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Saint Bonaventure

Benoît XVI a consacré au docteur de l'Eglise, sujet de sa thèse d'habilitation à l'enseignement soutenue en 1955, trois catéchèses en mars 2010... et une splendide homélie lors de son voyage à Bagnoregio le 6 septembre 2009 (16/7/2014)

     

Hier était la fête liturgique de Saint Bonaventure.
Marie-Anne me rappelle les magnifiques catéchèses que lui a consacré Benoît XVI en mars 2010 dans la série des saints qui ont contribué par leur réflexion et leur témoignage au renouveau de l'Eglise.

Dans la première, le 3 mars 2010, et selon un plan que nous connaissons désormais bien, il offrait des éléments biographiques, avec son inimitable talent de conteur:

Aujourd'hui, je voudrais parler de saint Bonaventure de Bagnoregio.
Je vous avoue qu'en vous proposant ce thème, je ressens une certaine nostalgie, car je repense aux recherches que, jeune chercheur, j'ai conduites précisément sur cet auteur, qui m'est particulièrement cher. Sa connaissance a beaucoup influencé ma formation.
C'est avec une grande joie que je me suis rendu en pèlerinage, il y a quelques mois, sur son lieu de naissance, Bagnoregio, petite ville italienne dans le Latium, qui conserve avec vénération sa mémoire.
Né probablement aux alentours de 1217 et mort en 1274, il vécut au XIIIe siècle, à une époque où la foi chrétienne, profondément imprégnée dans la culture et dans la société de l'Europe, inspira des œuvres durables dans le domaine de la littérature, des arts visuels, de la philosophie et de la théologie. Parmi les grandes figures chrétiennes qui contribuèrent à la composition de cette harmonie entre foi et culture se distingue précisément Bonaventure, homme d'action et de contemplation, de profonde piété et de prudence dans le gouvernement.
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>>> A lire en entier ici.

La seconde, le 10 mars, aborde la controverse avec Jean de Flore.

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Comme je le disais déjà, saint Bonaventure a eu, entre autres mérites, celui d'interpréter de façon authentique et fidèle la figure de saint François d'Assise, qu'il a vénéré et étudié avec un grand amour.
De façon particulière, à l'époque de saint Bonaventure, un courant de Frères mineurs, dits "spirituels", soutenait qu'avec saint François avait été inaugurée une phase entièrement nouvelle de l'histoire, et que serait apparu l'"Evangile éternel", dont parle l'Apocalypse, qui remplaçait le Nouveau Testament.
Ce groupe affirmait que l'Eglise avait désormais épuisé son rôle historique, et était remplacée par une communauté charismatique d'hommes libres, guidés intérieurement par l'Esprit, c'est-à-dire les "Franciscains spirituels".
A la base des idées de ce groupe, il y avait les écrits d'un abbé cistercien, Joachim de Flore, mort en 1202. Dans ses œuvres, il affirmait l'existence d'un rythme trinitaire de l'histoire. Il considérait l'Ancien Testament comme l'ère du Père, suivie par le temps du Fils et le temps de l'Eglise.
Il fallait encore attendre la troisième ère, celle de l'Esprit Saint. Toute cette histoire devait être interprétée comme une histoire de progrès: de la sévérité de l'Ancien Testament à la liberté relative du temps du Fils, dans l'Eglise, jusqu'à la pleine liberté des Fils de Dieu au cours du temps de l'Esprit Saint, qui devait être également, enfin, le temps de la paix entre les hommes, de la réconciliation des peuples et des religions.
Joachim de Flore avait suscité l'espérance que le début du temps nouveau aurait dérivé d'un nouveau monachisme. Il est donc compréhensible qu'un groupe de franciscains pensait reconnaître chez saint François d'Assise l'initiateur du temps nouveau et dans son Ordre la communauté de la période nouvelle - la communauté du temps de l'Esprit Saint, qui laissait derrière elle l'Eglise hiérarchique, pour commencer la nouvelle Eglise de l'Esprit, qui n'était plus liée aux anciennes structures.
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>>> La suite ici.

La dernière, le 17 mars, étudie d'autres aspects de la théologie de Bonaventure, en particulier en relation avec Saint Thomas d'Aquin

Ce matin, en poursuivant la réflexion de mercredi dernier, je voudrais approfondir avec vous d'autres aspects de la doctrine de saint Bonaventure de Bagnoregio.
Il s'agit d'un éminent théologien, qui mérite d'être placé à côté d'un autre très grand penseur de son époque, saint Thomas d'Aquin.
Tous deux ont scruté les mystères de la Révélation, en mettant en valeur les ressources de la raison humaine, dans ce dialogue fécond entre foi et raison qui caractérise le Moyen-âge chrétien, en en faisant une époque de très grand dynamisme intellectuel, ainsi que de foi et de renouveau ecclésial, rarement mis en évidence.
(...)
>>> La suite ici.

