Accueil

La stratégie du fil de fer

C'est une expression forgée par Alessandro Gnocchi pour décrire le nouveau cours de l'Eglise (23/7/2014)

Mais avant d'arriver au fait, quelques explications sont nécessaires....

     

Mgr Galantino est le nouveau secrétaire de la CEI, nommé à ce poste par François dans des circonstances très particulières, évoquées dans ces pages (voir ici: tinyurl.com/qgts2w5 )
Le 13 mai dernier, il accordait une interviewe à un journal italien, je l'avais traduite ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/les-eveques-italiens-vers-le-nouveau-cours
Il y avait tenu des des propos assez incroyables (surtout dans sa situation) sur plusieurs sujets; mais c'est son attaque contre les militants pro-vie qui récitent le chapelet devant les avortoirs qui lui avaient valu de sévères critiques de la part de certains milieux catholiques, choqués et blessés par son mépris.
Depuis lors, le monsignore n'en rate pas une. On trouvera quelques exemple ici.

Marco Tosatti, dont il convient de saluer l'honnêteté, n'a pas digéré l'épisode des militants pro-vie (aussi par solidarité professionnelle, le prélat s'étant défaussé sur les médias), et épingle la défense maladroite, et limite malhonnête, du favori du Pape, pris la main dans le sac.

* * *

Marco Tosatti

GALANTINO, DES TROUS, ET DES PIÈCES (ENCORE PIRE)
Il arrive que le vieux jeu du «c'est toujours de la faute des journalistes» ne fonctionne pas . Et certaines pièces sont pires que les trous ...
Marco Tosatti
www.lastampa.it/2014/07/21/blogs/san-pietro-e-dintorni
------

Dans le mensuel "Sempre", Mgr Nunzio Galantino répond aux critiques qui ont été formulées contre lui. «Une agression qui m'a fait un peu mal».
La référence est à la polémique qui a suivi les déclarations où il prétendait ne pas s'identifier «avec les visages inexpressifs de ceux qui récitent le chapelet à l'extérieur des cliniques».
Le secrétaire de la CEI considère que c'était un malentendu dû à une instrumentalisation des médias.
«L'interview en question - explique-t-il - est née dans un contexte spécifique: l'influence qu'ont les moyens de communication sociale. A cette occasion, j'ai dit que nous devons être prudents en particulier à la télévision où l'on utilise uniquement les images qui aident à défendre sa propre thèse. J'ai cité l'exemple de ceux qui cadraient les visages les plus inexpressifs parmi les gens qui récitent le chapelet contre l'avortement devant les cliniques».
«Une méthode médiatique qui ne vise pas seulement à affaiblir le chapelet récité devant la clinique, mais aussi le mouvement, grand et extraordinaire, qui est derrière», affirme Mgr. Galantino. C'est la raison pour laquelle son avertissement visait plutôt à mettre en garde contre de telles manipulations. La déclaration hors contexte de l'interview était donc la source du malentendu.
«Parfois - réfléchit l'évêque - les dirigeants de certains de nos mouvements ne lisent pas l'interviewe dans son intégralité, mais seulement le titre du journal, qui a évidemment tout intérêt à choisir l'expression qui fait scandale et crée des problèmes (ndt: air archi-connu!!). Ainsi partent 10 mille tweets, ou 15 mille messages sur Facebook contre l'évêque Galantino ... ».
Dans ce contexte des critiques qui lui ont été adressées, le secrétaire de la CEI affirme qu'il a été «impressionné» par la «méchanceté sommaire de certaines personnes qui disent réciter le chapelet. Il est inquiétant de savoir que quelqu'un qui récite le chapelet est capable ensuite de s'exprimer sur ce ton, avec cette violence verbale».

Voici le passage de l'interviewe du 12 mai , rapporté par le Quotidiano Nazionale (cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/les-eveques-italiens-vers-le-nouveau-cours).
Question: Au cours des dernières années, la CEI a beaucoup investi sur les valeurs non-négociables (la vie, la famille, l'éducation). Le Pape n'a-t-il pas lui aussi ces questions à coeur?
Réponse: «Pensons au caractère sacré de la vie. Dans le passé, nous avons mis l'accent uniquement sur le non à l'avortement et à l'euthanasie. Il ne peut pas en être ainsi, entre les deux, il y a l'existence qui se développe. Je ne m'identifie pas avec les visages sans expression de ceux qui récitent le chapelet à l'extérieur des cliniques qui pratiquent l'avortement, mais avec ces jeunes qui sont opposés à cette pratique et luttent pour la qualité des personnes, pour leur droit à la santé, au travail».

Relisez à présent la correction de Mgr. Galantino, et voyez si dans l'interview et dans la réponse, on a parlé de la télévision, et d'instrumentalisation médiatique. Il me semble que mon collègue Giovanni Panettiere a rapporté les paroles exactes de l'évêque (qui, en effet, ne l'a pas démenti).
Le vieux jeu du «c'est toujours de la faute des journalistes» ne fonctionne pas toujours. Et certaines pièces sont pires que les trous ....

