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Le cardinal Bertone parle de Benoît XVI (2)

Dans le numéro spécial de la revue "30 giorni" publié en mars 2007 à l'occasion du 80e anniversaire de Benoît XVI, l'hommage du cardinal Bertone (25/8/2014)

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Le cardinal Bertone parle de Benoît XVI

Cet hommage pourrait être un exercice formel, fait de propos convenus (parmi les multiples autres témoignages recueillis dans le magazine, je relève les noms des cardinaux Maradiaga, Poupard, Sodano...!).
Mais Tarcisio Bertone a travaillé de longues années avec Joseph Ratzinger à la CDF, il insiste beaucoup sur le sens de l'amitié "indéfectible" qui caractérise Benoît XVI (qui en a donné la preuve jusqu'au bout!) et le sien me semble aujourd'hui encore avoir le goût de la sincérité et du témoignage vécu.

     

L’amitié apprise à l’école de saint Augustin
cardinal Tarcisio Bertone sdb
http://www.30giorni.it
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Il est écrit dans la Bible que le temps des années de la vie de l’homme «font soixante-dix, quatre-vingts si la vigueur y est» (Psaume 89, 10).
Oui, le Saint-Père Benoît XVI porte très bien ses quatre-vingts ans, mais il compte parmi les “plus vigoureux” pour bien d’autres raisons.
Le Seigneur l’a en effet doté d’une “vigueur” intellectuelle et spirituelle vraiment exceptionnelle: il s’agit non seulement de sa vaste et profonde culture théologique, que tout le monde lui reconnaît, mais de son exquise gentillesse, qui n’a rien de formel et exprime une attention extraordinaire à chaque personne.
Il est impressionnant de voir comment le pape Benoît XVI échange avec chacun de ceux qu’il rencontre, même dans les audiences où se pressent les plus grandes foules, quelques mots non de circonstance, mais personnalisés.
Et encore: son sens de l’amitié qui, sincèrement, est pour lui sacrée. L’amitié avec Dieu, avant tout, et puis, ensuite, l’amitié humaine et fraternelle apprise à l’école de saint Augustin pour lequel l’amitié doit être cimentée «avec la charité de l’Esprit Saint, répandu dans nos cœurs» (Confessions IV, 4, 7).

J’ai de très beaux souvenirs de mon travail aux côtés du cardinal Ratzinger, les premiers remontant à l’époque où j’étais consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et donc aux années Quatre-vingt, avant encore que je ne devienne secrétaire de ce dicastère.
Je voudrais d’abord souligner la clarté et la noblesse du langage avec lesquelles il exposait la doctrine ainsi que son efficace capacité de persuasion.
Et puis son amitié indéfectible, une véritable force, au-delà de l’inconstance des hommes. Le cardinal Ratzinger avait l’habitude de dire qu’en tant que préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sa tâche était de défendre la foi des simples contre les doctrines ambiguës et erronées de ceux que l’on appelle les sages de ce monde.
Le 15 septembre 2006, Benoît XVI m’a appelé à collaborer avec lui comme secrétaire d’État. Deux certitudes m’ont donné du courage pour entreprendre cette tâche ardue: celle que je serais guidé par la Providence et celle que je pourrais compter sur la communion profonde avec le Saint-Père et sur sa franche confiance. Une communion qui corrobore l’engagement au service de l’Église et de la communauté internationale – et donc de la dignité humaine et de la coexistence pacifique entre les peuples – et qui se traduit en une collaboration loyale et fidèle, renforcée par l’esprit sacerdotal et la charité pastorale qui doivent toujours animer chacune de nos activités.
C’est donc bien volontiers que j’ai accepté l’invitation à apporter ma contribution à ce numéro de 30Jours, consacré au quatre-vingtième anniversaire du Saint-Père Benoît XVI. Elle me donne la possibilité d’exprimer ici aussi, à travers ces lignes, les profonds sentiments de gratitude que je nourris à son égard.
Benoît XVI unit en lui de façon admirable le rôle de Maître et celui de Pasteur. Ce double rôle s’enracine, en profondeur, dans la singulière harmonie avec laquelle, selon moi, se conjuguent dans son esprit Vérité et Amour, les deux inséparables “noms” de Dieu qui s’entrecroisent et s’éclairent réciproquement. Si cette union entre doctrine et charité pastorale est le propre de tout ministre ordonné de l’Église, elle brille avec plus de splendeur chez ces hommes de Dieu qui, par un don spécial de l’Esprit Saint, parviennent à opérer une synthèse robuste au niveau de la pensée, laquelle rayonne en conséquence sur le plan existentiel.

Vérité et Amour: à toutes les époques, l’humanité vit de ces deux réalités qui lui sont plus nécessaires que le pain. Mais les hommes et les femmes de notre temps en ressentent encore plus fortement le besoin. Ils semblent, à première vue – et ils le sont en effet superficiellement – distraits et dispersés en une profusion de “choses”, d’“actions”, d’entreprises pour “paraître”. Mais à qui regarde en profondeur il ne peut échapper que le monde de ce début de troisième millénaire non seulement a encore besoin de Vérité et d’Amour mais ressent la nécessité de leur unité.
C’est là, je crois, l’une des raisons pour lesquelles la Providence a choisi pour successeur de Pierre le cardinal Joseph Ratzinger: parce que celui-ci enseigne et, avant encore, témoigne par sa vie qu’il n’y a pas d’amour sans vérité et qu’il n’y a pas de vérité sans amour. Ce n’est pas un hasard si la première encyclique qu’il a écrite part précisément de ces mots qui constituent la synthèse de toute l’Écriture Sainte: «Deus caritas est – Dieu est amour» (1Jn 4, 8.16).

Il y a ensuite une autre clef qui permet une lecture complémentaire de la personnalité du Saint-Père et qui ne peut être négligée: le nom qu’il s’est choisi, Benoît. Qui, en effet, plus que saint Benoît de Norcia incarne cette synthèse entre contemplation et action, laquelle a donné une juste réponse à la grande crise du passage entre l’Empire romain et ce qui allait devenir l’Europe?
Aujourd’hui, nous sommes dans une autre longue période de transition historique. Celle-ci a culminé de façon tragique en Europe, au XXe siècle, et se dirige vers une fin encore mal définie, qui ne sera certainement pas eurocentrique mais bien plutôt globale. Le Seigneur se sert de nombre de ses humbles et fidèles serviteurs pour guider le sort des hommes selon son dessein de salut: il y a parmi eux des géants, comme les papes Jean XXIII, Paul VI et Jean Paul II, mais aussi des saints qui ont vécu dans une grande simplicité comme la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta, sainte Faustina Kowalska, saint Pio da Pietrelcina.
Viennent s’ajouter à eux d’innombrables “pierres vives”, inconnues des hommes mais bien connues de Dieu qui, solidement fondées sur le Christ, édifient l’humanité nouvelle.
C’est dans ce contexte qu’au timon de la barque de Pierre, après le pape Wojtyla qui l’a introduite dans le “vaste océan” du troisième millénaire, Dieu a appelé, le 19 avril 2005, Joseph Ratzinger, humble et courageux «serviteur de la vigne du Seigneur», comme il s’est défini lui-même aussitôt après son élection, doux et fort «coopérateur de la vérité», comme le dit sa devise épiscopale.
Nous souhaitons de tout cœur que les fruits de son pontificat soient vraiment abondants et nous prions pour cela, mais déjà nous en goûtons les prémices et nous en louons le Seigneur.


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