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Retour sur la repentance du Pape à Caserte

Quand l'histoire est réécrite avec un faux. Antonio Mastino a mené l'enquête. (2/8/2014)

Voir aussi:
¤ Le Pape s'adresse à ses "frères" pentecôtistes
¤ Repentance

Si les faits rapportés ici ne sont pas exacts, qu'on en apporte des preuves.

Et imaginons ce qui se serait passé si Benoît XVI avait fait une "erreur" de ce type: les médias et les intellectuels athées de tout poil ne l'auraient pas raté.
Ici, curieusement, silence radio de la part des journalistes italiens, pourtant attaqués directement dans leur (très hypothétique, c'est vrai) sentiment d'appartenance à leur patrie. Et dans le cas des journalistes catholiques, dans leur double appartenance!

     

REMARQUE PRÉLIMINAIRE (et mise à jour)
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Avant d'aborder le sujet proprement dit, une petite mise au point, et mise à jour.
Les propos de François, commençant son discours par une longue référence aux chrétiens en marche et aux chrétiens à l'arrêt, ont souvent semblé énigmatiques à ceux qui les ont lus (à commencer par moi) au point que certains ont cherché à leur donner une interprétation qui ne rentraient sans doute pas dans les intentions du Pape.
En réalité, il faut comprendre que François répondait au discours de son ami pentecôtiste, lequel évoquait brièvement dans son propre discours "le chemin d'unité entre les églises" (en italien ici).
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de chercher plus loin, malgré l'imprécision des propos improvisés: le pape voulait simplement parler de la marche vers l'unité, et des chrétiens qui sont à l'arrêt, ou qui tournent en rond, c'est-à-dire qui freinent cette marche.
La question demeure: qui sont-ils, ces chrétiens?

     

LE CANULAR DE CASERTE. LE PAPE DEMANDE PARDON POUR LE «RACISME» FASCISTE
Antonio Mastino
www.qelsi.it/2014/la-bufala-di-caserta-il-papa-chiede-perdono-per-il-razzismo-fascista (1)
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Lundi (28 juillet), nous sommes tombés des nues - quand le pape François s'est répandu en demandes de «pardon» au leader de la dénimination protestante de Caserte, son ami Giovanni Traettino: pour les lois raciales fascistes - soutenait le pontife argentin - qui, nous l'apprenons pour la première fois, auraient discriminé les quelques centaines de chrétiens évangéliques vivant en Italie.

Des rumeurs de couloirs disent que c'est Traettino lui-même qui, par un coup de téléphone, avait mis la puce à l'oreille du Pape, et lui avait fourni un élément historiographique plutôt fragile à l'appui de son argumentaire victimiste et, cela va de soi, anti-fasciste.

Nous sommes tombés des nues parce que nous n'avions jamais entendu parler de ces événements, et on ne savait pas bien pour quoi et à quel titre le Pape demandait «pardon» à cet ex-membre du PCI (à ce qu'on dit) né apparemment catholique.
Le Pape a justifié sa requête en disant que, parmi ceux qui ont signé les lois raciales et dénoncé des personnes, il y avait aussi quelques catholiques. Et bien sûr, l'Italie étant constitué à 99% de catholiques, des catholiques parfois simplement nominaux, parfois pas même croyants.

C'est comme accuser l'Eglise orthodoxe des crimes communistes parce beaucoup de dirigeants soviétiques étaient nés et avaient été baptisés orthodoxes (??), et que Staline était un séminariste. Comme accuser les Quakers de la guerre du Vietnam, parce que le président Nixon était Quaker. Comme accuser les catholiques d'être co-responsables de leur propre massacre et de la déportation du pape Pie VI parce que tous les représentants de la Révolution française et Napoléon lui-même étaient nés catholiques.

La logique, nous le savons désormais, n'est pas l'élément principal de ce pontificat. L'histoire non plus, apparemment.

Un blog a essayé de reconstruire cette histoire fascisme-pentecôtiste dans les années 30 (voir ICI).
J'y lis, entre autres choses:

1. Les Pentecôtistes ont fait référence à une dure persécution contre eux par le régime fasciste, [selon eux] de matrice clairement raciste. En 1935, bien avant les lois raciales de 1938, en raison de facteurs tels que l'isolement économique dû aux sanctions imposées par la Société des Nations, qui a conduit à Mussolini à s'allier avec le régime nazi.
Voyons ce que dit le tome 5 de l'ouvrage de Renzo de Felice sur le fascisme, «L'État totalitaire»
¤ Page 312: «Mussolini n'a jamais été raciste ni antisémite»
¤ Page 313: «Parvenu au pouvoir, le racisme et l'antisémitisme étaient vus par lui depuis des années toujours en termes politiques, et condamné». Selon De Felice, Mussolini écrivait à Hitler, en 1933: «Chaque système a non seulement le droit mais le devoir d'éliminer des postes de commandement les éléments qui ne sont pas totalement fiables, mais pour cela, il n'est pas nécessaire, il pourrait même être dommageable de porter sur le terrain de la race - sémitisme et arianisme - ce qui est au contraire une simple mesure de défense et de développement de la révolution» . Les premières manifestations d'antisémitisme remontent en Italie à avril 1937.

