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Environnement: relire Caritas in veritate

Un (remarquable) article de Robi Ronza,sur la Bussola: "les 'verts'sont le problème, pas la solution". Traduction d'Anna (11/12/2014)

>>> Caritas in Veritate

>>> Voir aussi, sur mon site, ces deux éditoriaux de Riccardo Cascioli:
¤ L'Eglise durable (25/9/2014)
¤ Environnement: l'Eglise cède aux pressions du monde (1er/9/2014) (à propos d'un document de la CEI sur l'environnement)

     

ENVIRONNEMENT: LES "VERTS" SONT LE PROBLÈME, PAS LA SOLUTION
Robi Ronza
La Nuova Bussola Quotidiana
9.12.2014
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L'Union Européenne pourrait, non moins que les Etats-Unis, se libérer ou au moins réduire considérablement sa propre dépendance des importations d'énergie en puisant dans les grandes réserves de charbon et de gaz de schistes dont disposent l'Allemagne et la Pologne. Des matières premières énergétiques qui peuvent, grâce aux techniques d'aujourd'hui, être extraites sans compromettre du tout l'environnement.

Le fameux réchauffement global de la Terre non seulement est en train de ralentir depuis quinze ans mais son origine anthropique n'est pas prouvée le moins du monde, comme des scientifiques de renommée internationale le répètent(..). Malgré cela, afin de le contrer, dans une époque de crise générale des économies les plus développées, des milliards de dollars sont dépensés en initiatives inutiles à cet effet. L'histoire prouve en effet que la température du globe n'est pas stable et qu'à plusieurs reprises elle a enregistré des variations tangibles en des périodes où l'impact de la présence de l'homme sur l'environnement était négligeable par rapport à d'autres formes de vie et d'autres présences physiques, des forêts équatoriales aux éruptions volcaniques.

Toutes les informations dont nous disposons confirment que, depuis que l'homme existe sur la Terre, le rapport entre la population humaine et les ressources disponibles a toujours et seulement connu des déséquilibre sur de brèves périodes. Au moyen terme, comme dans les cent dernières année aussi, la situation s'est toujours rééquilibrée. La façon la plus efficace et humainement moins coûteuse de la rééquilibrer consiste à tirer le levier du développement et non celui du contrôle démographique, dont les conséquences perverses sont évidentes.

La réintroduction artificielle, même en dehors des réserves naturelles spécifiquement gérées, de gros carnivores sauvages (loups, ours, etc.) dans les Alpes, les Pyrénées et ailleurs en Europe occidentale est en train de provoquer de graves dégâts à l'élevage en plein air et de compromettre la présence humaine en altitude et dans les plaines les moins peuplées; c'est à dire en des milieux où cette présence devrait être maintenue, voire même fortement augmentée, en vue de l'équilibre général de l'implantation de l'homme en Europe. La prolifération incontrôlée des ongulés (cerfs, chevreuils, sangliers) provoque elle aussi déjà dans de nombreux cas de sérieux dégâts, autant aux activités pastorales qu'à l'agriculture.

Tout ceci porte à conclure que la réponse des "verts" au problème de l'environnement doit être considérée désormais comme une véritable urgence historique. Avec son inspiration néo-païenne et sa matrice autoritaire post-marxiste, la culture politique "verte" ne donne aucune réponse efficace aux problèmes de l'environnement, au contraire elle les aggrave. La responsabilité de l'homme vis à vis de l'environnement augmente évidemment avec la croissance de ses capacités techniques, mais l'exercice adéquat de cette responsabilité ne passe pas du tout par la prétention anti-humaniste selon laquelle l'homme, coupable d'échapper à la sélection naturelle, serait un élément de déséquilibre, un intrus dans la nature. Nous sommes aujourd'hui sans doute face à des excès de manipulation industrielle de l'environnement et à des excès d'industrialisation de l'agriculture et de l'élevage. La sortie de ces excès passe toutefois par une amélioration de la culture technique, ce qui implique surtout une moderne récupération de connaissances anciennes et d'anciens métiers de l'artisanat; et non par un retour au néolithique, impossible d'ailleurs.

On se demande en vertu de quels mécanismes psychologiques la philosophie "verte" profite d'une influence qui va bien au delà des domaines restreints elle se réfère. Nous sommes en face d'un chantage moral qui fonctionne largement et trouve dans les médias un espace gigantesque. Toutefois, nous ne nous attardons pas sur cela, mais sur quelque chose qui nous tient spécifiquement plus à coeur: sur le surprenant consensus dont ces philosophies bénéficient, même dans le milieu chrétien. Trop de la nouvelle attention chrétienne à l'environnement se révèle subordonnée à des cultures dominantes de bien autre matrice. On l'a vu récemment, lors de la journée annuelle pour la Protection de la Création (custodia del Creato), toutes les fois qu'au mot Protection on a voulu donner un contenu passif juste assez pour en faire un moule de l'idée païenne de nature comme Mère Terre/Pancha Mama (*), entité divine impersonnelle, statique et essentiellement intouchable par l'homme.

