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La reddition du cardinal Dolan

Au prochain défilé de la Saint Patrick, à New York, dont il sera le "Grand Marshall", il y aura des militants gays. Mais après tout, "qui est-il pour juger?" [(*)] (10/9/2014)

     

Deux articles en italien (Sandro Magister et Riccardo Cascioli) s'interrogent sur la portée de cette capitulation.
Le cardinal Dolan est présenté comme "conservateur" au prétexte qu'il s'est opposé à l'Obamacare... Conservateur, vraiment?
On se rappelle surtout qu'il comptait parmi les papabili au conclave de mars 2013, et beaucoup voyaient en lui le successeur de Benoît XVI.

     

Sandro Magister (Settimo Cielo)

IL ÉTAIT UNE FOIS UN PÉCHÉ QUI CRIAIT AU CIEL
9/9/2014
(ma traduction)
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Après des décennies de protestations, de polémiques et de batailles juridiques, le dernier tabou est tombé dans le traditionnel défilé de la Saint-Patrick à New York sur la Cinquième Avenue. Une manifestation «laïque», mais aux racines catholiques incontestables. Le 17 mars de l'année prochaine, en effet, des groupes homosexuels, avec leurs insignes, seront aussi autorisés à défiler. Le premier groupe gay qui marchera sur la Cinquième Avenue, avec son drapeau, le jour où on célébre le saint patron de l'Irlande et de la Big Apple sera composé d'employés de NBC, la chaîne qui chaque année diffuse l'événement en direct.

Le meilleur, c'est que comme «Grand Marshal», c'est-à-dire l'invité d'honneur pour ce qui sera la 254e édition du défilé - la première avec une représentation officielle des homosexuels en tant que tels - les organisateurs ont voulu mettre le cardinal archevêque Timothy M. Dolan de New York. Qui a accepté et participera à la parade sur les marches de la cathédrale Saint-Patrick.

La décision du cardinal a fait tomber des nues plusieurs commentateurs catholiques.
Sur le «National Catholic Register» (site conservateur, ndt) du 3 Septembre, Pat Archbold a regetté qu'en acceptant d'être choisi (comme Grand Marshall), le cardinal a de fait exprimé «l'acceptation publique de la nature légitime de l'identité gay» y compris d'un point de vue catholique. N'en déplaise au prédécesseur de Dolan sur la Chaire de New York, le cardinal John J. O'Connor, qui s'est toujours vigoureusement opposé à la présence des homosexuels dans la marche organisée pour la Saint-Patrick. Et n'en déplaise au Catéchisme de l'Eglise catholique, non pas celui d'autrefois, mais le «nouveau» en 1997, qui inclut encore le «péché des Sodomites» - avec l'homocide volontaire, l'oppression des pauvres et l'injustice avec les alariés - parmi les quatre péchés qui «crient vers le ciel» (cf. www.vatican.va/archive/FRA0013/_P67.HTM )

Il semble en effet peu probable que les gays organisés qui le 17 mars prochain défileront le long de la Cinquième Avenue, le feront la tête couverte de cendres, en se frappant la poitrine pour leur péché et en exprimant la ferme intention de ne plus jamais le commettre

Il est de plus en plus évident que, dans l'Église catholique, ou plutôt dans de larges secteurs du catholicisme du premier et deuxième monde, la perception de ce péché dont on disait autrefois qu'il criait au ciel par sa gravité soit lentement mais inexorablement évacuée comme une relique du passé. Avec un changement de jugement moral analogue, mais dans la direction opposée, de l'illicite au licite, à ce qui s'est passé dans les siècles écoulés concernant l'esclavage et ce qui se passe aujourd'hui à l'égard de la peine de mort.

