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La liste de François

Non, ce n’est pas la ‘‘liste de Bergoglio’’, titre d’un livre de circonstance publié l’an dernier afin d’exonérer le pape du soupçon de complaisance vis-à-vis de la dictature argentine. C’est la liste des ennemis du Pape. Article de John Allen, traduit par Anna (6/11/2014)

John Allen prend acte du processus d’épuration engagé par le Pape François contre la frange traditionaliste de l’Eglise, et en particulier donne sa version de la punition infligée aux Frères Franciscains de l'Immaculée.
Il était temps, pour la star autoproclamée des vaticanistes, observateur universellement considéré comme une référence: le processus est de façon flagrante sous les yeux de chacun.
C’est donc déjà un progrès, et comme il est très écouté, ce n'est pas rien. On n’est plus dans le déni pur et simple, l’attitude de ceux qui persistent à affirmer qu’il ne se passe rien, et que ceux qui pensent le contraire sont de vulgaires « complotistes » et/ou de mauvais catholiques.
Mais avec une mauvaise foi renversante, Allen fait ce à quoi sert sa rubrique, précedemment sur le National Catholic Reporter, aujourd'hui sur le Boston Globe: il cherche à sauver le Pape coûte que coûte. Et il fait précéder le récit des vicissitudes des FFI par celui d' affaires existantes, qu'il prend soin d'entourer de détails scabreux impliquant plus ou moins directement des affaires de sexe. Juste pour conditionner le lecteur.

Selon lui, il se pourrait que François frappe indifféremment à droite et à gauche. Et il ose écrire : «il fait face aux défaillances signalées au fur et à mesure qu'elles se présentent sans faire vraiment attention au côté politique des gens impliqués » !!

Je sauverais sa conclusion, que l'on ne peut que partager.

A lire (entre les lignes….), donc, avec amusement ou exaspération, selon son humeur.

     

LE PAPE FRANÇOIS A-T-IL UNE LISTE D’ENNEMIS ?
http://www.cruxnow.com
4 novembre 2014
Traduction d'Anna
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Les derniers jours de l'administration Nixon, la découverte que la Maison Blanche gardait une liste de ses ennemis fut pour beaucoup d'Américains la goutte de trop. Elle semblait révéler une administration utilisant le pouvoir non pas pour faire avancer la politique ou défendre la nation, mais pour régler ses comptes politiques.
Bien que toute comparaison entre Nixon et le pape François soit comme comparer les pommes et les oranges, néanmoins beaucoup de catholiques conservateurs et traditionalistes se demandent aujourd'hui si le pontife n'a pas sa propre liste d'ennemis.

Récemment a fait surface la nouvelle que le Vatican envisage ou a déjà lancé des enquêtes sur trois évêques en différentes parties du monde:
¤ Rogelio Ricardo Livieres Plano, qui a déjà été retiré du petit diocèse paraguayen de Ciudad del Este.
¤ Robert Finn de Kansas City-St. Joseph, Missouri, qui attend les conclusions d'une visite apostolique qui a déjà eu lieu.
¤ Mario Oliveri du petit diocèse d'Albenga dans l'Italie du Nord, où un porte-parole du Vatican a dit cette semaine qu'un enquêteur pourrait arriver bientôt.

Chaque cas a ses motifs spécifiques pour une enquête.
¤ Livieres a été accusé de diverses formes de mauvaise gestion et de diviser la conférence épiscopale du Paraguay (!!!), par exemple en accusant l'Archevêque d'Asuncion d'être gay.
¤ Finn est le seul évêque américain reconnu coupable d'avoir omis de déclarer une accusation d'abus sur mineur, et représente pour beaucoup le symbole des scandales d'abus de l'église.
¤ Oliveri est le tout dernier dans la file d'attente. Il est accusé d'avoir toléré toute sorte de mauvaise conduite dans son clergé, y compris des prêtres ayant posté des photos nus sur Facebook, des prêtres travaillant comme barman de nuit, et un cas d'un prêtre actuellement en prison pour avoir molesté une fille de choeur [servante d’autel] de 11 ans (Le prêtre clame son innocence).

A part tous les détails, de nombreux observateurs ont remarqué que les trois prélats ont une chose évidente en commun: ils sont tous parmi les membres les plus conservateurs de leurs respectives conférences épiscopales.

Livieres et Finn sont tous les deux membres de l'Opus Dei, tandis qu'Oliveri est connu comme un traditionaliste profondément attaché à la vieille Messe Latine.

