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Un séisme au Synode

Anna a traduit le compte-rendu d'un modéré, l'américain John Thavis qui, à propos de la relation à mi-parcours lue par le cardinal Erdö, n'hésite pas à parler de " pastoral earthquake at the synod"! (14/10/2014)

>>> De John Thavis: Synode: censure

>>> Ci-dessous: le cardinal Erdö, lisant la "relatio" sous le regard du pape (photo sur Radio Vatican)

Après Giuseppe Rusconi, voici le point de vue d'un autre "modéré".
Aucun des deux ne peut être soupçonné d'être un extrémiste ou un complotiste, ce qui rend leur témoignage particulièrement éclairant....

Merci à Anna, qui a fait ce travail énorme, en un temps record!

     

TREMBLEMENT DE TERRE PASTORAL AU SYNODE
(A pastoral earthquake at the synod)

Sur le plan pastoral, le document publié aujourd'hui représente un tremblement de terre, le "grand", celui qui frappe après des mois de petites secousses.
www.johnthavis.com)
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La relatio post disceptationem lue à haute voix dans la salle synodale, tout en défendant la doctrine fondamentale, appelle l'Eglise à renforcer les valeurs positive des unions que l'Eglise a toujours considérées comme "irrégulières", y compris les couples qui cohabitent, les deuxièmes mariages engagés sans annulations et même les unions homosexuelles.

En ce qui concerne les homosexuels, elle est allée jusqu'à se poser la question si l'Eglise doit accepter et reconnaître leur orientation sexuelle sans compromettre la doctrine catholique (voir en bas la MISE A JOUR concernant des clarifications provenant déjà de quelques participants au synode).

Tour en défendant l'enseignement traditionnel qui rejette le divorce et le mariage homosexuel le synode a dit que l'église moderne doit se focaliser davantage sur les éléments positifs de ces relations, plus que sur les failles, et ouvrir un dialogue patient et miséricordieux avec les personnes impliquées. Le but final, dit le document, est d'utiliser ces "graines" de bonté afin de ramener les gens plus pleinement dans l'église.

Il résume le défi pastoral de l'Eglise en ces termes:

" Il faut accueillir les personnes avec leur existence concrète, savoir soutenir leur recherche, encourager le désir de Dieu et la volonté de se sentir pleinement partie intégrante de l'Église même de ceux qui ont fait l'expérience de l'échec ou se trouvent dans les situations les plus disparates. Ceci exige que la doctrine de la foi, que l'on doit faire connaître toujours davantage dans ses contenus fondamentaux, soit proposée avec la miséricorde.." (press.vatican.va/content/salastampa/fr/bollettino/pubblico)

Le document reflète clairement l'intention de François d'adopter une approche pastorale plus miséricordieuse en matière de mariage et de famille. Il est sujet à révision pendant cette semaine, et sera utilisé dans sa forme finale comme une réflexion au niveau de l'Eglise toute entière, qui doit conduire à la deuxième session du synode en octobre 2015.

La relation met l'accent sur le "principe de la gradualité" - l'idée que les catholiques acceptent les enseignements de l'église par étapes, et que l'Eglise doit les accompagner avec patience et compréhension.
Il insiste sur l'ouverture prônée par le Concile Vatican II, qui amène [aujourd'hui] l'Eglise à reconnaître les éléments positifs même dans leur "forme imparfaite" en dehors du mariage sacramentel.

La relation affirme que "une nouvelle dimension de la pastorale de la famille consiste aujourd'hui à accepter la réalité des mariages civils et aussi de la cohabitation" lorsque l'union atteint une stabilité notable au travers d'un lien public, est marquée par une affection profonde, par la responsabilité vis-à-vis des enfants, par une capacité à résister dans les épreuves, elle peut être considérée comme un bourgeon à accompagner dans son développement vers le sacrement du mariage. " (ibid).

Il mentionne des situations de couples choisissant de vivre ensemble pour des raisons économiques et culturelles, ou ceux en Afrique qui parviennent au mariage traditionnel par "étapes" et affirme qu'en réponse l'Eglise doit toujours tenir ses "portes grand ouvertes".

"En de telles unions, il est possible de cueillir d'authentiques valeurs familiales ou au moins le souhait de les acquérir/d'y parvenir. L'accompagnement pastoral doit toujours partir de ces aspects positifs", est-il dit.

Face aux familles brisées, les couples qui sont séparés ou ont divorcé, la relatio affirme que l'Eglise doit éviter une approche du type "tout ou rien", et engager au contraire un dialogue patient avec ces familles dans un esprit de respect et amour.

A propos de la communion aux catholiques divorcés et remariés sans annulation, le document laisse la question ouverte à l'étude théologique ultérieure et à la réflexion de l'Eglise dans son ensemble, surtout en ce qui concerne les liens entre le sacrement du mariage et l'Eucharistie. Il prend note que quelques participants au synode sont contre l'admission des divorcés catholiques aux sacrements, alors que d'autres préconisent la Communion comme une possibilité, à la suite peut-être à un "parcours pénitentiel" conduit sous le guide de l'église.

Face aux catholiques divorcés et remariés, il affirme, l'Eglise doit éviter un langage discriminant. Pour l'Eglise, le fait tendre la main aux catholiques divorcés ne représente pas un "affaiblissement de sa foi" ou un affaiblissement de l'indissolubilité du mariage, mais plutôt un exercice de la charité.

La relatio mentionne aussi les nombreux appels dans le synode à accélérer et simplifier les procédures d'annulation, y inclus la possibilité d'une décision "administrative" de nullité faite par les évêques locaux sans besoin de passer par un tribunal. Le pape a déjà nommé une commission dans le but d'examiner ces possibilités.

