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Les néo-papistes de l'Express

Ils ont interviewé Andrea Riccardi, lequel dit tout le mal qu'il pense de Benoît XVI... et tout le bien qu'il attend de son successeur (16/8/2014)

>>> Article ici: www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/la-force-du-pape-francois-c-est-le-peuple

     

L'Express, qui n'a jamais caché son hostilité à Benoît XVI, se découvre très papiste sous François.
L'hebdomadaire a choisi le 15 août, jour de l'Assomption, mais aussi du départ du pape en Corée du sud, pour publier une interviewe d'Andrea Riccardi, fondateur de Sant'Egidio et ex-ministre du gouvernement Monti. Il en a été plusieurs fois question dans ces pages. En particulier, en mars dernier, il accordait une interviewe à Andrea Tornielli.
Vatican Insider lui consacrait un autre article le 15 juin, à l'occasion de la visite du Pape François à Sant'Egidio, lui donnant l'occasion de rencontrer 120 sans-abris qui occupaient alors la basilique pontificale de Ste Marie Majeure.

Sandro Magister, qui ne le porte pas dans son coeur, lui a également consacré plusieurs articles (cf "Focus mouvements catholiques", rubrique "Sant'Egidio"), dont le plus ancien, remonte à avril 98 (disponible en italien, et en anglais) et sous le titre «Sant'Egidio story. Il grande bluff» dresse un portrait pour le moins ... surprenant des pratiques du mouvement né à la fin des années 60 et des moeurs ... très libres de ses membres.

Pour l'Express, Andrea Riccardi ne tarit pas d'éloge pour le nouveau pape: il compte parmi ceux qui pensent que le 13 mars 2013, on est passé de l'ombre à la lumière... ou du moins veut-il le faire croire.
L'article annonce en titre:

Qu'on ne s'y trompe pas.
Le titre peut paraîre sensationnel, et donc caricatural.
Mais ces mots pourraient cacher une stratégie, s'il arrivait que le Pape prenne des décisions contredisant l'opinion de la majorité des évêques, par exemple à l'occasion du prochain Synode sur la famille. S'il tient sa légitimité du peuple (et pas de Dieu, encore moins de la hiérarchie de l'Eglise), qui osera s'opposer à lui, puisque s'opposer à lui ce sera s'opposer à l'opinion, ou si l'on veut, au "peuple"?
Par ailleurs, Riccardi se souvient-il de quel type d'hommes on a pu dire dans le passé qu'ils tenaient leur légitimité du peuple?

* * *

Extraits (L'Express)

François, c'est vrai, est une bonne "surprise" après les années moroses qui ont marqué le pontificat de Benoît XVI.
...
[Son] approche est l'inverse de celle de l'idéologie du déclin, qui conduit l'Eglise à montrer un visage guerrier et à se retrancher derrière des principes et des valeurs "non négociables", présentés comme des tables de la loi marquant la frontière entre les croyants et les non-croyants égarés. François fait tomber les murs de l'appartenance avec sa trompette de Jéricho, en disant à ceux qui ne croient pas : "Vous êtes notre peuple, même si vous ne croyez pas ou croyez ne pas croire."
...
Dans le monde anglo-saxon, son rayonnement est particulièrement fort (ndr: nous ne devons pas fréquenter les mêmes sites!!).
Un journaliste américain (même remarque) connu m'a dit : "Il est devenu notre nouveau Mandela." (espérons qu'il ne fera pas de l'Eglise ce que Mandela a fait de l'Afrique du Sud...)
Il a conquis l'Allemagne, qui avait tourné le dos à Benoît XVI (les chiffres donnent tort à Riccardi: cf. Qu'en est-il de l'effet François?). Chez vous, en France, il fait même mieux que Jean-Paul II, qui disposait de relais, comme Jean-Marie Lustiger. François soulève l'enthousiasme par lui-même. Il n'est pas soumis aux médias, ce sont les médias qui vont vers lui.
...
Sous Benoît XVI, la diplomatie vaticane était en crise et manquait d'audace. Avec François, elle repart, comme l'a montré la nomination de Pietro Parolin, diplomate aguerri, à la tête de la secrétairerie d'Etat.
...
Etc...

Bref, on l'aura compris, Benoît XVI avait tout faux; pour lui (et pour l'Express, qui s'y connaît!!) c'était une catastrophe pour l'Eglise, et l'arrivée de François est une bénédiction.

