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Le Pape dans l'avion de retour de Corée

Quelques répliques... (19/8/2014)

La désormais habituelle conférence de presse du pape dans l'avion de retour vers Rome a bien eu lieu, et ses propos sont reproduits ici et là, parfois en les déformant, ou en les amplifiant, ou en donnant un poids excessif à de simples boutades (comme l'allusion à l'échéance de sa propre mort, dans un échange tournant autour de sa popularité, où il parle de "retourner à la maison du Père, dans deux ou trois ans": mais nous ne connaissons "ni le jour, ni l'heure", et lui non plus!).
Des journaux italiens (La Stampa-Tornielli, Il Corriere) en donnent un verbatim complet, dans son jus (c'est-à-dire avec l'italien du Pape peu retouché), et comme les deux sont très proches, on peut supposer que c'est fidèle
En attendant que la version officielle paraisse sur le site du Vatican (sans doute moins "spontanée"), j'ai extrait trois répliques qui me paraissent intéressantes, parmi d'autres, comme celles sur la prière pour la paix dans les jardins du vatican, la Chine, où il voudrait se rendre, et qui lui a donné l'occasion de rappeler la lettre de Benoît XVI, la prochaine encyclique sur l'environnement, la béatification de Mgr Romero....

     

La situation en Irak

Visiblement, le pape ne veut pas citer les responsables, et parlent lui aussi de minorités (pas seulement chrétiennes).
Par ailleurs, ses propos sur l'opportunité d'une intervention militaire sont plus mesurés que ce que laissent supposer les compte-rendus de certains médias.

- Les forces militaires US ont récemment commencé à bombarder les terroristes en Irak pour prévenir un génocide et protéger l'avenir des minorités. Votre Sainteté, vous approuvez ce bombardement Américain en Irak?

«Merci d'avoir posé la question de façon précise. Dans les cas où il y a une agression injuste, je peux seulement dire qu'il est licite d'arrêter l'agresseur injuste.. Je souligne le mot: arrêter. Je ne dis pas bombarder ou faire la guerre. Je dis arrêter. Les moyens par lesquels on peut l'arrêter doivent être évalués. Arrêter l'agression injuste est licite. Mais nous devons avoir de la mémoire, aussi: combien de fois, sous cette excuse d'arrêter l'agresseur injuste, les puissances se sont-elles emparé de la population et ont fait une belle guerre de conquête? Une seule nation ne peut juger la façon dont on arrête cela, dont on arrête un agresseur injuste. Après la Seconde Guerre mondiale, on a créé les Nations Unies, c'est là qu'il faut décider: il y a un agresseur injuste, comment pouvons-nous nous l'arrêter? Seulement cela, et rien de plus.
Deuxièmement, les minorités. On parle des pauvres chrétiens qui souffrent; les martyrs, c'est vrai, il y a beaucoup de martyrs ... Mais ici, il y a des hommes et des femmes, des minorités religieuses, pas toutes chrétiennes et toutes sont égales devant Dieu. Arrêter l'agresseur injuste est un droit que l'humanité a. Mais c'est aussi un droit qu'a l'agresseur d'être arrêté, pour qu'il ne fasse pas de mal».

* * *

- Vous irez prier en Irak ou au Kurdistan?

«J'ai rencontré il y a peu de temps, le gouverneur du Kurdistan, il a eu une pensée très claire sur la situation, comment trouver des solutions, mais c'était avant le début de cette dernière agression. Je suis disponible pour aller en Irak et je pense que je peux le dire: quand avec moes collaborateurs nous avons eu la nouvelle de cette situation, des minorités religieuses et aussi le problème en ce moment du Kurdistan qui ne pouvait pas accueillir autant de gens, nous avons pensé beaucoup de choses. Nous avons écrit avant tout le communiqué de presse qu'a fait le père Lombardi. Après, ce communiqué a été envoyé à toutes les nonciatures, pour qu'il soit transmis aux gouvernements. Ensuite, nous avons écrit au Secrétaire général des Nations Unies et nous avons décidé d'envoyer mon envoyé personnel, le cardinal Filoni. En fin de compte nous avons dit que si cela était nécessaire, après mon retour de Corée, je pouvais y aller, c'était l'une des possibilités. Voici ma réponse: je suis disponible! En ce moment, ce n'est pas la meilleure chose à faire, mais je suis prêt à cela».

Le relation avec Benoît, et la démission

Les propos de François semblent donner raison à ceux qui, au lendemain de la renonciation de Benoît XVI, mettaient en garde contre "la réduction moderniste" dans l'interprétation de son geste: cf. La papauté en CDD ? .
On objectera - sans doute à juste titre - que le geste de Benoît XVI lui-même ouvrait cette possibilité.
Je regrette personnellement que François ait choisi, pour la deuxième fois, la banalité informelle d'une interviewe à la presse (prenant donc ainsi l'opinion à témoin) pour trancher une question théologique aussi grave, qui engage l'essence même d'une institution vieille de deux mille ans. Il me semble que sur ce point, c'est à Dieu qu'il doit des comptes, dans l'intimité de sa conscience, pas aux fidèles... et encore moins à l'opinion à travers le filtre des médias!

- Quelle est votre relation avec Benoît XVI?

«Nous nous voyons. Avant de partir, je suis allé le voir. Il y a deux semaines, il m'a envoyé un écrit intéressant, il me demandait une opinion. Nous avons une relation normale. Peut-être que mon idée ne plaît pas à quelque théologien, je ne suis pas un théologien, mais je pense que le pape émérite n'est pas une exception. Il a dit, j'ai vieilli, je n'ai plus la force, et le sien a été tout simplement un beau geste, de noblesse, d'humilité et de courage. Il y a 70 ans, les évêques émérites aussi étaient une exception, ils n'existaient pas, aujourd'hui, ils sont une institution. Je pense que Pape émérite est déjà une institution, parce que notre vie s'allonge et à un certain âge, il n'y a pas la capacité à bien gouverner, parce que le corps se fatigue ... la santé est peut-être bonne, mais il n'y a pas la capacité de porter tous les problèmes pour le gouvernement de l'Eglise. Le Pape Benoît XVI a fait ce choix. Il se peut que certains théologiens me disent que c'est pas bien, mais moi, je pense comme cela. Les siècles diront si c'est le cas. Et si je sentais que je ne pouvais pas continuer? Je ferais la même chose que Benoît. Je prierais, mais je ferais la même chose: il a ouvert une porte qui est institutionnelle, pas exceptionnelle. J'ai déjà dit que c'est comme avoir son grand-père à la maison, pour la sagesse. Ça me fait du bien de l'entendre. Et aussi, il m'encourage assez».

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