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Dans une section au titre "Accueil aux homosexuels" la relatio, tout en refusant clairement le mariage homosexuel, affirme:
"Les homosexuels ont des dons et qualités à offrir à la communauté chrétienne. Sommes-nous capables de les accueillir, de leur garantir un espace fraternel dans nos communautés? Souvent ils souhaitent rencontrer une Eglise qui leur offre un accueil chaleureux (welcoming home). Est-ce que nos communautés sont capables de leur offrir cela, de les accepter et d’apprécier (mot anglais"value", cf. mise à jour) leurs orientations sexuelles, sans compromettre la doctrine catholique en matière de famille et de mariage?"

Sans nier les problèmes moraux liés aux unions homosexuelles - est-il affirmé - des cas ont été relevés dans lesquels l'aide mutuelle jusqu'au sacrifice représente un support précieux dans la vie des partenaires.

Naturellement, le synode encadre son ouverture aux unions irrégulières dans le contexte de l'évangélisation (le fait de conduire les gens vers l'Evangile) et dans aucune partie du texte il n’est suggéré que les enseignements fondamentaux de l'Eglise sont en discussion.

La première partie de la relatio présente en effet un diagnostic sévère des maux qui affligent la famille modernes, en particulier les dangers d'un "individualisme exaspéré" qui semble avoir remplacé la cohésion familiale. D'autres familles, y est-il dit, luttent avec des problèmes économiques, de violence et de troubles sociaux.

Face à ces problèmes et échecs, il est affirmé que l'Eglise doit entamer un processus de "conversion", pas seulement annoncer un ensemble de règles mais bien proposer des valeurs, reconnaître les opportunités d'évangélisation et aussi les limites culturelles.

En matière de contrôle des naissances la relatio du synode n'a pas grand’chose à dire de nouveau. L'ouverture à la vie est une partie essentielle de l'amour conjugal, et une lecture approfondie est proposée d'Humante Vitae, l'encyclique de 1968 condamnant la contraception, et promouvant la régulation des naissances par les méthodes de planning familial.

Ici comme ailleurs le texte affirme que l'Eglise doit utiliser un "langage réaliste" et écoutant d'abord les gens, les conduisant possiblement à reconnaître la "beauté et la vérité d'une ouverture inconditionnelle à la vie". Il ajoute, néanmoins, que l'Eglise doit aussi "respecter la dignité de la personne dans l'évaluation morale des méthodes de contrôle des naissances."

La relatio affirme qu'en prenant soin des "familles blessées", ce qui a résonné au synode est le besoin de "choix pastoraux courageux" ainsi que de nouveaux chemins pastoraux qui commencent avec la situation des couples ou familles souffrantes,
reconnaissant que, souvent, leur situation est plus subie que choisie librement.

Il appelle à une meilleure préparation au mariage pour les catholiques, et affirme que les programmes devraient impliquer la communauté de l'église dans sa totalité. L'Eglise doit aussi prévoir un accompagnement des couples dans les premières années de mariage, avec l'aide de couples expérimentés comme ressource.

Il invite en particulier les communautés catholique à travers le monde à continuer la discussion synodale et à offrir leurs perspectives, en vue de la session sur le même thème que aura lieu à Rome du 4 au 25 novembre 2015.

Mise à jour de John Thavis

La relatio a déjà occasionné quelques résistances.
Après sa présentation dans la salle synodale, 41 évêques se sont exprimés sur son contenu et plusieurs ont insisté pour avoir des clarifications sur des points spécifiques:

¤ quelques-uns ont demandé si, dans la section sur l'homosexualité, il ne devrait pas y avoir la mention de l'enseignement que "ces unions sont désordonnées", en référence à la phrase que l'Eglise utilise pour décrire les relations homosexuelles. Cette information vient du cardinal Peter Erdo, autorité première de la relatio, qui a parlé aux journalistes dans une conférence de presse au Vatican.
¤ Selon des sources, des évêques ont mis en doute l'analogie faite par la relatio entre le principe, exprimé dans le document de Vatican II Lumen Gentium, selon lequel on trouve des "éléments de sanctification et de vérité en dehors" de la structure visible de l'Eglise, et l’idée plus large que des éléments positifs peuvent être trouvés non seulement dans le mariage sacramentel mais aussi dans les union irrégulières.
¤ Au moins un évêque a demandé ce qui est arrivé au concept de péché. Le mot "péché" n'apparait que rarement dans la relatio de 5000 mots (ndt : trois fois en tout !).

A la conférence de presse le cardinal Louis Antonio Tagle des Philippines a souligné que le texte n'est pas la relation finale et a ajouté en souriant "Ainsi le drame (drama) continue".

UN PROBLEME DE TRADUCTION:
Quelques-uns ont soulevé des problèmes avec la version anglaise de la relatio (une traduction du texte italien initial a été publiée par la salle de presse du Vatican mais n'est pas "officielle") et son traitement de la question de l'homosexualité. Précisément, la ligne: "Est-ce que nos communautés sont capables de leur offrir cela (un accueil chaleureux aux homosexuels), de les accepter et respecter (
valuing) leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage?"

Le texte italien utilise le mot valutare qui peut signifier beaucoup de choses - évaluer, apprécier, examiner, priser ou juger. Les traducteurs anglais ont opté pour "valuing". Je pense que "appreciating" correspondrait aussi.
Compte tenu du contexte de la phrase ("accueillir-welcoming" et accepter-accepting"), je ne pense pas que traduire le mot par "evaluating" ou "judging" serait très logique. En tout cas la phrase a déjà causé quelques étincelles dans la salle synodale, et il sera intéressant de voir si elle survivra à la révision.

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