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Une messe à Mater Ecclesiae

Cadeau: l'intégralité du récit de don Giuseppe Corbari, sur son bulletin paroissial. Un bijou (6/10/2014)

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Mariage et famille dans la communauté chrétienne

Certes, toutes les messes ont la même "valeur", qu'elles soient célébrées par le plus indigne des prêtres ou par un saint, dans la plus petite des églises ou dans la Basilique Saint-Pierre. Mais cette messe-là, celle qu'a concélébrée le prêtre lombard avec le Pape émérite dans la chapelle du couvent où il s'est retiré pour prier pour l'Eglise et pour nous, est vraiment "spéciale".
Hier, après avoir traduit le reportage du journal local, j'ai eu l'idée de rechercher le site de sa paroisse des Saints Pierre et Paul, à Desio - à tout hasard.
Je ne m'attendais pas à y trouver ce bijou.
Voici la traduction (texte en italien ici: www.ssppdesio.it)
L'unique photo est celle que j'ai postée hier, don Giuseppe explique dans quelles circonstances.
Celle plus haut est donc une photo d'archives.

Merci à don Giuseppe!!

     

UNE MESSE SPÉCIALE!

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Il y a des expériences tellement extraordinaires qu'il est difficile de les garder pour soi. Et même, c'est presque un crime de les garder pour soi: ce que nous vivons devient plus beau et plus grand dans le partage, ce que nous apprenons et aimons devient encore plus vrai quand nous avons la charité de le raconter à d'autres. Parce qu'alors communiquer, en vérité, signifie simplement charité: recueillir les dons qui ont été reçus, les partager, justement, avec les autres.
Et c'est un fait si énorme, ce qui m'est arrivé, le don que j'ai reçu, que je ne peux pas faire autre chose que de le ré-offrir à vous tous avec ces mots encore émerveillés.
Donc: j'ai célébré la messe avec Papa Benedetto XVI (ndt: en italique dans le texte!). Et il y a peu de jours; oui, vraiment moi, même si je n'arrive toujours pas à y croire.

Je reviens en arrière, et je raconte l'histoire depuis le début.
En mars dernier, j'ai écrit une lettre à 'Joseph Ratzinger, Papa Benedetto XVI', dans laquelle j'exprimais ma reconnaissance filiale pour son ministère pétrinien, et pour avoir dirigé l'Eglise avec cette intelligence théologique clairvoyante. Dans la lettre, en plus de quelques considérations personnelles, je confiais à ses prières notre paroisse: Ratzinger a été élu pape l'année de mon ordination sacerdotale, il est le pape qui a accompagné les premières années de mon ministère; mais au-delà de ces coïncidences, même significatives, j'ai toujours nourri une profonde estime pour son courage, pour sa capacité à faire des choix, même difficiles, et pour le sacrifice de sa pensée qui transpire de ses textes. Mon estime pour lui, en un mot, va au-delà du respect filial dû au pape et se traduit en affection chargée d'émotion.

Evidemment, je m'attendais à ce que son secrétaire réponde à ma lettre, qu'il y ait un signe, une réponse dans laquelle, comme d'habitude dans ces cas, on accusait réception de la lettre et peut-être transmettait la bénédiction apostolique du pape.

Mais la réalité est capable de nous surprendre bien au-delà de nos attentes: le matin du vendredi 19 Septembre je reçois un appel sur mon portable, de son secrétaire personnel Mgr Georg Gänswein, lequel confirmait la réception de la lettre et m'invitait à rencontrer personnellement Papa Benedetto, et si je le désirais, à célébrer la Sainte messe avec lui.
Vous pouvez imaginer mon émerveillement et ma surprise devant une occasion semblable!
Mgr Gänswein propose la date du vendredi 26 Septembre, qui est seulement une semaine plus tard, à 7h45 à la chapelle du monastère où vit Ratzinger dans les jardins du Vatican. Bien sûr que oui, bien sûr, je viendrai! Et je n'ai même pas besoin de regarder mon agenda: il n'y a rien de plus important que cela aujourd'hui.

