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Le Pape jésuite

Une très intéressante interview de Jean-Yves Grenet, Provincial de France de la Compagnie de Jésus depuis 2009, dans Le Monde du 12 mars 2014. Selon lui, sa condition de jésuite fait vraiment partie de l'ADN du Pape Bergoglio, et c'est une clé pour comprendre sa façon de guider l'Eglise (12/10/2014).
(Merci à Marie-Christine)

>>> Ci:contre: François et le général des jésuites, le Père Nicolas

     

A voir la photo du Père Grenet, difficile d'imaginer que c'est un religieux de haut rang... mais je suis de la vieille école, et là n'est pas le propos.
Quoique....
Il est interrogé ici par Stéphanie Le Bars, la spécialiste du Vatican de la Pravda (www.lemonde.fr/societe/article/2014/03/12/jean-yves-grenet-francois-un-pape-ruse-qui-rend-l-eglise-catholique-plus-aimable).

Extrait

Q: Premier pape de l'histoire issu de la Compagnie de Jésus, François se comporte-t-il en « jésuite » depuis son élection le 13 mars 2013 ?

R: D'abord, même s'il a reconnu avoir eu des relations parfois difficiles avec des membres de la Compagnie dans sa jeunesse, François ne s'en cache pas ; il est jésuite ! L'un des premiers gestes qui m'a frappé dans ce registre est celui qu'il a eu lors du jeudi saint : il a lavé les pieds de détenus qui, contrairement à la tradition, n'étaient pas tous des hommes et qui n'étaient pas tous des catholiques .
Cela fait écho à l'invitation incessante que le pape lance à l'Eglise de « sortir » d'elle-même et rappelle que le but n'est pas de remplir les murs mais de les faire tomber. L'une des traditions de la Compagnie de Jésus est précisément d'aller aux « frontières », au contact des hommes, quelles que soient leur situation et leurs convictions religieuses. Si un jésuite ne fait pas cela, il rate une bonne partie de sa mission.
L'insistance du pape sur la « miséricorde », sur le fait que Dieu vient pour relever plus que pour condamner, correspond aussi au début de nos « exercices spirituels ».
Nous nous retrouvons aussi dans un terme qu'il emploie souvent : « cheminer ». Cela signifie que l'homme doit toujours se mettre en route, ne pas s'installer. Cela relève de la pédagogie jésuite, où l'on demande à l'élève de toujours faire un pas de plus. La question n'est pas de répéter les mêmes choses en permanence : nos gestes, nos paroles doivent être porteurs de liberté, autre caractéristique de l'enseignement jésuite et de la manière d'agir de ce pape.
« Humilité, pauvreté » appartiennent normalement au vocabulaire traditionnel de toute vie religieuse.


Q: Qu'en est-il de ses méthodes de management ?

R: Sa méthode de gouvernement s'inspire clairement de nos pratiques.
Le conseil des huit cardinaux qu'il a nommé pour travailler sur la réforme de la curie s'apparente à notre « consulte », ce groupe de compagnons privilégiés dont est entouré un provincial pour prendre des décisions, après des discussions libres.
De même, sa décision d'envoyer un questionnaire sur les évolutions de la famille aux catholiques du monde avant la tenue d'un synode montre sa volonté de prendre le pouls de l'Eglise, de donner aux chrétiens un lieu pour exposer leurs positions, y compris divergentes, sans attendre des réponses toutes faites.
C'est une tradition jésuite de parler de toutes les situations, même les plus difficiles, sans autocensure ou sans être toujours dans le « moralement correct ». Dans les années 1970, une grande enquête a été menée au sein de la Compagnie de Jésus. Les anciens s'en souviennent comme d'un grand moment d'expression… mais pointent aussi le scepticisme face aux résultats concrets de telles consultations.

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