Les leçons de management de François

Un article de l'Express recense un livre à paraître (en anglais!) "Lead with humility: 12 Leadership Lessons from Pope Francis" (2/9/2014)

Je précise pour ceux qui m'accuseraient de "déformer François": il n'est pas responsable de ce que les médias écrivent sur lui.... mais il ne fait rien pour les décourager.

Luisa me signale un article de l'Express, le 1er septembre, à la rubrique Management (!!) sous le titre LES 4 SECRETS DU LEADERSHIP DU PAPE FRANÇOIS.

L'hebdomadaire (les qualificatifs ne manqueraient pas, je vais me limiter, par charité, à noter qu'en le feuilletant, on se demande si c'est un journal, ou un catalogue de produits de luxe pour gauche-caviar) annonce la parution prochaine d'un livre en anglais «Lead with humility: 12 Leadership Lessons from Pope Francis», d'un certain Jeffrey Kanes, présenté comme «expert en management». Ces douze leçons sont censées, à partir de l'exemple du pape, fournir aux managers des moyens d'optimiser leur entreprise.
Le Pape réduit à une sorte de super manager, c'est évidemment une caricature, mais c'est de la part de ce dernier un risque qu'il ne doit pas ignorer.
Entre parenthèses, c'est fou le nombre d'experts autoproclamés que les médias, tels des magiciens, tirent quotidiennement de leur chapeau pour nous guider, nous formater, nous fliquer, nous recadrer, et finalement faire de nous les cibles d'une immense entreprise de désinformation destinée à modeler l'homme tel qu'ils voudraient qu'il soit (il est fort possible que cela soit à l'insu de la plupart des auteurs des articles). Heureusement qu'il y a des résistants.
Mais passons....

L'auteur de cet article a pour sa part retenu quatre des douze leçons, pimentées des pires lieux communs.
Je cite:

1. Cultiver son humilité: [Le pape] ne rate aucune occasion de montrer que l'on n'est jamais trop humble
(ndlr: Cette obsession affichée de l'humilité n'est-elle pas l'exact contraire de la vraie humilité, qui ne s'ehibe pas, mais s'efface?)
2. S'immerger dans son "troupeau": Il pense que le dialogue avec les fidèles peut seul lui permettre de comprendre leurs attentes.
(Comme il y a plus d'un milliard de catholiques, il y a du boulot!)
3. S'entourer, mais sans "béni-oui-oui"
(C'est vrai qu'autour de Benoît XVI, il n'y avait que cela!)
4. Tendre les bras au-delà de ses clients.

On me pardonnera de reproduire ce paragraphe in extenso. Il est tellement caricatural qu'à défaut de l'avoir sous les yeux, le lecteur qui, par paresse, n'irait pas vérifier sur le site de l'Express, risquerait de ne pas me croire!!

Le pape envoie des signaux d'ouverture aux divorcés, aux homosexuels ou aux athées? "Votre objectif dans le monde des affaires doit être le même. Vous devez tendre les bras vers les outsiders - ceux qui ne sont pas encore vos clients - pour avoir du succès", écrit Jeffrey Krames. L'auteur va jusqu'à juger que le pape a "augmenté la 'part de marché'" de l'Eglise grâce à cette stratégie: 20% de hausse de fréquentation des messes britanniques huit mois après son élection, jusqu'à 85 000 fidèles place Saint-Pierre pour ses homélies contre 5000 pour Benoît XVI... La démarche peut passer par des supports modernes, comme Twitter. Le défi consiste à ne pas perdre son noyau dur de fidèles en visant de nouvelles recrues.

Les chiffres annoncés sont faux, archi faux: il n'y a JAMAIS eu 5000 pélerins aux homélies (??? l'auteur ne sait manifestement pas de qiuoi elle parle) de Benoît XVI - sinon peut-être deux ou trois fois en été à Castelgandolfo - mais de grandes foules, qui surprenaient jusqu'à ceux qui au début du Pontificat prévoyaient une chute drastique des chiffres. D'ailleurs, Raffaella soulignait presque chaque semaine à quel point, sous Benoît XVI, les rapports d'affluence, se basant sur les billets délivrés par la Maison pontificale, étaient sous-estimées.
Les 85 mille fans hebdomadaires de François seraient eux aussi à vérifier aujourd'hui, mais, comme disait quelqu'un qui m'est proche «quand on a la bouche ouverte, autant les sortir grosses!!!».
Quant à la hausse de fréquentation des messes, c'est probablement un mensonge pur et simple, une inversion des faits. Nous en avons parlé (en ce qui concerne l'Allemagne)... et nous en reparlerons!

Je laisse le mot de la fin à Luisa:

Ces gens se sont fait une idée du Pape, ils ont repris les clichés qui font de lui un "superpapa", un pape superstar, et l`humilité affichée en est un; ils n`approfondissent pas, ils ne vérifient pas, et même s`ils le font, et constatent combien la vérité est autre et plus nuancée, ils ne le diront pas car ça n`arrange pas leurs affaires!