L'article contient également un passage curieux, où deux phrases successives se contredisent l'une l'autre:

Les cardinaux électeurs ont pensé que ce pape âgé et pieux, bon gestionnaire de diocèse et de surcroît jésuite à une époque où les jésuites ne font plus peur, ferait un bon pape de transition. Bergoglio, de son côté, a été habile en ne parlant pas de sa candidature avant le conclave. Moi qui l'ai vu à la veille de ces journées si particulières, je peux vous assurer qu'il ne désirait pas être pape.

Il faudrait savoir: s'il a été habile, cela implique qu'il a astucieusement manoeuvré pour être élu? Ce qui contredit l'affirmation qu'il ne désirait pas être pape.

Le site Rorate Caeli a lu l'article de l'Express, et en a tiré une réflexion dont j'ai traduit les passages qui me semblent les plus significatifs. Disons que l'auteur est lucide, mais soucieux de dédouaner le pape. Et il souligne, en passant, la noire ingratitude de Riccardi...

Rorate Caeli

La force du Pape vient-elle de Dieu, ou du "peuple"?
LES PROGRESSISTES FONT UN PAPE À LEUR IMAGE
16/8/2014
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Le fondateur ultra «progressiste» de la communauté interreligieuse de Sant'Egidio, et également ancien ministre (non élu ...) du gouvernement italien, Andrea Riccardi, est l'un de ces idéologues qui n'ont jamais reçu un vote dans leur vie, mais pensent qu'ils peuvent le mieux décrire ce que «le peuple» veut.
Dans une interview à l'hebdomadaire français L'Express publié ce vendredi, il atteint les sommets du populisme «progressiste». Selon lui, la force du Pape ne vient pas de Dieu, mais du «peuple».

- Sur quels alliés ce pape argentin peut-il compter?
- Sa force, c'est le peuple. Selon moi, il a passé une alliance, non pas avec la hiérarchie de l'Eglise, mais avec les fidèles, auxquels il donne des orientations, sans pour autant décréter : "Vous devez procéder comme ceci ou comme cela." Il fait appel à la liberté et à la responsabilité des chrétiens, qui viennent d'ailleurs en masse place Saint-Pierre pour le voir.

Il faut d'abord préciser que cela n'a jamais été dit par le pape, qui n'a pas été élu par le «peuple», mais par une structure de l'Église très restreinte et exclusive - populisme révolutionnaire, voilà ce que les «progressistes» veulent du pape, un pape à leur propre image.
(...)
Mais cela a toujours été la quintessence de la pensée révolutionnaire: créer un peuple qui est d'accord avec eux, eux qui sont l'«avant-garde», et manipuler ce peuple «révolutionnarisé», le séparant de l'ordre établi par Dieu pour son Église.

Ce qui est encore plus pénible, c'est que ce Riccardi, et les nombreux cercles «progressistes» qu'il représente avec ses mots, proclament le contraire absolu de ce que dit Notre Seigneur Jésus-Christ dit lui-même:
«Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous, car c'est ainsi qu'agissaient leurs pères à l'égard des faux prophètes!»(Lc 6:26)
(...)
Une autre remarque: il est assez impressionnant, et tout à fait typique du modus operandi «progressiste», que Riccardi rejette pratiquement Benoît XVI comme un lépreux: «l'Eglise en Allemagne», dit-il, par exemple, «lui a tourné le dos». Ce qui peut être vrai (eh non! pas forcément! mais les influents relais médiatiques de Riccardi se sont donnés beaucoup de mal pour en répandre la rumeur) - mais il n'y a absolument aucun signe que cette situation se soit améliorée en 2013 , malgré l'impact de l'élection, et les paroles et les actes du pape François, commencés dès son premier trimestre.

Portant, il convient de le rappeler, Benoît XVI a fait tout ce que Riccardi et Sant'Egidio ont demandé de lui. Il n'a manqué aucun meeting, aucun repas (1).
Et, surtout, il s'est même mis dans une position intenable, compte tenu de sa critique bien connue de certains aspects d'Assise I, en faisant tout ce que Riccardi et Sant'Egidio lui ont demandé à la troisième rencontre interreligieuse d'Assise, en 2011, une production Riccardi, du début à la fin (2).
C'est ainsi que les progressistes de l'Eglise paient les faveurs que leur a faites Papa Ratzinger ! Les «progressistes» de la Curie l'ont abandonné aux lions (vous vous souvenez de Ratisbonne, et comment le pape a été abandonné alors?), les «progressistes» de la Curie et du monde l'ont mis en échec, en dépit de son acceptation sereine de toutes leurs requêtes. A présent, il est un paria. Comme un avertissement, et pas le premier dans l'histoire.

