tout ?

... ET CELLE DES HOMOSEXUELS
-----

La question de l'homosexualité a provoqué des turbulences. Il faut dire que Mgr Forte avait développé la puissance maximum pour être certain d'être exaucé.

Mgr Forte est ce napolitain dont Jean-Marie Guénois écrit dans Le Figaro du 17/10/2014 que « le synode [lui] doit en tout cas une bonne partie du document intermédiaire et, de façon certaine, les passages sur l'homosexualité; mais c'est l'une des étoiles montantes de l'épiscopat italien. Le rapporteur général du synode, le cardinal Erdö, visiblement énervé par le nombre des questions posées sur ces paragraphes en conférence de presse, et sans doute en désaccord avec Forte, lui a lancé en tribune : ‘‘Vas-y, réponds, puisque c'est toi qui as écrit cela’’ ».

Le même journaliste ajoute que cet archevêque est pressenti pour un siège cardinalice… alors autant soigner son CV pour grimper dans la hiérarchie.
Et, toujours Jean-Marie Guénois écrit le 20/10 :
« Que François ait éprouvé la nécessité de citer les principes fondant l'autorité du pape, partant d'un long texte de Benoît XVI, pour rappeler son autorité face aux pères récalcitrants montre bien que c'est lui le patron. Il prendra ses responsabilités et mènera ses réformes à leur terme ».
Chose dont je ne doute absolument pas.

FRANÇOIS SAIT OU IL VA.
------

Ce travail en plusieurs étapes est très bien pensé. Il a testé là où le bât blesse, sur qui il peut compter, ceux dont il doit se méfier, pas assez soumis, traditionalistes. Une année pour réfléchir, pour affiner le processus et le peuple des croyants et des non-croyants va bénéficier de ce temps pour assimiler les propos de François et sa révolution inspirée par l'Esprit-Saint. En 2015 on reprendra les conclusions de 2014. Pendant l'année écoulée toutes les retouches, les petits amendements qui n'auront pas manqué d'être apportés auront préparé le terrain pour le nouveau synode qui durera trois semaines. Je suis persuadée que François compte sur cela pour aborder 2015 et ensuite l'Exhortation Apostolique. Après il n'y aura pas de retour en arrière possible. Lorsque l'on constate tous les changements apportés par lui et de son propre chef depuis le 13 mars 2013 sans soulever d'opposition nette, il me paraît normal de penser qu'il agira de même pour ce synode. Plus le temps passe et plus on voit que les oppositions perdent de leur virulence mais il arrive aussi que le contraire se produise, affaire à suivre. François le veut, François le réalisera; l'homme est ainsi fait. Il aurait fallu réfléchir avant d'élire un jésuite, c'est un conseil que j'ai lu lundi, venant d'un autre jésuite, bien informé en la matière.

Une très grande participation, des idées, des suggestions fusant de partout, des couacs, mais où a été abordée la question essentielle : la foi à faire redémarrer, foi sans laquelle l'Eglise ne peut pas bien aller ?

MESSE DE BEATIFICATION
------

Pour clore le synode il y avait bien évidemment la messe de clôture avec la béatification de Paul VI. Benoît XVI était présent et j'ai trouvé cela presque normal puisque deux décisions importantes dans sa vie d'homme et de prêtre sont liées à ce pape dont on dit beaucoup de bien mais qui a, lui aussi, essuyé des tempêtes car il est resté fidèle. Lorsque j'ai vu sur le bandeau de la Vigna del Signore https://www.facebook.com/vignadelsignore le jeune cardinal Ratzinger près du pape Paul VI j'ai pensé que notre pape émérite serait présent. Le bandeau a changé et maintenant il y a la photo de Benoît XVI pendant la célébration.