     

Alessandro Gnocchi et la stratégie du fil de fer

Alessandro Gnocchi tient désormais une rubrique hebdomadaire sur le très bon site catholique Riscossa Cristiana, où il répond aux questions des lecteurs.
Cette semaine, son correspondant évoquait l'interviewe de l'ineffable Galantino, et le dernier entretien du Pape avec Eugénio Scalfari, et interrogeait:

J'ai de plus en plus le sentiment que de la part de nos politiciens (mais là, nous avons une certaine habitude), mais aussi, malheureusement, des hommes d'Eglise, on ait perdu la capacité de réfléchir avant de parler, alors que ceux qui détiennent des charges aussi importantes devraient, au moins selon moi, peser chaque mot avec une petite balance. Et au contraire, non. Nous entendons d'énormes insanités, et parfois ensuite, des démentis qui ne démentent pas. Ces messieurs nous prendraient-ils tous pour des idiots? N'ont-ils donc aucun respect pour les charges qu'ils occupent et pour les gens à qui ils s'adresent? Que peut-on faire pour corriger ce mauvais pli?

Voici la réponse d'Alessandro Gnocchi :

Je commence par le bas et à votre dernière question, je peux répondre en un mot: rien. On ne peut rien faire, parce que nous ne sommes pas en présence de superficialité, de goujaterie, de mépris de l'intelligence des autres ou de manque d'intelligence propre. Ou plutôt, il y a aussi un peu tout cela, parce que la qualité des acteurs sur la scène est vraiment pauvre.
Mais c'est secondaire, dans la mesure où le mouvement de balançoire entre affirmations et démentis répond à une stratégie précise que j'essaie d'expliquer avec une image qui n'est banale qu'en apparence: c'est la stratégie du fil de fer.

Pour rompre le fil, on doit le tordre dans les deux directions opposées. C'est le but de tous ceux qui, en politique appliquent cette méthode, soit seuls, en affirmant et en démentant, soit avec la complicité d'adversaires feints qui affirment le contraire. Le but, en tout cas, est toujours le même: briser l'organisme, l'institution, le lien sur lequel on opère.

Si cela est grave en politique, nous pouvons imaginer à quel point ça l'est en matière de foi. Le ballet de Mgr Galantino peut sembler seulement ridicule et provoquer le rire ou la pitié. Mais en réalité, à quoi cela mène-t-il, sinon à discréditer le rôle qu'il assume? A casser le peu qui reste désormais du prestige d'une institution ecclésiale? Parce qu'il doit être clair que ce qui sort cassé de cette misérable affaire, ce n'est pas le monsignore, mais le rôle qu'il revêt.

Le même discours vaut pour l'affaire tragi-comique de l'interview de Scalfari au pape François. Et ici, il faut partir de ce qu'a dit à ce propos de Giuliano Ferrara, que l'erreur est humaine, mais que persévérer est bergoglien (cf. Perseverare è bergogliano).

Admettant, par extrême gentillesse, que dans le premier cas, il s'agissait d'inexpérience et de naïveté, comment le penser encore après avoir cédé à nouveau face aux ruses de l'ennemi? Serait-ce qu'on voudrait nous prouver, sans crainte d'être contredit, que l'Office de Souverain Pontife, Vicaire du Christ, le doux Christ sur la terre, à la lumière du nouveau sentire cum Ecclesia, est réduit aux fonctions d'un quelconque Berlusconi, qui rédigeait à la fois l'interviewe et le démenti?
Comment une image qui est constamment tordue dans les deux sens comme le fil que j'ai mentionné plus haut peut-elle tenir aux yeux des fidèles?

En attendant que tôt ou tard la rupture se produise, elle a déjà eu lieu dans la raison de ces catholiques normalistes qui tentent de prouver, de la droite, que tout est normal, tout fonctionne comme une horloge, que tout est sous contrôle. Et donc, ils sont contraints de dire que les interviews à Scalfari sont parfaites, et ils doivent passer à travers des cerceaux de feu pour parvenir à leurs fins, puis quand les interviews disparaissent du site du Vatican, ils doivent dire qu'elles n'étaient pas si parfaites que cela, parce qu'il y avait quelques passages problématiques et peut-être apocryphes... et puis, quand les interviews réapparaissent les voilà qui expliquent que de toute façon il y avait beaucoup de catholicité dans ces pages, et puis les interviews ayant disparu à nouveau, on les voit expliquer que malgré tout, il y avait des problèmes. Mais tout cela est la faute de Scalfari et, cela va sans dire, de cet incompétent de Père Lombardi.

Ainsi, grâce aux gardiens placés sur le flanc droit de l'église née de la Nouvelle Pentecôte, la doctrine devient une peau de chamois à traîner partout et dans n'importe quelle forme. Et ainsi, à force de montrer que même ce qui n'est pas catholique est catholique, un beau jour, ils ne seront plus capables de démontrer que ce qui est vraiment catholique est catholique.

Dites-moi s'il est possible de remédier à ce très habile montage ...
Mais qui sommes-nous pour juger?

www.riscossacristiana.it/fuori-moda-la-posta-di-alessandro-gnocchi-rubrica-del-mtedi/

  © benoit-et-moi, tous droits réservés