Benoît XVI à Bagnoregio
6 septembre 2009

Benoît XVI accomplissait le 6 septembre 2009 sa 16e visite pastorale en Italie, dans la province du Latium (environs de Rome), à Viterbe, qui fut siège de la papauté au XIIIème siècle, et à Bagnoregio, ville natale de Saint-Bonaventure.
>>> Album photo ici: benoit-et-moi.fr/2009

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A Bagnoregio, devant la population, Benoît XVI prononçait un discours qui constitue une sorte de synthèse des catéchèses qu'il devait prononcer six mois plus tard.
Voici ma traduction d'alors:

Espérer c'est voler....

Giovanni Fidanza, qui devint ensuite Frère Bonaventure, unit son nom à celui de Bagnoregio dans la célèbre présentation qu'il fait de lui-même dans la Divine Comédie.
En disant : « "Io son la vita di Bonaventura da Bagnoregio, che ne' grandi offici sempre pospuosi la sinistra cura" » [ndt: Je suis l’âme de Bonaventure de Bagnoregio, qui, dans les grands offices, postposait toujours le soin gauche - càd mit toujours le soin des choses temporelles après celui des choses spirituelles: source]. (Dante, Paradis XII, 127-129), il souligne combien, dans les tâches importantes qu'il dut accomplir dans l'Église, il plaça toujours le soin des réalités temporelles la sinistra cura ») après le bien spirituel des âmes.
Ici, à Bagnoregio, il a passé son enfance et son adolescence ; il suivit ensuite saint François envers qui il nourrissait une gratitude spéciale parce que, comme il l'écrivit, lorsqu'il était enfant, il « l'avait arraché de la gueule de la mort» et il lui avait prédit une « Bonne chance » (Buona Ventura), comme vient de le rappeler votre maire. Avec le Poverello d'Assise il sut établir un lien profond et durable, tirant de lui inspiration ascétique et génie ecclésial. De votre illustre concitoyen, vous gardez jalousement l'insigne relique du « Saint Bras », vous maintenez la mémoire vivante et approfondissez la doctrine, spécialement à travers Centre d'Études Bonaventuriens fondé par Bonaventura Tecchi, qui chaque année promeut des séminaires d'études à lui dédiés.

Il n'est pas facile de synthétiser la vaste doctrine philosophique, théologique et mystique que nous a laissée Saint Bonaventure.
En cette Année Sacerdotale, je voudrais inviter spécialement les prêtres à se mettre à l'école de ce grand Docteur de l'Église pour en approfondir l'enseignement de sagesse enracinée dans le Christ.
Vers la sagesse, qui s'épanouit en sainteté, il oriente chaque étape de sa spéculation et de sa tension mystique, passant par des degrés allant de ce qu'il appelle « sagesse uniforme » concernant les principes fondamentaux de la connaissance, à la « sagesse multiforme », qui consiste dans le mystérieux langage de la Bible, et ensuite à la « sagesse omniforme », qui reconnaît dans chaque réalité créée le reflet du Créateur, jusqu'à la « sagesse informe », c'est-à-dire l'expérience de l'intime contact mystique avec Dieu, lorsque l'esprit de l'homme effleure en silence le Mystère infini (cf J. Ratzinger, Saint Bonaventure et la théologie de l'histoire). Dans le souvenir de ce profond chercheur et amoureux de la sagesse, je voudrais en outre exprimer encouragement et estime pour le service que, dans la Communauté ecclesiale, les théologiens sont appelés à rendre à cette foi qui cherche l'intellect, cette foi qui est « amie de l'intelligence » et qui devient vie nouvelle selon le projet de Dieu.

