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Mort d'un journaliste catholique

Un titre-provoc', pour saluer le courage de James Foley le journaliste américain décapité par les djihadistes. Et un témoignage bouleversant sur la force de la prière (20/8/2014)

     

L'a-t-il été parce qu'il est américain, ou parce qu'il est chrétien (et n'en faisait pas mystère) et que ses ravisseurs le savaient? Dans le contexte actuel, la question n'est pas si absurde, même si personne ne la pose.
Didier François, l'ex-otage en Syrie libéré en avril dernier, interviewé ce matin sur Europe ,1 révèle qu'il a partagé sa cellule. Leurs geôliers avaient l'habitude de mette en scène sur eux de macabres simulacres d'exécutions, et avec James Foley, ils avaient, raconte-t-il, simulé une crucifixion...

Je sais que le titre de cet article fait un peu provoc', mais c'est voulu, en un temps où il est de mauvais ton de dire que les victmes de la terreur sont des chrétiens:

Enlevé en 2012, alors qu'il couvrait la guerre en Syrie pour différents médias, dont l'AFP, les médias menteurs avaient accusé Bachar Al Hassad, bien entendu sans l'once d'une preuve. On attend leurs excuses. Sans y croire, évidemment.
Il avait déjà été enlevé en 2010, en Lybie, puis libéré. On trouvera ici un aperçu de son parcours récent: www.20minutes.fr/monde/1430291-20140820-james-foley-journaliste-americain-presume-decapite

L'info circule dans la blogosphère catholique - francophone, anglophone, italienne. Je l'ai trouvée sur le Salon Beige (ici et ici)
Un lien conduit au site de l'Université Marquette (1), dans le Wisconsin, où il s'est diplômé. On y trouve le témoignage que j'ai traduit ci-dessous: une lettre envoyée par James Foley à ses ex-condisciples.

Je trouve particulièrement beau et significatif que le martyre du jeune journaliste rassemble des gens qui ces jours-ci (allez savoir pourquoi!) passaient leur temps à se critiquer mutuellement.

James Foley: la force de la prière

Une lettre de James Foley à Marquette.
http://www.marquette.edu
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L'Université Marquette a toujours été pour moi une amie. Le genre qui vous met au défi d'en faire plus, d'être meilleur et, finalement, façonne ce que vous devenez.

Avec Marquette, j'ai fait plusieurs voyages comme bénévole au Dakota du Sud et au Mississippi et j'ai appris que j'étais un enfant protégé dans un monde qui a de vrais problèmes. J'ai connu des jeunes qui voulaient donner leur cœur pour les autres. Plus tard, j'ai fait du bénévolat dans une école secondaire de Milwaukeeet cela m'inspira l'envie de devenir un professeur de centre-ville (je suppose par opposition à l'université?). Mais Marquette n'a peut-être jamais été un aussi grand ami pour moi que quand j'ai été emprisonné comme journaliste.

Moi et mes deux collègues avions été capturés et nous étions gardés dans un centre de détention militaire de Tripoli. Chaque jour augmentait l'inquiètude sur le fait que nos mamans commençaient à paniquer. Ma collègue, Claire, devait appeler sa mère pour son anniversaire, qui tombait le lendemain de notre capture. Je n'avais pas encore pleinement admis que ma mère savait ce qui s'était passé. Mais je n'arrêtais pas de dire à Claire que ma mère avait une foi forte.

J'ai prié pour qu'elle sache que j'étais OK. J'ai prié pour que je puisse communiquer avec elle à travers quelque force cosmique de l'univers .

J'ai commencé à réciter le chapelet. C'était ce que ma mère et ma grand-mère auraient prié. J'ai dit 10 Je vous salue Marie entre chaque Notre Père. Il a fallu du temps, presque une heure à compter 100 cent Je vous salue Marie sur mes doigts. Et cela m'aidait à garder mon esprit concentré.

