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L'évêque de Passau répond à celui d'Anvers

... et au Cardinal Kasper. L'argumentaire de Mgr Stefen Oster, sur sa page Facebook. Traduction complète (20/9/2014)

>>> Cf. Des visites pour le Pape émérite
>>> Ci-contre: Mgr Oster à Mater Ecclesiae, le 15 septembre dernier.

     

Début septembre, Mgr Johan Bonny, l'évêque d'Anvers, présenté comme un proche du cardinal Kasper, dont il fut le collaborateur au Conseil Pontifical pour l'unité des chrétiens, a publié en vue du prochain Synode un argumentaire détaillé, traduit en plusieurs langues, dans lequel il se déclare en faveur d'une évolution du magistère. J'ai trouvé le texte en français ici (je crois qu'il vaut la peine d'être lu).

Dans l'atmosphère de tension et d'échauffement des esprits qui règne actuellement, le document a atteint une audience qui dépasse largement la notoriété du prélat belge (que peu de gens connaissaient avant, même si on parle de lui pour succéder à Mgr Léonard à Bruxelles).

Sandro Magister y faisait allusion dans son article du 8 septembre 2014, intitulé COMMUNION AUX REMARIÉS. LE OUI "IN PECTORE" DE FRANÇOIS [cf. Quand Kasper renverse les rôles (II)].

Stefen Oster, le nouvel évêque de Passau (diocèse de Bavière dont fait partie la "géographie" de la famille Ratzinger: Marktl, Traustein, etc...) a publié sur Facebook, le 14 septembre, une réponse à son confrère belge, que Marie-Anne a eu la gentillesse de traduire pour moi (original en allemand: www.facebook.com/pages/Bischof-Stefan-Oster).

Le nom de Mgr Oster m'a immédiatement alertée: simple hasard, ou petit signe de la providence, deux jours plus tôt, j'avais trouvé l'information qu'il venait d'être reçu par le Pape émérite à Mater Ecclesiae, et j'avais même publié deux photos... qui témoignaient de la grande cordialité de la rencontre. Bien entendu, c'était la première fois que j'entendais parler de lui.
L'évêque de Passau a publié la photo de la rencontre le 17 septembre sur sa page FB, accompagné de ce commentaire:
Jours mémorables, à Rome! Avec la plus belle, avant-hier (donc le 15) ma première rencontre avec le pape émérite Benoît XVI. Quel homme humble, sage et sincère! Bien sûr, je suis très heureux du fait qu'il soit né dans le diocèse de Passau....
Nous avons déjeuné ensemble, et l'archevêque Gänswein était là. Pour demain, j'ai déjà très hâte de rencontrer les 130 nouveaux évêques avec le Pape François.

     

La lettre de Mgr Oster

L'auteur des lignes qui suivent est l'évêque de Passau Stefan Oster (49 ans) qui vient de participer à Rome aux journées d'études des évêques nouvellement ordonnés. A cette occasion il a pu rendre visite aussi à Benoît XVI pour lui parler du diocèse de Passau.
(Marie-Anne)

* * *

Chers amis de Facebook, encore un grand bonjour de Rome, où on a beaucoup discuté ces jours-ci autour d'un texte que l'évêque d'Anvers, J. Bony a publié en vue du prochain synode d'octobre.
Je tiens d'abord à remercier Mgr Bonny qui énumère les sujets discutés, en mettant le doigt sur quelques blessures ouvertes. En le lisant on sent qu'il est proche des gens.
J'apprécie beaucoup le ton employé. L'argumentation est claire, circonspecte et prudente.
Et aussi empreinte de respect pour ceux qui penseraient autrement.
Personnellement je ne partage pas son avis lorsqu'il parle de « doctrine, conscience, droit naturel, sensus fidei et poids de l'institution » - tout en me disant que ses arguments correspondent sans aucun doute à l'attente du temps actuel.
Cela veut dire qu’il nous faut lutter pour la vérité, pour un juste chemin de l'Église, où ensemble avec le pape François on pourrait donner un visage plein de miséricorde de l'Église envers les hommes.
Prendre ce texte au sérieux nous aidera à nous écouter mutuellement en précisant nos points de vue respectifs, à approfondir notre analyse pour trouver ensemble un jugement plus pertinent.
Pour le moment je ne peux pas répondre au même niveau. Mais je partage quelques réflexions à ce sujet:
A mon avis, Mgr Bonny s'occupe essentiellement du problème de la loi en général et de son application à des cas concrets.
Cela a toujours été ainsi, quand il s'agissait des lois. Les lois générales n'ont jamais pu répondre à tous les cas particuliers.
Il faut toujours un jugement spécial cas par cas.
C'est bien le point de vue de Mgr Bonny lorsqu'il s'agit d'examiner la position de l'Eglise concernant le mariage et la famille, surtout dans une société devenue complexe comme la nôtre qui ne veut plus entendre parler ni de loi ni de doctrine.
De là, sa tendance à adopter un allègement de la loi générale au profit de l'application pratique aux différents cas qui se présentent.