Bien sûr, il s'agirait dans ce cas d'une rupture entreprise «praeter Scripturam» - à l'extérieur, sinon contre la Sainte Ecriture - comme l'a dit en 2011 le théologien vaudois Paolo Ricca à ses frères qui venaient de donner le feu vert à la bénédiction de «mariages» entre personnes du même sexe (cf. L'église vaudoise). Une rupture non seulement avec deux mille ans de tradition ininterrompue de l'Église, mais avant tout avec les termes clairs de l'Ancien Testament et extrêmement clairs de Saint-Paul dans le premier chapitre de la lettre aux Romains.

Mais parmi les catholiques, il ne manque pas de théologiens et de pasteurs qui - comme ce fut le cas chez les Vaudois avec Ricca - sont prêts à expliquer comment saint Paul ne doit pas être pris à la lettre, mais interprété dans le «contexte» de son temps, influencée par des préjugés de matrice «patriarcale» et de «mépris ethno-religieux» inacceptable aujourd'hui.

Bill O'Reilly, porte-parole du comité d'organisation de la parade, a dit le 8 Septembre à la “Catholic News Agency” que la décision de faire défiler des groupes d'homosexuels est aussi née du «changement de ton dans l'Eglise», qui est devenu plus compatissant et compréhensif, vu la façon «dont le pape François a parlé d'eux».

     

Riccardo Cascioli (La Bussola)

QUAND LE CARDINAL DOLAN RÉÉCRIT LE CATÉCHISME
09/10/2014
www.lanuovabq.it
(ma traduction)
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Dans la perspective de l'avancée triomphale du mouvement gay dans l'Eglise, dans les prochains mois, il y aura quelque chose de plus explosif que le «Qui suis-je pour juger» (*), phrase par ailleurs utilisée en toute mauvaise foi: ce sera l'image du prochain défilé de la Saint-Patrick à New York, le 17 mars, avec une organisation gay, bannières déployées, défilant sous le regard bienveillant de l'archevêque de New York, le cardinal Timothy Dolan. C'est vrai que ces jours-ci, cela fait discuter les catholiques américains, et pas seulement.

Le défilé de la Saint-Patrick à New York est célèbre partout dans le monde: elle a lieu depuis le 17 Mars 1762, 14 ans avant la Déclaration d'Indépendance, en l'honneur du saint patron de l'Irlande et de New York. Il ne s'agit pas d'un événement organisé directement par l'Église catholique, mais par une société catholique d'immigrants irlandais. Le diocèse de New York, toutefois, a toujours donné sa bénédiction, de sorte que la marche fait traditionnellement un arrêt devant la cathédrale de New York, dédiée à Saint-Patrick, saluée par l'archevêque. Cette année, en outre, le cardinal Dolan a été invité comme Grand Marshall de la parade, c'est-à-dire celui qui l'ouvre.
Ce qui a créé le plus de trouble chez les catholiques , c'est le fait que l'acceptation de l'invitation par Dolan est venue après que les organisateurs pour la première fois dans l'histoire aient admis dans le défilé un groupe gay avec tous les emblèmes. ...
Face au tollé qui s'est immédiatement soulevé, l'archevêque de New York s'est déclaré serein parce que ce n'est pas à lui de décider des participants, et de toute façon, il n'a pas à faire de discrimination parmi les catégories de personnes.
Enfin, hier, il a publié une déclaration officielle dans laquelle il a souligné que ni lui ni ses prédécesseurs comme archevêques de New York n'ont jamais décidé qui pouvait et ne pouvait pas défiler dans la parade, et qu'en tout cas, il a toujours apprécié l'effort des organisateurs pour maintenir l'événement fidèle à son origine catholique. Ce faisant, l'archevêque Dolan pense probablement qu'il pourra clore la discussion, mais ce ne sera pas le cas. Pour un certain nombre de raisons.

Tout d'abord, dans le communiqué, il y a un mensonge: son prédécesseur, le cardinal John O'Connor, en effet, a toujours lutté pour empêcher les organisations gay de participr au défilé, car cela fait au moins vingt ans qu'à chaque édition, on assiste à la même tentative. Pour le mouvement gay, la possibilité de participer à l'un des défilés les plus célèbres du monde, avec une bénédiction par un cardinal de la Sainte Église Romaine, a une grande valeur symbolique.

