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Un livre pour banaliser le pape

"François l'argentin". Où il est dit qu'à Buenos Aires, J.M. Bergoglio donnait la communion aux divorcés (4/7/2014, mise à jour le 9/7)

Un "type comme tout le monde"

A l'occasion du premier anniversaire de l'élection du Pape François, le journaliste suisse Arnaud Bédat a écrit un livre de commande, intitulé "François l'Argentin". Sous titre: "Le Pape intime raconté par ses proches". Le livre aurait pu être écrit par Caroline Pigozzi, elle même auteur d'un "Jean-Paul II intime"!
L'auteur s'est rendu sur place pour "enquêter", et il en a ramené une succession d'anecdotes et de témoignages d'intérêt varié, dont il émerge un portrait certes sympathique mais bien loin de la dignité qui siérait à un "prince de l'Eglise" (eh oui!), et surtout à un futur Pape.
Le Parisien parle de "livre le plus iconoclaste jamais écrit sur un souverain pontife. Je préfère en effet garder sous silence certains passages...

L'auteur a même reçu l'imprimatur de Drucker: passant à son émission 'Vivement dimanche' le 16 mars dernier, il a déclaré: «C'est le personnage du Pape qui m'a intéressé (1), parce que c'est un type comme tout le monde. François, c'est le pape de la rue: un personnage détonnant, désarmant et profondément humain» .
Justement: à force de vouloir rendre Jorge Mario Bergoglio proche des gens, "humain" (comme si ses prédécesseurs ne l'étaient pas!), d'en faire un homme "normal", avec une famile "normale", on désacralise, et même on banalise sa figure: mais n'est-ce pas le but recherché?

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Parmi ces anecdotes, l'une a fait l'objet d'un message sur le Forum Catholique:
"A Buenos Aires, J.M. Bergoglio donne la communion aux divorcés".
Voici en effet ce que j'ai lu à la page 59:

Marie-Elena (la soeur du Pape) s'est mariée à l'église Salvador de Buenos Aires en 1974. C'est évidemment son frère qui présidait la cérémonie religieuse, et c'est aussi lui, bien entendu, qui baptisa ses deux garçons Jorge et José Ignacio. Mais Maria Elena a divorcé. A ce moment, Jorge Mario ne lui fit aucune remarque désobligeante: "Il a bien accepté la situation", assure-t-elle, pas peu fière aujourd'hui de s'appeler Bergoglio. "Même mariée, j'ai toujours gardé mon nom de jeune fille. Moi, je n'appartiens à personne, je n'aime pas l'idée d'appartenir à un autre" (2).
C'est ce genre d'expérience vécue de près, sans nul doute, qui ouvrit aussi le futur pape à cette problématique, lui qui n'exclut désormais plus d'assouplir les règles: ne fut-il d'ailleurs pas le premier, en Argentine, comme archevêque, à accepter de donner la communion à des divorcés? (3)

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L'auteur ayant travaillé pour Paris-Match (selon la quatrième de couverture), son livre bénéficie aussi d'une page de présentation sur le site du journal du groupe Lagardère.
L'article se termine par une anecdote étonnante, qui est aussi la conclusion du livre:

Il y a quelques mois, il invita à Rome un évêque argentin. Le Pape voulait savoir l’heure de son arrivée. L’évêque sortit de l’aérogare et senti une main lui taper sur l’épaule. Il se retourna, reconnu son ami Jorge habillé en clergyman, incognito, suivi de son chauffeur. - Tu es fou ! lui dit l’évêque - Il faut bien que je m’aère un peu!

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Notes

(1) Il est clair que l'auteur, qui se déclare agnostique, ne nourrit pas de sympathie particulière pour la papauté, ni pour l'Eglise (un "milieu" qu'il semble d'ailleurs connaître assez peu)!
Voici quelques passages glanés au fil des pages:

¤ Page 106, témoignage d'Alicia Olivera, une avocate spécialisée dans les droits de l'homme et amie du Pape: "Vous verrez, les privilèges au Vatican vont voler en éclats. Et le premier qui va 'sauter', c'est le secrétaire d'Etat Bertone. A lui tout seul, celui-là, c'était presque une association de malfaiteurs".
Et le journaliste commente: "De fait, le 15 octobre 2013, l'intrigant prince de l'Eglise tourna en effet les talons misérablement, sous les sarcasmes et les rires des autres cardinaux qui le détestaient.

¤ Page 213, témoignage d'une autre amie du Pape, Clelia Luro de Podesta, la "veuve" d'un évêque rouge réduit à l'Etat laïc par l'Eglise: "Je pensais qu'il fallait que l'Eglise touche vraiment le fond avec quelqu'un comme Ratzinger que je n'aimais pas, avant d'élire un bon pape qui vienne enfin semer la bonne graine"

¤ Page 223: Après le pontificat plutôt terne de Benoît XVI, l'Eglise a mal à son image...

etc..

(2) Carlota me signale: En Espagne et d'une manière générale dans l'hispanité, la femme ne prend jamais le nom de son mari comme en France. L'usage veut que l'on désigne une femme par son prénom, suivi de son nom de jeune fille, puis éventuellemnt le nom du mari.
L'exemple le plus frappant est celui de l'actuelle présidente, Cristina Fernández de Kirchner
Donc, ce que le journaliste présente comme une preuve de liberté (dans quel but?) est tout simplement l'usage courant du pays.

(3) L'auteur ne précise pas s'il s'agit ou non de divorcés-remariés, ce qui entretient le flou. Le non-accès à la communuion ne s'applique pas aux "simples" divorcés, mais aux divorcés-remariés.

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