2. Selon la définition du mot, limiter une religion, un culte, une secte, ne constitue pas du racisme, même si c'est un fait grave.
3. La circulaire à laquelle les pentecôtistes se réfèrent émanerait d'Arturo Bocchini, alors chef de la police, et elle est seulement contresignée par Buffarini Guidi en tant que ministre de l'Intérieur ...

4. La circulaire fait partie d'un plan global pour lutter contre les ennemis du régime, mis en place par Bocchini, avec la volonté d'affirmer la primauté du droit, après la guerre civile italienne (1919-1924).

5. Le décret royal 289 de 1930 établissait la liberté de culte public là où existait un temple autorisé de confession non catholique; mais l'autorisation d'ouverture devait être demandée par un Ministre du Culte reconnu par le ministère de l'Intérieur, et accordée uniquement aux besoins religieux réels d'un nombre suffisant de fidèles, jouissant des moyens nécessaires. Souvent, les Pentecôtistes n'avaient pas ces titres, mais le réglement visait également à combattre d'éventuelles sociétés secrètes. C'est pourquoi les cérémonies dans des maisons privées furent interdites. Toutes les cérémonies religieuses privées étaient considérées comme publiques et nécessitaient l'autorisation de la Sécurité publique. Ce que, très souvent, les diverses confessions ne demandaient pas, suscitant l'intérêt des autorités de la police

6. Toutes les religions protestantes, pas seulement les pentecôtistes, étaient alors considérées avec suspicion en raison de leurs liens étroits avec le monde anglo-saxon. Qui, avec l'aide de la franc-maçonnerie visaient depuis des siècles à renverser le catholicisme.

7. Les pentecôtistes, divisés et fragmentés à leur tour en dizaines d'églises, sont souvent marginalisés aussi par les Réformée, à la fois pour l'enthousiasme excessif à la limite l'endoctrinement, et pour la croyance en la glossolalie(cf. Massimo Introvigne: La rencontre "secrète" du Pape François à Caserta) et la xénoglossie, et d'autres dons surnaturels des fidèles reçus directement du Saint-Esprit.

8. Glossolalie et xénoglassie sont souvent considérées par beaucoup de Confessions comme des manifestations du Malin.

* * *

Mais à part ce pinaillage historiographique, que nous devons objectivement reconnaître comme raisonnable, il y a un autre détail, un beau gros détail, qui ne tourne pas rond. Tant le pape que Traettino se réfèrent, pour soutenir leurs théories, d'autoflagellation pour le premier, de victimisme pour le second, à un document sorti à l'improviste. À savoir: la circulaire Buffarini-Guidi (photo ci-dessous).

Observant attentivement le document, nous tressaillons, en proie à un terrible soupçon, le soupçon que le pape se soit servi d'un canular pour discréditer publiquement «certains catholiques» , et entrer dans les bonnes grâces de la dénomination protestante de Traettino.

La soi-disant «circulaire de Buffarini Guidi», en effet, brandie par les pentecôtistes pour exiger des excuses de l'Eglise catholique, est un faux historique retentissant. Ce serait amusant d'en chercher l'original dans les Archives centrales du ministère de l'Intérieur. Parce que cette circulaire est avant tout dépourvue du sceau de l'Etat, d'un timbre, d'une signature, et surtout de l'indication du régime fasciste, obligatoire en vertu de la circulaire du 25 Décembre 1926, sous peine de nullité de l'acte. La police de caractère utilisée provient manifestement d'un ordinateur...
Si on veut falsifier l'histoire, qu'au moins on s'adresse à un bon faussaire, à quel pentecôtiste napolitain. Et ce bon Argentin venu de la fin du monde, il est tombé dedans avec les deux pieds. Ou du moins, nous le croyons.

Note

CENSURE?
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Curieusement (samedi, 18h), la page a été effacée du site de Quelsi - un journal en ligne auquel Mastino collabore (On peut toutefois trouver ici la version en cache de Google).
Cela n'enlève rien à sa valeur de document, il suffit pour s'en convaincre de se référer au lien indiqué dans l'article de Mastino vers le site Non porgiamo l' altra guancia qui a publié pas moins de trois articles très documentés entre le 27 juillet et le 1er août.


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