Il y a ensuite une trame de fond peu édifiante concernant la décision des organisateurs. L'organisation gay est en effet la OUT @ NBCUniversal, un groupe d'employés de la chaîne de télévision NBC. La raison est simple: NBC est le réseau de télévision qui diffuse la parade en direct (avec tous les avantages économiques qui en découlent), et cette année, les dirigeants de NBC ont exercé des pressions plus fortes que d'habitude, laissant entendre que si les gays ne pouvaient pas défiler, le contrat sauterait. Et une pression analogue a été faite par le sponsor principal de la parade, la brasserie Guinness. C'est donc une simple question d'argent (ndt: plus exactement: c'est entre autre une question d'argent, mais pas seulement, comme le prouve le fait même que cet article ait été écrit...), un chantage auquel les organisateurs ont fini par céder. A fortiori, le cardinal Dolan aurait dû décliner l'invitation à tenir le rôle de Grand Marshall.

Mais la question centrale est surtout une autre. Ce qui est en discussion, ce n'est pas la possibilité de défiler pour les personnes ayant des tendances homosexuelles, sûrement, elles l'auront fait les années précédentes; mais admettre une organisation gay, qui fait un mérite de l'homosexualité, c'est autre chose. C'est déclasser un péché que le catéchisme considère comme l'un des quatre qui «crient vers le ciel». En somme, c'est comme si à la procession du Corpus Christi défilaient des mouvements organisés d'assassins, de trafiquants d'êtres humains et ainsi de suite. Participer en tant que pécheur (nous le sommes tous) qui veut se convertir est une chose, défiler en tant que groupe organisé qui affirme que le péché est la voie maîtresse, en est une autre.
Induire et approuver cette confusion, par pragmatisme ou par un sens mal compris de l'inclusion, est une chose très grave. L'Eglise ne juge pas le pécheur, mais le péché oui.

A la place, avec cette décision, le cardinal Dolan dit que l'homosexualité n'est plus un péché. Cette affirmation est grave car cela signifie concéder que l'homosexualité est une nature, c'est-à-dire qu'il n'est pas vrai que «Dieu a créé l'homme, homme et femme il les créa».

Le défilé du 17 Mars prochain - si le cardinal ne revient pas en arrière - va donc avoir un impact dévastateur. On ne peut qu'espérer que cela servira au moins à en réveiller certains, dans l'église, de leur torpeur. La «sympathie» pour le monde conduit inévitablement à devenir du monde.

(*) Mention "légale"

De même que pour toute publicité pour l'alcool, la mention légale «à consommer avec modération» est de rigueur, je m'empresse de préciser pour les pinailleurs, et ceci vaudra à l'avenir, que «le pape n'est pas responsable de l'instrumentalisation de ses propos par des journalistes mal intentionnés, qui les ont délibérément sortis de leur contexte».

Je me permets juste de rappeler ce qu'écrivait le regretté Mario Palmaro en janvier dernier, justement à Riccardo Cascioli:

Mais les faits sont là. Face à cette petite phrase historique dans la bouche d'un pape - «Qui suis-je pour juger» - bien sûr, on peut écrire des wagons d'articles de correction et de réparation, chose que les troupes inlassables de normalistes ont faites et font depuis des mois pour expliquer que tout va bien madame la marquise. Mais toi et moi nous savons bien - et tous ceux qui connaissent les mécanismes de communication le savent, que le «qui suis-je pour juger» est une pierre tombale sur toute lutte politique et juridique dans le domaine de la reconnaissance des droits des homosexuels. Si l'on parlait de rugby, je dirais que cette petite phrase du pape François a fait gagner en quelques secondes plus de mètres en faveur du lobby gay, que durant des décennies tout le travail du mouvement homosexuel à travers le monde.
(benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/qui-suis-je-pour-juger)

     
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