Contrairement aux habitudes, le CTV n'a pas montré l'arrivée du pape émérite sortant de la basilique, depuis j'ai vu des vidéos. C'est le commentateur qui a signalé qu'il était très souriant et que des applaudissements chaleureux avaient salué son apparition place Saint-Pierre. Philippine de Saint-Pierre a abondé dans le même sens en parlant d'acclamations et applaudissements nourris. Un temps magnifique, un ciel bleu intense et un parapluie pour abriter notre Benoît XVI, mais cela n'a pas duré et j'ai râlé car sur la place le soleil dardait très fort ses rayons. Il est arrivé avec sa calotte blanche, ensuite on lui donnera une mitre. Un visage très reposé, souriant, il salue en gagnant sa place. Pour le moment il est seul, puis il aura le cardinal Sodano et d'autres à sa droite et le préposé temporaire chargé du parapluie à sa gauche. C'est ce religieux qui se penche vers Benoît et lui dit quelque chose ; le pape émérite, calotte et lunettes lève les yeux de livret qu'il tenait. La lente procession commence; François arrive et, en premier, va saluer son prédécesseur, échange chaleureux, souriant, les deux sont en calottes blanches, sans mitre, François ayant confié la sienne à Mgr Guido Marini resté en arrière. Pendant ce temps les cardinaux souriants, l'un d'eux joint même les mains, continuent à regagner leurs places et font des signes au pape émérite qui répond. Le commentateur dit que les cardinaux sont heureux de voir les deux papes ensemble d'où applaudissements des fidèles et des cardinaux.
La célébration commence avec le rite de béatification. Selon les souhaits de Paul VI la cérémonie est très simple, pleine de ferveur.
Benoît, avec le cardinal Sodano à sa droite, debout, suit avec attention et offre un visage souriant, plein d'émotion (selon le CTV ) et applaudit pour l'annonce de la béatification par François. Il est heureux et c'est très bien.
Pendant la présentation des reliques il suit avec le livret qu'il tient. Il reste debout, incliné pour le Gloria . La caméra revient sur lui pour la deuxième lecture, il suit très attentivement et il a une mitre.
Toujours debout pour la lecture de l'Evangile, sans coiffure bien sûr et la tête tournée vers l'autel.
Pendant l'homélie, assis, avec calotte blanche, Benoît écoute attentivement. François a suivi le texte fourni, méditation plus longue avec ce vocabulaire ampoulé, très louangeur que j'apprécierai plus sobre mais qui est de rigueur. Il a beaucoup insisté sur les "nouveautés" et l'accueil qui doit leur être réservées. J'ai tendance à me méfier de ces nouveautés qui peuvent déboucher sur des changements inattendus.
Pendant le moment de silence après l'homélie Benoît médite.
Benoît XVI participe à la lecture de la prière eucharistique, ses lèvres remuent et son visage est tourné vers l'autel.
Autre passage de la caméra: il récite, debout et sans coiffure le Notre Père. Pour le geste de paix il échange avec ses voisins, toujours debout, souriant, les cheveux blancs très souples et fait un geste de main pour les plus éloignés. La messe avance, le papa émérite communie sous les deux espèces. Pendant que François parle avant l'Angélus, Benoît XVI, yeux fermés et mains jointes, médite. Pour la bénédiction, Benoît a mis sa mitre, il est debout et sourit en regardant vers François lorsque ce dernier demande de prier pour lui et souhaite un bon repas à la foule.
Dernier passage de caméra : François vient saluer Benoît XVI sous les applaudissements, comme à chaque fois que ce geste regroupe les deux papes, sourires et mitre pour tous deux. Coiffure identique au début comme à la fin de la célébration; pas de calotte blanche en main de la part de Benoît. Le prêtre ou le religieux s'approche et le pape émérite va quitter la grande place qui se vide. Le commentateur du CTV souligne le sourire heureux de Benoît XVI à la fin de cette messe qu'il a suivie avec plaisir et émotion. Une grande complicité existait entre les deux papes. La caméra est passée 18 ou 19 fois sur notre pape émérite, ce sont ces moments que je guettais. Une fois de plus, à cause de lui, mon repas de midi a été retardé mais c'était sans importance

DE NOMBREUSES VISITES POUR BENOÏT XVI
-----

J'ai évidemment apprécié sa présence mais ce qui me comble c'est de voir combien de personnes connues ou plus simples visiteurs viennent au Monastère.
Lorsque certains sont accompagnés en voiture par la Garde Suisse jusqu'au portail de Mater Ecclesiae,il faut voir derrière cela l'autorisation de François car je n'ai pas oublié la fermeture de la porte à 20h le 28 février 2013 à Castel Gandolfo, cette unité n'est dédiée qu'au Pape. Pour certaines visites il n'y a pas de photos mais le passage est signalé dans tweeter ou facebook. Bien sûr, je suis persuadée qu'il y a des exceptions et c'est normal, mais le grand vide que je craignais tant se meuble de magnifiques surprises toutes dans la discrétion qui caractérise Benoît XVI mais sans dissimulation. Avec la grandeur qui est sienne, dans l'effacement, il continue à œuvrer pour l'Eglise car on ne vient pas le voir pour un thé mondain je suppose.
J'aime aussi beaucoup les photos sur lesquelles on voit Mgr Gänswein, tout sourire, avec son protégé.
La cadence des visites s'accélère mais viennent s'ajouter des marques d'appréciation bien tangibles pour le ministère auquel il a renoncé: un buste, une salle qui portera son nom. Ce pape émérite a une valeur intellectuelle et une telle profondeur de foi qu’il est connu et apprécié, depuis des décennies.
Je ne suis pas naïve, il faut ajouter de sérieux bémols en ce qui concerne les médias et ceux qui sont incapables de l'évaluer à défaut de l'apprécier, les moutons de Panurge avec leur aveuglement et leurs préjugés ont la vie dure.
Je trouve admirable, après tant d'années, d'avoir la certitude d'être à sa juste place, celle choisie il y a bien longtemps, malgré les avis de gros temps et les journées lumineuses et de continuer à répondre "oui" encore et encore en dépit des difficultés liées au temps qui passe; il est là avec son immense intelligence, sa justesse de vue, sa foi solide comme le roc, respectueux de la ligne qu'il s'est fixée; je suis comblée de l'avoir connu. Mgr Gänswein n'hésite pas à dire que sa fragilité le fait aimer davantage.

Humour....

N'oublie pas: nous avons besoin de lait... Merci

Je pense à cette phrase de Saint Vincent de Lérins: « certains papes le Seigneur les donne, d'autres Il les tolère, d'autres encore Il les inflige ».

Je conclus avaec cette petite pointe d'humour grinçant qui cadre bien avec nos deux papes : François d'un pas très décidé et Benoît n'oubliant pas de remercier mais c'est lui qui est dans le Vatican et il a toujours la petite cape.

A bientôt
Jeannine

  © benoit-et-moi, tous droits réservés