Accueil

La prophétie de don Camillo-Guareschi

Le catholicisme ... irénique et «mondain»: un article du blog de l'écrivain catholique italien Corrado Gnerre (5/7/2014)

     

Corrado Gnerre (né en 1962) est un universitaire italien, diplômé en théologie et en philosophie, et qui enseigne l'histoire des religions dans une prestigieuse université italienne. Il a publié de nombreux ouvrages d'apologétique, et tient un blog "Il giudizio cattolico" que j'ai découvert récemment.
Son dernier billet parle d'un auteur qui m'est cher, Giovannino Guareschi, l'auteur de don Camillo, auquel j'ai déjà consacré pas mal d'articles (voir benoit-et-moi.fr/2013-II/livres-dvd/don-camillo).

Il s'agit d'un commentaire de texte sur un extrait du dernier livre de Guareschi (paru en français sous le titre "Don Camillo et les contestataires", et ressorti récemment en italien sous le titre "Don Camillo et don Chichi"), mettant en scène les dissensions entre le vieux prêtre bourru à l'ancienne et un "prêtrichon" modern(ist)e, pas méchant mais tout acquis aux idées de Vatican II, que son évêque a envoyé à don Camillo comme vicaire... en réalité pour le recadrer.
Le passage dont il est question est à relire ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/don-camillo-et-don-chichi-iv.

L'auteur y voit une parabole (ou une prophétie) sur ce qui est en cours aujourd'hui dans l'Eglise.

     

GUARESCHI ET LE CATHOLICISME ... IRÉNIQUE ET «MONDAIN»
http://www.ilgiudiziocattolico.com/1/282/guareschi-e-il-cattolicesimo-irenista-e-mondano.html
------

Nous avons déjà eu de nombreuses occasions de nous entretenir de ce grand écrivain catholique du XXe siècle italien qu'a été Guareschi.
Un catholique, mais aussi un écrivain tout d'une pièce, en ce sens que non seulement il savait écrire franchement, «sans poil sur la langue» (sans langue de bois), comme on dit, mais aussi avec cette capacité de «parler au cœur» qui fait d'un écrivain un grand écrivain.

Guareschi a été aussi un «prophète», quelqu'un qui a su, avant beaucoup d'autres, comprendre notre époque et surtout quelles seraient les terribles conséquences de certaines erreurs néfastes.
Évidemment, tout cela ne lui venait pas d'une sorte de charisme, mais seulement de son extraordinaire capacité à savoir «regarder les choses», à les regarder avec cet émerveillement enfantin et paysan qui lui donnait la capacité d'interpréter la réalité à travers le bon sens, que philosophiquement, nous pouvons aussi définir (même si il n'y a pas une coïncidence parfaite) comme «sens commun».

Guareschi a parlé de beaucoup de choses et nous invite à comprendre beaucoup de choses. Par exemple, il nous dit beaucoup sur ce qui est aujourd'hui une mode très établie parmi de nombreux - trop nombreux - catholiques: l'irénisme. Pour mémoire: ne jamais discuter, de ne jamais faire de polémique, il faut survoler la vérité ... l'important, c'est de maintenir le dialogue et l'harmonie.
Pensons à l'affirmation récente d'un évêque italien bien connu, Mgr Galantino, rien moins que le Secrétaire de la Conférence épiscopale italienne, qui, à la question d'un journaliste sur ce qu'il faut dire éventuellement à un homosexuel croyant, a répondu en affirmant que, dans ces cas, il faut se mettre à l'écoute plutôt que de parler ... comme si notre Seigneur Jésus-Christ n'avait pas parlé, dénoncé, condamné clairement et durement le péché... et comme si les œuvres de miséricorde spirituelle n'était pas, en fait, de «miséricorde».

Revenons à Guareschi. Dans son "Don Camillo et les contestataires", il y a un dialogue significatif. Le jeune prêtre progressiste Don Chichi, pontifie en s'adressant au rude pasteur de la Bassa:

«L'Eglise, don Camillo, est un grand navire qui depuis des siècles était au mouillage. Il faut à présent lever l'ancre et reprendre la mer ! Il faut renouveler l'équipage, se débarrasser sans pitié des mauvais marins, mettre le cap sur l'autre rive. C'est là que le navire trouvera les forces fraiches qui le rajeuniront. L'heure du dialogue a sonné, révérend!»