Par exemple lorsqu'il parle de conscience et de loi naturelle : en théorie il admet une réalité objective, mais en pratique il pense juste et bon ce qui correspond à une situation concrète de la vie ! Bien sûr, il dit cela de façon nuancée, mais au fond, c'est ce qu'on appelle subjectivisme qui me paraît bien être son point de vue.

Son argumentation est étayée par une lecture de l'évangile où Jésus se met à chaque fois du côté du sujet, du cas particulier, face à une loi abstraite.
Apparemment cela correspond à une tendance générale de l'évangile : Jésus face aux pharisiens, face à l'arbitraire d'une loi, qui perdrait de vue l'homme en tant que tel. Avec cela, Mgr Bonny semble se mettre du bon côté, mais à mon avis, il oublie quelque chose de décisif.

Quel est ce décisif dans la bouche de Jésus ? C’est le premier mot de l'évangile selon Saint Marc : Les temps sont accomplis. Le Royaume de Dieu est proche, convertissez-vous et croyez à l'évangile. (Marc 1,15)

Jésus en sa personne est la plénitude des temps et le Royaume de Dieu en personne.
C'est dans sa proximité que réside la nouveauté, le salut.
Les hommes qu'il rencontre sont constamment invités dans cette proximité, son chemin à travers le temps est jalonné de miracles, de guérisons, de bienfaits pour les hommes. En ce sens il est près des arguments de l'évêque d'Anvers.
Mais en même temps Jésus signifie toujours clairement que du don de sa proximité découle aussi une exigence: On ne peut pas se laisser toucher et guérir par lui, voire demeurer en sa présence, sans l'exigence de la conversion.
On ne peut pas demeurer dans son Amour infini sous son regard, sans relever le défi de sa véracité, sa majesté, sa sainteté, son insondable profondeur.
Oui, c'est bien ainsi: tant qu'on relate de belles histoires sur le royaume où il multiplie les pains pour tout le monde, toute la foule le suit. Mais dès qu'il se fait plus précisément connaître tel qu'Il est, et ce dont il s'agit en réalité - pour décider de Le suivre, en donnant sa vie pour Lui - de plus en plus nombreux seront ceux qui le quitteront, voire presque tous, lorsqu'il s'agira de sa fin insupportable sur une Croix où il demeure pratiquement seul.
A ceux qui voudraient dire qu’ils ne veulent pas Le suivre jusqu'à la Croix, mais être là lors de sa Résurrection et à la Pentecôte à ceux-là je voudrais répondre : Oui, c'est justement la résurrection et l'envoi de l'Esprit qui ont fait comprendre aux disciples l'événement dans sa réalité.
Les mêmes disciples qui avaient fait preuve de lâcheté lors de la crucifixion et se sont enfuis, grâce à la force transformante de Son Esprit reviendront après la Pentecôte pour témoigner devant le monde entier de leur foi par leur vie.

Cela veut dire par rapport à notre question ceci : On ne peut dissocier la grandeur de cet Amour de sa vérité profonde, on ne peut demeurer chez Lui sans entrer dans un processus de transformation, en se laissant remodeler par Lui. Ce message s'adresse aux hommes qui veulent et peuvent correspondre aux exigences de Dieu. Jésus ramène à la sainteté du Père l'humanité égarée, et nous demande clairement de nous laisser renouveler par les Béatitudes, pour devenir des hommes au cœur pur, pour pouvoir nous tenir en présence de Son Père.