Ainsi, une semaine plus tard, je pars pour Rome le jeudi après-midi pour être ensuite ponctuel le matin devant l'entrée de la Cité du Vatican.
Là m'attend un garde suisse qui m'accompagne en voiture au lieu du rendez-vous.
Mgr Georg m'accueille à la porte en souriant, ensemble, nous entrons dans la chapelle. Un lieu de prière simple, aux couleurs raffinées, essentiel dans sa conformité. Les trois sœurs des "Memores Domini" qui assistent personnellement le pape émérite, préparent l'autel; à côté de son siège a été placé une chaise pour moi!
Dans la sacristie, je me prépare avec le secrétaire, et puis il va chercher le pape alors que je termine les préparatifs dans la chapelle. J'aurais pu être submergé par l'anxiété et l'émotion, à la place, je remercie le Seigneur parce que même ces moments ont été des minutes d'intense recueillement dans lesquelles j'ai repassé un par un tous les visages des personnes chères pour les confier au Seigneur dans la prière; j'ai rappelé tous les paroissiens , en particulier ceux qui traversent un moment difficile, les malades, les personnes âgées, les jeunes, les enfants. J'ai prié pour les vocations.

Pendant ce temps, Ratzinger arrive à petits pas dans la petite sacristie, nous échangeons un bref salut, tandis qu'il endosse les vêtements pour la célébration qui commence immédiatement après: le Pape préside, moi (oui, vraiment moi) et le Secrétaire nous concélébrons, et les trois soeurs participent avec nous.
La célébration de l'Eucharistie est la prière suprême du chrétien, c'est l'endroit où la mémoire actuelle du sacrifice de la croix de Jésus rend son Esprit présentt, c'est «l'histoire» qui accueille Dieu dans Son Corps, dans Son Sang, dans Son âme et Sa divinité.
Vous pouvez alors imaginer combien le fait de vivre cet événement avec le Pape (ndt: sic!) a été une immense opportunité de grâce. Je goûte chaque instant, chaque regard, chaque mot. Le climat de profonde contemplation, son style délicat dans la célébration, ses difficultés dans les mouvements, suscitent en moi tellement de tendresse et d'émotion. Et puis son affabilité dissout toute appréhension. Pendant la messe, je proclame le passage évangélique dans lequel Pierre répond à la question de Jésus sur qui il était pour le peuple: le Christ de Dieu (Lc 9, 20), dit Pierre. Et je regarde devant moi, celui qui était le Vicaire du Christ sur la terre, le Pierre de l'Église d'aujourd'hui qui confirme la foi de ses frères.

A la fin de la célébration, dans la sacristie, nous avons l'occasion d'un salut plus détendu. Il m'interroge sur la paroisse, me demande combien de personnes fréquentent les sacrements. Je le remercie encore pour son pontificat, pour son courage à affronter l'adversité du monde, je le remercie pour les livres qu'il a publiés, et que j'ai lus avec une telle passion, je lui fais observer que, quand il a été élu pape, j'ai été ordonné prêtre et que les premières années de Messe ont été accompagnées par sa bénédiction.

Quand je lui parle de Desio, il fait immédiatement le lien avec le nom au pape Pie XI, et avec don Luigi Giussani dont il a célébré les funérailles dans la cathédrale de Milan; puis il se souvient également de Mgr Tommaso Giussani, notre illustre paroissien. Je lui recommande de considèrer dans ses prières notre paroisse, les malades, les personnes âgées, les enfants et les jeunes; je lui demande la charité de prier pour les vocations au sacerdoce, à la vie religieuse, au mariage. Je lui confie aussi ma vie et celle de maman. Je continue à regarder ses petits yeux, la lumière qu'ils portent encore à l'intérieur, je lui parle encore un peu de moi et de choses grandes et petites, dans la vie de notre église et de notre paroisse que je lui raconte en peu de mots et qu'il écoute avec cette attention paternelle qui l'a toujours caractérisé.