Claire et moi avons prié ensemble à haute voix. C'était énergisant pour parler de nos faiblesses et de nos espoirs ensemble, comme dans une conversation avec Dieu, plutôt qu'en silence et seuls.

Plus tard, on nous a emmenés dans une autre prison où le régime gardaient des centaines de prisonniers politiques. J'ai très vite été accueilli par les autres prisonniers et bien traité.

Une nuit, à 18 jours de captivité, des gardiens m'ont fait sortir de la cellule. Dans la salle, j'ai vu Manu, un autre collègue, pour la première fois en une semaine. Nous étions hagards mais fous de joie de nous voir. A l'étage, dans le bureau du directeur, se tenait un homme distingué, en costume, qui a dit: «Nous pensions vous pourriez appeler vos familles».

J'ai dit une prière finale et composé le numéro. Maman a répondu au téléphone. «Maman, maman, c'est moi, Jim»

«Jimmy, où es-tu?»

«Je suis toujours en Libye, maman. Je suis désolé de cela. tellement désolé».

«Ne sois pas désolé, Jim," a-t-elle plaidé. "Oh, papa vient de partir. Oh ... Il veut aussi te parler. Comment vas-tu, Jim? »
Je lui ai dit que j'étais nourri, que j'avais le meilleur lit et que j'étais traité comme un invité.

«Te forcent-ils à dire ces choses, Jim?»

«Non, les Libyens sont de belles personnes» lui ai-je dit. «J'ai prié pour que tu saches que je suis OK... N'as-tu pas senti mes prières?»

«Oh, Jimmy, tant de gens prient pour toi. Tous tes amis, Donnie, Michael Joyce, Dan Hanrahan, Suree, Tom Durkin, Sarah Fang ont appelé. Ton frère Michael t'aime tellement». Elle a commencé à pleurer. «L'ambassade de Turquie essaie de te voir, et aussi Human Rights Watch. Est-ce que tu les as vus?». Je lui ai dit que non.

«Ils ont une veillée de prière pour toi à Marquette. Ne sens-tu pas nos prières?», a-t-elle demandé.

«Si, maman, je les sens» et j'y ai pensé pendant une seconde. Peut-être que ce sont les prières des autres qui me renforcent, me maintiennent à flot.

Le fonctionnaire a fait un signe. J'ai commencé à dire au revoir. Maman a commencé à pleurer. «Maman, je suis fort. Je vais bien. Je devrais être à la maison pour l'obtention du diplôme de Katie», qui était dans un mois.

«Nous t'aimons, Jim!», a-t-elle dit. Puis j'ai raccroché.

J'ai repassé l'appel des centaines de fois dans ma tête - la voix de ma mère, les noms de mes amis, sa connaissance de notre situation, sa croyance absolue dans le pouvoir de la prière. Elle m'a dit mes amis s'étaient réunis pour faire tout ce qu'ils pouvaient pour aider. Je savais que je n'étais pas seul.

Ma dernière nuit à Tripoli, j'ai eu ma première connexion Internet en 44 jours et j'ai pu écouter un discours que Tom Durkin a prononcé pour moi à la veillée à Marquette. A une église pleine d'amis, de prêtres, d'étudiants et de professeurs, j'ai vu le meilleur discours qu'un frère pourrait prononcer pour un autre. C'était à la fois le meilleur discours d'un homme et un éloge. Il montrait un coeur énorme et c'était juste un aperçu des efforts et des prières que les gens déversaient. A elle seule, la prière était le ciment qui a permis ma liberté, une liberté intérieure d'abord et plus tard, le miracle d'être libéré lors d'une guerre dans laquelle le régime n'avait pas de réelle incitation à nous libérer.
Cela n'a pas de sens, mais la foi l'a fait.

* * *

(1) L'université Marquette est une université catholique, fondée par les Jésuites en 1881 et située à Milwaukee, Wisconsin.

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