Dans les cercles catholiques conservateurs, les enquêtes sur ces trois évêques sont mises en relation avec d'autres mesures disciplinaires du Pape François, comme la répression en cours des Frères Franciscains de l'Immaculée. Le soupçon est que ce qui est en train de se passer n'est pas tant une opération de nettoyage qu’une purge idéologique.
Fondés en 1970, le Franciscains de l'Immaculée font appel à des jeunes croyants attachés à la tradition. En 2013, le département du Vatican qui supervise les ordres religieux a émis, avec l'autorisation du pape, un décret dissolvant leur direction, leur assignant un commissaire papal, et exigeant des frères qui veulent célébrer la vieille Messe l'obtention d'une permission spéciale.
Finalement un institut théologique régi par l'ordre a aussi été fermé. Une quarantaine parmi ses membres ont démissionné en signe de protestation, la plupart d'entre eux s'en allant dans d'autres communautés traditionnelles.
En juin 2014, le vaticaniste italien chevronné Marco Tosatti a décrit la répression comme la pointe d'une plus ample "chasse aux sorcières" menée contre les conservateurs, la décrivant comme "une guerre interne menée au nom du pape".
D'autres exemples fréquemment cités d'usage de la force papale contre ceux perçus comme des ennemis incluent, parmi les Italiens, la mise à l'écart du cardinal Mauro Piacenza de la Congrégation du Clergé, et, pour les Américains, du cardinal Raymond Burke, perdant son appartenance à la Congrégation des Evêques. Burke devrait être aussi retiré de sa position de chef du Suprême Tribunal du Vatican et assigné à un rôle largement honorifique.

En parlant cette semaine à un catholique d'orientation traditionnelle, je lui ai demandé s'il ne voit pas dans tout cela le fait que François clarifie de quel côté il se trouve.
"Ce n'est pas juste de quel côté il se trouve - m'a-t-il dit - C'est qu'il va vous écraser si vous n’êtes pas de son côté".

Les Conservateurs affirment qu'à ce jour, il n'y a pas eu avec Francois de cas très médiatisé d'un évêque ["libéral"] mis sur la sellette pour des délits doctrinaire ordinaires - avoir permis des violations des règles liturgiques, comme l'usage courant des confessions de groupe, par exemple, ou montrer son soutien à l'ordination des femmes. (En septembre dernier un prêtre australien a été excommunié pour des motifs analogues, mais c'était un prêtre, pas un évêque).

Pour être honnête, il n'y a pas eu d'évêque libéral accusé d'inconduite personnelle qui ait joui d’un traitement de faveur.

Le mois dernier, par exemple, le Pape François a accepté la démission de l’Evêque Kieran Conry d’ Arundel et Brighton au Royaume Uni après qu'il eût reconnu une longue histoire avec une femme en son diocèse. Partisan des unions civiles homosexuelles et notoirement tiède avec la Messe Latine, Conry n'a rien d'un hyper-conservateur (ndr: la comparaison avec les FFI et avec l'évêque de Ciudad del Este est pour le moins gonflée: d'un côté, il y a un délit objectif avec le magistère de l'Eglise).

Et pourtant nombreux parmi les catholiques de droite ne peuvent s'empêcher de penser que la récente prépondérance des conservateurs qui se sont trouvés le couteau sur la gorge n'est pas accidentelle. D'aucuns perçoivent une situation inversée (through-the-looking-glass situation), où le soutien de la tradition catholique est perçu comme une offense plus grave que le fait de la rejeter.

Comment expliquer ces actes disciplinaires?

Une possibilité est que François veuille vraiment contrecarrer la partie traditionaliste et qu'il utilise toutes les opportunités pour y parvenir. Dans ce cas, François n’a pas besoin de donner d’explications, car c’est exactement l’effet de ses coups.

Une autre est toutefois que les motivations du pontife ne sont pas idéologiques. Il sait qu'il a été élu sur un mandat de réforme, afin de promouvoir la bonne gouvernance de l'Eglise, et il fait face aux défaillances signalées au fur et à mesure qu'elles se présentent sans faire vraiment attention au côté politique des gens impliqués (Allen se moque vraiment du monde !!).

Le discours de François à la fin du récent synode des Evêques semblerait pencher vers la deuxième direction, quand il a manifesté de la sympathie à la fois pour le camp progressiste et celui traditionaliste (nous n’avons pas dû lire le même discours… qui était par ailleurs un simple discours de circonstance, destiné à sauver la face, en renvoyant dos à dos les adversaires !). François est aussi un grand admirateur du Pape Jean XXIII, le "Pape Bon" du Concile Vatican II, connu pour avoir dit "Je dois être le pape de ceux qui ont le pied sur l'accélérateur et de ceux qui ont le pied sur le frein".

Si tel est le cas, François doit trouver l'occasion d'expliquer lui-même pourquoi il poursuit les gens et les groupes qui sont dans sa ligne de mire.
Le risque, s'il ne le fait pas, c'est qu'une bonne partie des fidèles puissent en conclure que si le Pape les considère comme des ennemis, il n'y a pas de raison pour que de leur côté, ils ne le considèrent pas de la même manière.