Du riche patrimoine doctrinal et mystique de Saint Bonaventure, je me limite ce soir à tirer quelque « piste » de réflexion, qui pourrait s'avérer utile pour le chemin pastoral de votre Communauté diocésaine.
Il fut, en premier lieu, un infatigable chercheur de Dieu depuis ses études à Paris, et continua à l'être jusqu'à sa mort.
Dans ses écrits il indique l'itinéraire à parcourir. « Puisque Dieu est en haut - écrit-il - il est nécessaire que l'esprit s'élève vers Lui avec toutes les forces ».
Il trace ainsi une parcours de foi exigeant, dans lequel « la lecture sans l'onction, la spéculation sans la dévotion, la recherche sans l'admiration, la considération sans l'exultation, l'industrie sans la pitié, la science sans la charité, l'intelligence sans l'humilité, l'étude sans la grâce divine, le miroir sans la sagesse divinement inspirée » ne suffisent pas.
Ce chemin de purification implique toute la personne pour arriver, à travers le Christ, à l'amour transformant de la Trinité. Et étant donné que le Christ, depuis toujours Dieu et pour toujours homme, accomplit dans les fidèles une création nouvelle avec sa grâce, l'exploration de la présence divine devient contemplation de Lui dans l'âme « où Il habite avec les dons de son irrésistible amour », pour être à la fin transporté en Lui.
La foi est par conséquent perfectionnement de nos capacités cognitives et participation à la connaissance que Dieu a de lui-même et du monde ; l'espérance, nous la ressentons comme préparation à la rencontre avec le Seigneur, qui marquera le plein accomplissement de cette amitié qui dès maintenant nous lie à Lui.
Et la charité nous introduit dans la vie divine, en nous faisant considérer tous les hommes comme des frères, selon la volonté du Père céleste commun.

En plus d'être chercheur de Dieu, saint Bonaventure fut un chantre séraphique de la création, qu'à la suite de Saint François, il apprit « à louer Dieu en toutes et au moyen de toutes les créatures », dans lesquelles « resplendissent l'omnipotence, la sagesse et la bonté du Créateur ».
Saint Bonaventure présente du monde, don de l'amour de Dieu aux hommes, une vision positive : il reconnaît dans le monde le reflet de la suprême Bonté et Beauté que, dans le sillage de Saint Augustin et de Saint François, il affirme être Dieu même. Tout nous a été donné par Dieu. De Lui, comme de la source originelle, jaillit le vrai, le bien et beau. Vers Dieu, comme à travers les degrés d'une échelle, on monte jusqu'à atteindre et presque saisir le Suprême Bien et en Lui trouver notre bonheur et notre paix.
Comme il serait utile qu'aujourd'hui aussi, on redécouvre la beauté et la valeur de la création à la lumière de la bonté et de la beauté divines !
Dans le Christ, l'univers même, observe Bonaventure, peut redevenir la voix qui parle de Dieu et il nous pousse à en explorer la présence ; il nous exhorte à l'honorer et à le glorifier dans toutes les choses . On perçoit ici l'esprit de Saint François, dont notre Saint partage l'amour pour toutes créatures.

Saint Bonaventure fut messager d'espérance.
Une belle image de l'espérance nous la trouvons dans un de ses sermons d'Avent, où il compare le mouvement de l'espérance au vol de l'oiseau, qui étale ses ailes le plus largement possible, et pour les mouvoir emploie toutes ses forces. Dans un certain sens, il rend mouvement tout son être, pour aller en haut et voler. Espérer, c'est voler, dit Saint Bonaventure. Mais l'espérance exige que tous nos membres se fassent mouvement et se projettent vers la vraie hauteur de notre être, vers les promesses de Dieu. Qui espère - affirme t'il - « doit lever la tête, tournant ses pensées vers le haut, vers la hauteur de notre existence, c'est-à-dire vers Dieu ».

Monsieur le Maire dans son discours a posé la question : « Que sera Bagnoregio demain ? ». En vérité nous nous interrogeons tous sur notre avenir et celui du monde et cette interrogation a beaucoup à voir avec l'espérance, dont chaque coeur humain a soif. Dans l'Encyclique Spe Salvi j'ai observé qu'il ne suffit pas cependant d'une espérance quelconque pour affronter et surmonter les difficultés du présent ; une « espérance fiable » est indispensable, qui, en nous donnant la certitude d'arriver à un but « grand », justifie « la fatigue du chemin » (cf n.1). Seule cette « grande espérance-certitude » assure que malgré les échecs de la vie personnelle et les contradictions de l'histoire dans son ensemble, le « pouvoir indestructible de l'Amour » nous garde toujours. Lorsque nous somme soutenus par cette espérance, nous ne risquons jamais de perdre le courage de contribuer, comme l'ont fait les saints, au salut de l'humanité, ouvrant nous-mêmes et le monde à l'entrée de Dieu : de la vérité, de l'amour, de la lumière (cf n. 35).
Que Saint Bonaventure nous aide « à déployer les ailes » de l'espérance qui nous pousse à être, comme lui, incessants chercheurs de Dieu, chantres de la beauté de la création et témoins de cet Amour et de cette Beauté qui « anime tout » .

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