Notes

(1) On se souvient par exemple de la visite de Benoît XVI à la maison de retraite de Sant'Egidio, au Janicule, en novembre 2012, avec Riccardi en courtisan paradant aux côtés du pape (benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/visite-a-la-maison-de-retraite-de-santegidio).
Rappelons aussi que le "parrain spirituel" de Sant'Egidio n'est autre que Mgr Paglia, ex-évêqe de Terni (où un commissaire apostolique a dû être envoyé après son départ pour mettre de l'ordre dans un bilan financier désastreux, apuré ultérieurement aux frais de l'IOR), nommé en 2012 par Benoît XVI président du Conseil Pontifical pour la famille, où il s'est signalé par des déclarations pour le moins intempestives.

(2) Assise III (dossier ici: http://benoit-et-moi.fr/2011-III) avait fait l'objet d'innombrables polémiques par anticipation, et il est certain que le saint-Père avait subi de nombreuses pressions..
Le 11 octobre 2011, deux semaines avant la fameuse journée, Jean Madiran écrivait dans Présent:

A l’approche de cet événement, il convient sans doute de (re)lire le fragment d’une lettre privée de Benoît XVI au pasteur luthérien Peter Beyerhaus qui a été son collègue à Tübingen et qui est resté son ami :

« Je comprends très bien votre préoccupation concernant ma participation à la rencontre d’Assise. Mais cette commémoration doit être célébrée de toute façon et, après tout, il m’a semblé que le mieux était d’y aller personnellement pour pouvoir essayer de cette manière d’en déterminer le sens. Cependant je ferai tout pour que soit impossible une interprétation syncrétique de l’événement et pour qu’il reste assuré que toujours je croirai et confesserai ce que j’avais rappelé à l’attention de l’Eglise dans la déclaration Dominus Jesus. »

L’existence de cette lettre et une partie de son contenu étaient publiquement connues en substance depuis le mois d’avril. Le fragment cité a paru un peu partout depuis le début d’octobre, en des traductions françaises littéralement diverses mais concordantes.
C’est un texte au premier abord surprenant. Il n’a fait l’objet d’aucun démenti.
Il en ressort que ce n’est pas Benoît XVI qui a pris l’initiative de cette commémoration et qu’il a probablement hésité à y participer.
Il en ressort aussi que Benoît XVI y va pour essayer d’en contrôler la signification. Il n’est pas sûr d’avance que ce sera possible. Du moins, sa conviction personnelle demeure, et demeurera toujours telle qu’il l’a professée dans Dominus Jesus : c’est-à-dire que seule l’Eglise détient les paroles et les sacrements du salut.

Cette indiscrétion du destinataire de la lettre, on peut la supposer provoquée par l’expéditeur.
(...) Le Saint-Siège subit d’énormes pressions intérieures et extérieures, dont l’installation est assez incrustée pour pouvoir exercer le chantage de grabuges majeurs, et obtenir ainsi que l’on y « cède souvent ». On aperçoit l’existence d’un lobby fort puissant dans l’Eglise et dans le monde, diffusant partout les mêmes revendications, tantôt l’une tantôt l’autre ou les quatre ensemble : fin du célibat des prêtres, ordination des femmes, mariage homosexuel, élection populaire des évêques. Cette menace permanente d’une révolte ouverte pourrait bien être l’explication principale d’hésitations, d’incohérences, de ratages et même de sabotages non surmontés dans le gouvernement de l’Eglise. Quand on a le lourd privilège d’avoir attentivement vécu l’histoire religieuse des quatre-vingts dernières années, on n’en a pas la preuve, on en a l’évidence. Le roc inentamable de l’Eglise demeure toutefois dans la parole de Dieu et la pratique des sacrements, sous la lumière du Magistère quand il n’omet pas d’être clairement ce qu’il est.

Cet échange entre le pape et le théologien protestant est également évoqué par Sandro Magister: http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1349995?fr=y

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