Mais Don Camillo répond:

«Se quereller, c'est le seul dialogue possible avec les communistes. Ici, après vingt ans de querelles, nous sommes tous biens vivants. Je ne vois pas de meilleure coexistence. Les communistes m'apportent leurs enfants à baptiser, et viennent se marier devant l'autel ; moi, je leur concède pour seul droit, comme à tous les autres, celui d'obéir aux lois de Dieu. Mon église n'est pas le grand navire dont vous parlez, mais une pauvre petite barque : elle n'en a pas moins toujours navigué de l'une à l'autre rive. A présent, c'est vous qui la pilotez, et je vous laisse faire parce qu'on m'en a donné l'ordre ; je vous conseille cependant d'agir avec prudence. Vous éloignez quantité d'hommes de l'ancien équipage pour en embarquer d'autres sur la rive opposée : veillez à ce qu'il ne vous arrive point de perdre les premiers avant d'avoir assuré la relève. Vous souvient-il de la mésaventure de ces moinillons qui firent pipi sur de vilaines petites pommes, persuadés qu'ils en recevraient de superbes ? Il n'en fut rien, et eux durent croquer les vilaines petites pommes du début.»

Deux points importants sur lesquels réfléchir.

Le premier. Don Camillo dit: «Se quereller, c'est le seul dialogue possible avec les communistes. Ici, après vingt ans de querelles, nous sommes tous biens vivants». Ici, bien sûr, Guareschi ne se réfère pas à la querelle en tant que telle, mais au fait que le choix de rester soi-même, de continuer à témoigner la vérité toujours et en toutes circonstances est la seule possibilité de rester «vivants». Vivants comme des hommes qui reconnaissent encore un ordre naturel. Le contraire de ce qui se passe aujourd'hui. Ceux qui sont appelés à proclamer la vérité, ont peur de le faire ... et deviennent des sortes de zombies: on ne comprend pas pourquoi ils existent. Aujourd'hui, on pourrait se demander, sur de nombreux prêtres qui ont peur de dire la vérité: mais pourquoi sont-ils prêtres? pourquoi existent-ils? Ceux qui ne ressentent pas l'enthousiasme de la vérité, de la défendre, de la proclamer, de l'aimer est comme un zombie , en ce sens que leur vie finit par être organisée sur le refus de l'ordre naturel des choses. Don Camillo le dit : le fait que je me querelle avec les communistes non seulement m'a gardé «en vie», mais a fait en sorte que les communistes ont aussi été gardés «en vie». En effet, ceux du pays du Prêtre de la Bassa étaient très souvent communistes en paroles, mais peu en actes: «Les communistes m'apportent leurs enfants à baptiser, et viennent se marier devant l'autel ; moi, je leur concède pour seul droit, comme à tous les autres, celui d'obéir aux lois de Dieu».

Venons-en au second point. Don Camillo fait comprendre combien est stupide la prétention de «diluer» la vérité pour essayer d'attirer: on finit alors, non seulement par n'attirer personne, mais aussi par perdre ceux qui avaient précédemment adhéré.
Les faits sont ce qu'ils sont. L'ouverture au «monde» des milieux ecclésiaux, voulue par la théologie post-conciliaire, n'a pas «converti» le monde, elle a plutôt «mondanisé» l'Église.
Une information d'il y a quelques mois: selon les données publiées par la Congrégation vaticane pour les Instituts de Vie Consacrée, chaque année, un peu plus de 2600 religieux, hommes et femmes, quittent leur ordre. Pour être précis, entre 2008 et 2012, il y a eu un total de 12123 dispenses formelles de la vie religieuse, condition préalable à la réduction ultérieure à l'état laïc.
Si les arbres doivent être jugés à leurs fruits ...

  © benoit-et-moi, tous droits réservés