Le problème de l'argumentation de Mgr Bonny et de tant d'autres consiste en ceci : On oublie que la Loi est plus qu'une simple loi. Jésus a expliqué à partir de l'Ancien Testament que c'est Dieu lui-même qui est l'auteur de la loi. Jésus ne prend pas le parti des personnes individuellement par rapport à une loi qui serait abstraite, mais Il est la personne de la réconciliation de la vérité avec l'amour, de la justice avec la miséricorde, de la sainteté qui sépare avec la proximité radicale vis à vis des hommes. Il ne se laisse pas abuser lorsqu'on veut l'opposer à la Loi. En sa personne, Il est la loi dans sa profondeur, la nouvelle loi ; en ce sens qu'il fait dont d'un amour inconditionnel et sans mérite, et cela à l'égard de tous et chacun. Et c'est vrai aussi qu'il se tourne personnellement vers chacun en particulier. Mais il ne sépare jamais son attitude envers chacun de l'invitation à donner une réponse à Son Amour qui est la réalité même. Car c'est un Amour qui ne devrait jamais être séparé de la splendeur de la vérité. Et Il nous invite à marcher sur ce chemin de la sainteté de l'amour, de ce renouveau, pour que nous puissions reconnaître par la force de sa grâce la lumière infinie de la vérité et de l'amour de son Père comme la véritable source de la Loi ; qui est en même temps l'origine de notre conscience et aussi celle de la loi naturelle qui lui correspond.

Autrement dit : Tout ce qui est contraire au salut, tout ce qui sépare de Dieu est venu dans le monde par la désobéissance envers Lui. Le chemin qui ramène au Père passe toujours par l'obéissance d'amour dans, avec et par le Christ.
Il ne sert donc à rien de continuer à énumérer tous les passages de l'évangile qui vont aider l'Eglise en carence de Foi, à infléchir le Seigneur Jésus pour qu'il ne fasse jamais mal à personne, dans aucune situation, même dans celle que l'Ecriture nomme explicitement comme situation de péché.

Oui, Jésus aime le pécheur, mais lui et son Père haïssent les vices ! Et il ne sert à rien non plus d'omettre ou de passer sous silence tous les passages où Jésus nous invite à dire un Oui décisif pour Lui et dans lesquels Il nous invite à la fidélité envers Lui ; ou encore ceux dans lesquels il se manifeste comme notre Juge. Oui, Jésus nous cherche là où nous sommes, mais Il ne veut pas nous laisser là où nous en sommes ! Il nous aime comme nous sommes, mais Il ne veut pas que nous restions comme nous sommes.

Pour le dire simplement : c'est le baptême qui est le sacrement d'initiation de notre appartenance à Lui, à Son Eglise, et l'Eucharistie signifie que nous sommes prêts aussi à nous tenir avec Lui au pied de la Croix, et elle nous donne la force pour cela.

Il est bon de démontrer que le chemin de Jésus vers les hommes entraîne une nouvelle compréhension plus personnelle, plus subjective de la loi; mais le chemin de la sainteté reste toujours objectif, puisqu'il conduit jusqu'à la proximité du Père. A mon avis, il y a une carence théologique lorsqu'on veut parler en évitant la subjectivité. Nous avons assez entendu parler de cela. Il serait bon d'aujourd'hui de mettre l'accent sur l'objectivité du retour vers le Père comme chemin de sainteté.

Nous oublions tout simplement que la Révélation de Jésus plein de miséricorde n'a pas aboli la loi mais Il nous a plutôt démontré qu'il y a derrière un Auteur de la loi qui nous aime avec une profondeur insondable. Et c'est pour cela qu'Il nous a fait preuve de quelque sévérité en donnant la loi, pour que nous apprenions à répondre à la grandeur de cet Amour ; comme un bon Père, qui doit pendant un certain temps être sévère avec ses enfants. Mais il n'en reste pas moins que Dieu veut nous sauver, nous tous ! Mais la rédemption ne s'accomplit pas toute seule, comme dit l'Ecriture, elle a besoin de notre conversion.

Et j'ai beau chercher, je ne trouve dans le texte très documenté de Mgr Bonny aucune trace, aucune mention de la conversion.



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