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Saint Nicolas II Romanov, le tsar martyr

En ce 96e anniversaire du massacre d'Ekaterinbourg, un hommage au dernier tsar, canonisé par l'Eglise orthodoxe russe (17/7/2014)

Le 17 juillet 1918, la famille impériale russe était massacrée par les bolchéviques, ouvrant dans l'immense Empire aux portes de l'Europe une longue nuit de plus de 70 ans, dont nous n'avons pas encore liquidé l'héritage désastreux.
La figure du Tsar Nicolas II m'a toujours inspiré une grande affection et de la vénération, en particulier à cause de l'étonnante similitude de son destin avec celui du Roi Louis XVI.
Dans le site que j'ai consacré à ce dernier il y a une bonne quinzaine d'années (beatriceweb.eu/LEROI), j'écrivais:

La mémoire de Louis XVI n'appartient qu'à lui, et, deux siècles après sa mort, elle devrait être exonérée de toute arrière-pensée politique. Mais cela reste difficile: Louis XVI n'est pas politiquement correct. Contrairement à la Russie, qui a solenellement rendu hommage au Tsar Nicolas II et à sa famille, assassinés par les bolchéviques, notre République n'est pas encore prête à se réconcilier avec ce passé-la (ce serait pourtant une preuve de maturité politique) et la "repentance" tellement à l'ordre du jour en ce moment, semble encore bien loin...

Non seulement la repentance est loin, mais la situation a empiré à un point que je n'imaginais pas alors.

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Voici un article publié en cet anniversaire sur la Bussola, pour rétablir la vérité historique sur le dernier Tsar, une vérité totalement renversée par 70 ans de propagande communiste, et qui commence tout doucement à se faire jour

     

SAINT NICOLAS II ROMANOV, LE TSAR MARTYR LE PLUS CALOMNIÉ
Stefano Magni
17/07/2014
www.lanuovabq.it
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Nicholas Romanov II fut le dernier tsar de toutes les Russies; aujord'hui, les Eglises orientales célébrent son jour: le 15 Août, 2000, il a en effet été canonisé par l'Eglise orthodoxe russe du, Patriarcat de Moscou, après un débat serré qui a duré huit ans.
Le dernier tsar n'a pas été canonisé seul, mais en même temps que toute sa famille, plus de 1000 martyrs du régime soviétique et 56 martyrs chrétiens du seizième siècle.
Aujourd'hui, nous célébrons, pour être précis, le jour des Saints Martyrs de la famille impériale Romanov.
Avec Nicolas, le 17 Juillet 1918 ont été fusillés son épouse Alexandra, leurs filles Olga, Tatiana, Maria, Anastasia, le Prince héritier Alexei, le médecin et trois fidèles serviteurs. En 1981, lors d'une première célébration anticipée "clandestine" de l'Eglise orthodoxe russe en exil à New York, toutes les victimes du massacre avaient été canonisées, y compris le médecin et les serviteurs. En 2000, l'Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou, en revanche, canonisa seulement les membres de la famille impériale.

La canonisation de groupe a une signification religieuse et politique précise.
Nicolas II, même 96 ans après sa mort, reste une figure controversée en Russie. L'Eglise russe, une fois libéré du communisme en 1993, demanda au peuple de prier pour expier le crime de régicide, tout en soulignant que cette prière était exempte de toute arrière-pensée politique ou opinion sur le règne de Nicolas II.
En 1997, l'exhortation à la prière fut réitérée, mais le Patriarcat de Moscou rejeta la proposition de canonisation, bien que le dernier tsar fût déjà en train de devenir un objet de dévotion populaire et que ses icônes fûssent déjà très répandue en Russie. Le culte se renforça ultérieurement lorsque le président Eltsine, le premier de la Russie post-communiste, décida de ramener les restes de la famille impériale à Saint-Pétersbourg. Encore une fois, il s'agissait d'une décision politique pour en finir avec le passé communiste, mais pas religieuse: l'Eglise orthodoxe évita de faire des commentaires. La sépulture à Saint-Pétersbourg, cependant, contribua grandement à diffuser, de manière spontanée, le culte populaire de Nicolas II, dont l'icône était désormais l'une des plus répandues dans le pays.
La fin des années 90 fut une période de crise et de vide politique: l'économie faisait faillite, les gouvernements duraient à peine deux ou trois mois, le Président Eltsine faisait surtout parler de lui pour les absences soudaines, la maladie, l'inclinaison à la boisson.
Les Russes avaient besoin d'une icône, le tsar remplissait, au moins spirituellement, ce vide. Cependant, il était encore difficile de surmonter ce travail de soixante-dix ans de diabolisation du tsar, assidûment pratiquée par l'historiographie marxiste officielle. C'est ainsi que le Patriarcat de Moscou procéda à la canonisation, mais seulement pour le martyre de Nicolas et de sa famille, pour la dignité et la foi démontrées en captivité et dans les dernières heures, pour leur attachement aux valeurs chrétiennes. Tout le passé antérieur à 1918, donc, l'action politique de Nicolas, ne fut même pas pris en considération.