Il devient donc important et même urgent de participer au débat et à la politique sur l'environnement sur la base d'une culture qui lui corresponde. A cet égard, les différences fondamentales apparaissent entre la vision chrétienne et la vision païenne de la nature comme Pancha Mama, dans laquelle l'homme ne serait qu'un élément indistinct et finalement dérangeant.
Dans son message à l'occasion de la Journée de la Paix en 2007, avec son habituelle acuité, Benoît XVI remarque en revanche que «à côté de l'écologie de la nature il y a (…) une écologie qu'on pourrait dire "humaine", qui requiert à son tour une "écologie sociale". Cela implique que l'humanité, si elle se soucie de la paix, doit toujours et davantage prendre en compte les liens entre écologie naturelle, c'est à dire respect de la nature, et écologie humaine. L'expérience prouve que toute attitude non respectueuse de l'environnement entraîne des dégâts à la coexistence humaine, et vice versa».

Deux ans après, dans l'encyclique Caritas in Veritate il revient sur le sujet et affirme que le fait de «réduire complètement la nature à un ensemble de simples données factuelles finit par générer de la violence à l'encontre de l'environnement et même par motiver des actions irrespectueuses envers la nature même de l'homme. Cela parce que celle-ci est constituée non seulement de matière mais aussi d'esprit et étant, en tant que telle, riche de significations et d'objectifs transcendants à atteindre, elle a un caractère normatif aussi en ce qui concerne la culture. L'homme interprète et modèle l'environnement naturel au travers de sa culture qui est à son tour orientée par sa liberté responsable (…)».

A notre avis, la pierre angulaire sur laquelle bâtir une position chrétienne sur les questions de l'environnement qui ne soit pas subalterne aux actuelles cultures néo-païennes est justement Caritas in Veritate, la lettre encyclique «sur le développement humain intégral dans la charité et la vérité» que Benoît XVI envoya en 2009 «aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées, aux fidèles laïques et à tous les hommes de bonne volonté». Nous en citons ci-après quelques passages:

«Il est nécessaire qu'il y ait quelque chose comme une écologie de l'homme, entendue dans le juste sens. La dégradation de la nature est en effet strictement liée au modèle de l'humaine coexistence. Comme les vertus humaines communiquent entre elles, si bien que l'affaiblissement de l'une met en péril aussi les autres, ainsi le système écologique repose sur le respect d'un projet concernant autant la saine coexistence dans la société que la bonne relation avec la nature» (§51).

« Afin de sauvegarder la nature il n'est pas suffisant d'intervenir avec des mesures économiques incitatives ou dissuasives et même une éducation adéquate n'est pas suffisante. Ce sont des instruments importants, mais le problème décisif est la tenue morale de la société dans son ensemble. Si on ne respecte pas le droit à la vie ou à la mort naturelle, si on rend artificielle la conception, la gestation et la naissance de l'homme, si on sacrifie des embryons humains à la recherche, la conscience commune finit par perdre le concept d'écologie humaine et, avec lui, celui d'écologie de l'environnement. C'est une contradiction que de demander aux nouvelles générations le respect de l'environnement naturel, alors que l'éducation et les lois ne les aident pas à se respecter elles-mêmes. Le livre de la nature est un et indivisible, du côté de l'environnement comme de celui de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille, des relations sociales, en un mot du développement humain intégral. Les devoirs que nous avons à l'égard de l'environnement sont reliés aux devoirs envers la personne considérée en elle même et en relation avec les autres. On ne peut pas exiger les uns et piétiner les autres. C'est une grave antinomie de la mentalité actuelle qui avilit la personne, bouleverse l'environnement et nuit à la société» (ibid).

« Le problème du développement aujourd'hui est strictement lié au progrès technologique, avec ses impressionnante applications dans le domaine biologique. La technique, il est bien de le souligner, est un fait profondément humain, lié à l'autonomie et à la liberté de l'homme. Dans la technique s'exprime et se confirme la dominance/seigneurie de l'esprit sur la matière. L'esprit, "devenu ainsi moins esclave des choses, peut facilement s'élever à l'adoration et contemplation du Créateur". La technique permet de dominer la matière, de réduire les risques, d'épargner les efforts, d'améliorer les conditions de vie. Elle répond à la même vocation du travail humain (…). La technique fait donc partie du mandat de "cultiver et conserver/garder la Terre" (…) que Dieu a confié à l'homme et doit être orientée au renforcement de cette alliance entre être humain et environnement qui doit être le miroir de l'amour créateur de Dieu» (§69).

Nous nous arrêtons ici et renvoyons à la lecture de l'encyclique comme point de départ afin de bâtir une position sur les problèmes de l'environnement qui soit libre du frein de la culture néo-païenne. Une position dont on a de plus en plus besoin aujourd'hui.

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(*) C'est le langage même du pape François, qu'il a utilisé dans son discours devant la FAO du 20 novembre dernier: cf. Discours à la FAO.