Accueil

Le malaise caché de certains fidèles

La médiatisation du Pape François inspire au site "La voix de la Russie", qui y voit un signe de crise de l’'Eglise, un excellent commentaire (26/9/2014)


     

L'article est à écouter ici, et à lire .
J'imagine que l'auteur n'est pas catholique, probablement orthodoxe; son analyse "de l'extérieur" est très fine et il fait une remarquable synthèse des faits que j'accumule ici depuis plusieurs mois.

* * *

(Dario Citati, 2 septembre 2014)
-------

À première vue la grande popularité du Pape François auprès de l’opinion publique internationale semble l’affirmation d’un principe essentiel du catholicisme, qui fonde sa structure ecclésiastique sur la primauté juridique du Pape sur les autres évêques. En réalité, il se passe exactement le contraire: depuis son élection à Pontife Romain Jorge Mario Bergoglio est devenu très populaire non pas pour son action doctrinaire et de gouvernement en qualité de Pape, mais bien à cause de la médiatisation de sa personne et de la sensation qu’il donne d’être différent par rapport à tous ses prédécesseurs. Derrière la vénération pour la personne de François se cache donc un affaiblissement de la papauté comme institution. Si l’on analyse les questions relatives à l’Église catholique au-delà de la foi, c'est-à-dire au de là du propre du christianisme, si l’on étudie l’Eglise tout simplement comme une importante institution internationale, il est hors de doute que le style de Jorge Mario Bergoglio a momentanément augmenté la popularité du catholicisme. La volonté de relancer l’image du catholicisme auprès de non-catholiques en ce moment semble l’emporter sur les questions internes et sur les principes moraux.
Néanmoins, sur la longue durée ce seront justement ces questions et ses principes qui décideront le sort du catholicisme.

Sur le plan doctrinaire, la « révolution » du Pape François apparaît bien significative.

Premièrement, il s’agit d’un changement de modes et de conduite extérieure: dans la mimique de ses gestes, dans son langage simple et élémentaire, tout semble contribuer à une désacralisation de la fonction pontificale qui plaît beaucoup aux adversaires du christianisme dans la mesure où cela donne l’impression que le Pape, c’est quelqu’un comme tout le monde, presque une espèce de grand-père sympathique et affable.

Deuxièmement, on observe une échelle de priorités dans ses interventions publiques qui après un an et demi ne peut plus être jugée aléatoire. Le Pape François insiste bien souvent sur des thèmes qui ne sont pas spécifiquement liés à la foi, à la morale, aux mœurs. Au cœur de ses discours il y a souvent l’immigration, la critique du capitalisme, le respect pour l’environnement, les questions proprement religieuses restant en quelque sorte périphériques et subordonnées à un message de concorde civile et humanitaire. Bergoglio n’a jamais renié clairement aucun dogme ou principe catholique: sa « révolution » consiste plutôt à prononcer des propos ambigus ou bien à tolérer des pratiques hétérodoxes sans les approuver ouvertement.

L’exemple le plus frappant de sa stratégie communicative est sans aucun doute la célèbre proposition « Qui suis-je pour juger ? », utilisée par les progressistes pour justifier l’approbation de toute transgression. Le Pape François voulait-il « libéraliser » des actes considérés jusqu’à présent contraires à la loi naturelle? Ou bien entendait-il seulement rappeler que personne hors de Dieu peut juger la conscience da chacun, les actes restant toutefois bons ou mauvais en eux-mêmes?
On dirait qu’il préfère rester sciemment ambigu, en s’éloignant du style des Papes du passé tout comme de l’exhortation du Christ à l’égard de la transmission de la doctrine : « Que votre parole soit oui, oui, non, non; ce qu'on y ajoute vient du malin » (Mt, 5 :38). Les appels à la nécessité d’une Église « pauvre, pour les pauvres» sont aussi très révélateurs.
Comme les abus du clergé sont très choquants auprès de l’opinion publique, qu’est-ce qu’il y de plus médiatique du fait que le Chef de l’Église réclame une pauvreté généralisée ? Il ne faut pas être un génie pour remarquer la rhétorique d’un tel propos. C’est bien louable de condamner les richesses personnelles du clergé, mais si l’Église comme institution devenait en soi « pauvre » et donc sans ressources, comment pourrait-elle aider les déshérités du monde et s’engager à combattre la pauvreté ? Ce genre de propositions donnent bien l’image fausse d’un Pape extraordinaire parmi des « collègues » ecclésiastiques totalement corrompus.

La médiatisation de la figure personnelle du Pape François a aussi l’effet de cacher les problèmes à l’intérieur du catholicisme qui restent énormes.

Ici est abordée la "fragmentation presque incroyable [de l'Eglise], avec tellement de groupuscules qui soutiennent des positions incompatibles les uns avec les autres et surtout en contraste avec la foi catholique traditionnelle elle-même". Fragmentation illustrée par le sort réservé aux FFI et la probable mise au placard du cardinal Burke. Côté positif, il y aurait la diplomatie du Saint-Siège - avec ce que l'auteur nomme la "désoccidentalisation" du catholicisme, c'est-à-dire la sortie de l'alignement aux positions américaines.

Et la conclusion:

En même temps, beaucoup de questions restent ouvertes. L’Église catholique n’est pas la personne de Jorge Mario Bergoglio, qui ira terminer son existence comme tout être humain. Ce ne sera pas sa popularité à revitaliser la religion catholique. Le Pape François lui-même, dans sa première homélie en 2013, avait affirmé que l’Eglise ne peut jamais se transformer dans une ONG « philanthropique et charitable », ce qui parfois semble être son destin inéluctable. Le catholicisme pourra au contraire survivre dans la mesure où il sera capable d’offrir une perspective alternative aux modèles dominants, d’expliquer la destination métaphasique de la vie humaine dans un monde qui désormais a mis Dieu à l’écart.

Lire l'article en entier: french.ruvr.ru/2014_09_25/La-mediatisation-du-pape-Francois-comme-signe-de-crise-de-l-eglise-catholique-7005/

  © benoit-et-moi, tous droits réservés