Les générations plus âgées et nostalgiques de l'URSS (non seulement en Russie, mais aussi en Italie) voient encore le dernier monarque russe comme un souverain corrompu, craintif, à la merci d'une femme réactionnaire et d'un moine fou (Raspoutine), responsable de la «guerre impérialiste», un défenseur d'un système féodal désormais croulant. Ce sont des clichés qui ont la vie dure, diffusés par quatre générations de livres d'histoire, par la culture populaire, par les films soviétiques d'Eisenstein imposés dans les cercles cinématographiques. «Le communisme a été dur? Toujours mieux que les tsars qui étaient là avant», se défendent habituellement les irréductibles de la faucille et du marteau.
Mais ce sont des clichés, justement.
Un contemporain de Nicolas II, Winston Churchill, dans ses mémoires sur la Première Guerre mondiale (The World Crisis),invitait les lecteurs à juger Nicolas II sur son oeuvre et ses résultats. Au-delà des rumeurs sur sa lâcheté et sa corruption, il en émerge au contraire la figure d'un courageux commandant en chef, capable de tenir tête pendant trois ans aux Allemands et aux Austro-Hongrois, malgré l'isolement géographique et malgré l'infériorité technologique (par rapport à ses puissants ennemis), dont souffrait alors la Russie. Churchill, qui était loin d'être un réactionnaire, jugea la révolution et le coup d'État bolchevique successif comme un véritable coup de poignard dans le dos, de la part des Russes progressistes contre leur souverain.

Les données économiques sur la Russie d'avant 1914 ne montrent rien d'un pays sous-développé : cinquième puissance industrielle du monde, l'économie ayant la plus forte croissance en Europe, une place de choix dans la recherche scientifique, dans l'art (l'ère de Tolstoï dans la littérature et de Stravinsky dans la musique). Nicolas II, après la désastreuse guerre avec le Japon (qu'il ne voulait pas et n'a pas provoqué) et la première révolution de 1905, concéda la réunion d'un parlement (Douma), avec partis politiques légaux en concurrence les uns avec les autres, liberté d'expression et une réforme agraire complexe, fondée sur la propriété individuelle, qui commença à faire émerger toute une classe de paysans propriétaires (les «koulaks»).

Un autre mythe à dissiper: l'agriculture russe n'avait jamais été féodale, mais communautaire. Le terrain appartenait à la communauté des paysans et était partagée entre leurs enfants. Le problème qui se présentait au début du XXe siècle et auquel on avait cherché à remédier par la réforme des koulaks, était tout au plus, le manque de terres: des cultures extensives et un territoire fertile colonisé relativement faible (par rapport aux territoires immenses de l'Empire) faisaient que de plus en plus de paysans se retrouvaient sans terre. Non pas parce qu'ils en avaient été dépossédés, mais parce qu'ils n'avaient jamais été en mesure d'en avoir à eux. La diffusion de la petite propriété, et par conséquent des cultures intensives aurait probablement résolu le problème au fil des ans. Malheureusement, la Première Guerre mondiale intervint pour arrêter brutalement ce processus de transformation.

En 1914, contrairement à la vulgate historique marxiste, on ne peut pas affirmer que Nicolas II avait «voulu» la Première Guerre mondiale . La principale preuve? L'armée et la marine russe étaient très mal préparées pour combattre une guerre moderne. Une fois éclaté le conflit entre l'Autriche (soutenue par l'Allemagne) et la Serbie, une guerre à la frontière européenne avec les Puissances Centrales ne serait qu'une question de temps. L'Etat-Major russe était pleinement conscient des intentions allemandes: l'émergence d'une vaste zone tampon en Europe orientale, au détriment de la Russie. La mobilisation générale décrétée la fin de Juillet, fut pratiquement un acte obligé.

En outre, il convient de redimensionner fortement l'influence politique de Raspoutine, membre d'une secte de flagellants (ce n'était pas un moine) qui semblait doté de remarquables dons de thaumaturge. Nicolas II aurait fait n'importe quoi pour sauver son fils, hémophile, et il décida de le confier aux soins de Raspoutine auquel sa femme Alexandra accordait une confiance aveugle. Toutefois, il n'existe aucune preuve de l'influence politique de Raspoutine sur la Cour, sur le tsar ou plus sur l'Etat-Major russe pendant la guerre. La légende noire de l'influence pernicieuse du «moine fou» et de ses conspirations avec les ennemis, émergea dans les milieux militaires après les défaites désastreuses entre mai et Août 1915, afin de trouver un bouc émissaire commode. En fait, la véritable conspiration était déjà en cours en Suisse. Elle n'avait pas à sa tête Raspoutine, mais Lénine, le plus extrémiste des leader socialistes. Mais personne n'en sut rien jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Au cours de la Première Guerre mondiale, le tsar ne se montra disponible à aucune réforme démocratique, et cette fermeture conduisit finalement à la révolution de Février 1917 et à l'effondrement de la monarchie. Les années précédentes avaient montré qu'il ne s'agissait pas d'une position idéologique de sa part: d'autres réformes très radicales et profondes, avaient déjà été accordées au cours de son règne. À partir de 1915, cependant, l'Empire russe s'est retrouvé avec un cinquième de son territoire (et un tiers de son potentiel industriel) occupé par les Allemands. Tout manquement sur le plan politique, pouvait donc apparaître comme un symptôme de faiblesse. Ce fut dans ces conditions que le conflit politique entre le tsar et la Douma est s'envenima jusqu'au déclenchement de la révolution.

Les lieux communs, malheureusement, ont beaucoup de mal à mourir, même si aujourd'hui ils pourraient être facilement réfutés un par un. La suppression de la mémoire impériale, en particulier en Russie, s'est répandu par capillarité. La Première Guerre mondiale est un conflit resté sans cimetières, tous détruits par la volonté de Lénine et de Staline: ce n'est que cette année, à l'occasion du centenaire que seront célébrés ceux qui sont tombés en 1914-1918. Nicolas II est à présent dans les mémoires comme un martyr du communisme.
Le jour viendra-t-il de sa réévaluation politique?

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