Puis vient le moment de prendre congé, mais il veut d'abord me donner un chapelet avec ses armoiries papales, et moi avec une crainte et un tremblement énormes, je lui remets mon livre de poésie et la vie de Bonhoeffer, son regard s'éclaire encore plus: le théologien allemand lui est particulièrement cher, également parce qu'il a lui aussi vécu cette page particulière de l'histoire de l'Allemagne. Il me demande donc si je connais l'allemand, vu que j'ai analysé les textes de Bonhoeffer, je lui souris en lui disant qu'en Italie, ils ont publié les traductions et que je me suis servi d'elles; Mgr Georg sourit avec moi, Allemand lui aussi mais Italien quand il s'agit de comprendre mon embarras.

Je profite de ce rire pour abandonner toute pudeur, et comme un écolier impertinent, je demande au secrétaire s'il aurait la gentillesse de capturer ce moment dans une photo: je n'ose proposer un selfie (il ne me semble pas le pape approprié), mais j'ose demander une photo traditionnelle, de celles où l'on pose, moi tout à côté du Pape, comme deux amis proches dans une bonne lumière. La voilà, cette photo, sur l'écran de mon portable, que le Secrétaire a utilisé avec une certaine aisance. La voilà, avant que je la fasse tourner sur WhatsApp (ndt: messagerie instantanée pour smartphones) pour mes amis, avant de la sauvegarder, dès que possible, sur l'ordinateur. Une photo unique: simple signature d'une rencontre.

A présent, pourtant, je dois le quitter, il me bénit et me recommande de porter cette bénédiction pour toute la paroisse.
Mgr Georg m'accompagne à la sortie du petit monastère et pendant ce court trajet nous échangeons quelques mots, avec moi qui ne parviens pas à retenir un sentiment d'euphorie qui me parcourt tout entier. Je n'en finis pas de le remercier pour sa gentillesse, tandis que lui comprend toute mon émotion et sourit.
Ainsi, j'avance le long des sentiers des jardins du Vatican sous un ciel bleu limpide avec le soleil déjà haut dans le ciel, tandis que Rome s'apprête à vivre une nouvelle chaude journée d'un été venu tard, d'un été qui rit aux fenêtres et à travers les feuilles des arbres.

Qu'il rit à l'intérieur, ce pauvre prêtre, tellement aimé qu'il est ici, dans cet été qui rit avec les yeux du Pape. A la porte Sainte-Anne, le salut militaire des gardes suisses me fait sentir important, peut-être qu'ils savent comment je me sens, ils le lisent sur moi, cet état de quelqu'un qui a reçu un don si grand ...
Je suis toujours l'écolier d'avant: je téléphone immédiatement à maman pour lui raconter les émotions vécues et je sais qu'elle - sans le faire remarquer - est émue à l'autre bout du téléphone.
Je rassemble mes quatre choses à l'hôtel et puis je vais à Santa Maria Maggiore pour remercier la Sainte Vierge pour cette journée spéciale et lui confier toutes les intentions qui habitent mon cœur. Il me vient à l'esprit que cela fait dix ans aujourd'hui que j'ai été ordonné diacre: j'aurais pu le dire au Pape et je ne m'en suis même pas rappelé, mais c'est parce que mon cœur était si plein de choses, de gens, d'histoires que je devais lui remettre dans les mains, confier à sa prière. J'ai célébré la messe avec lui, j'ai vécu avec lui dans le cœur même de mon ministère!
La stazione Termini n'est pas loin, le train de Milan m'attend. Dans mon portable, j'ai une photo d'un prêtre tout proche de son papa (ndt: Pape, ou papa?), même si une image ne fait pas justice de l'évènement, ce qui compte, c'est que je sauve par son nom ce moment pour toujours, cette grâce qui m'a solidement embrassé, et que je puisse en témoigner: non pas sur l'écran d'un téléphone mobile, mais par l'action et la présence. Celle d'un prêtre qui à présent, assis dans le Frecciarossa ("TGV" italien), essaie d'écrire toute cette joie pour l'offrir à ses amis.

Don Giuseppe

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