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Le Synode côté salle de presse

Très intéressant article de Jean-Louis de la VAISSIÈRE, le correspondant à Rome de l'AFP. Il parle de "guerre feutrée" entre vaticanistes (22/11/2014)

>>> Article complet ici: blogs.afp.com/makingof/?post/pour-ou-contre-le-pape-francois-guerre-feutree-entre-vaticanistes


JL de la Vaissière est en particulier l'auteur d'un livre de "circonstance" sur le changement de pontificat, paru l'année dernière, intitulé "De Benoit à François", dont j'ai parlé ici: benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/de-benoit-xvi-a-franois

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Je précise que l'article est intéressant surtout par la perpective originale adoptée (il nous fait voir en quelque sorte les coulisses), mais j'aurais évidemment des réserves sur le contenu...

Dès le début, on est dans le ton, après le titre qui claque: GUERRE FEUTRÉE ENTRE VATICANISTES:

"Même si son message demeure parfaitement catholique, malgré une bonne dose de piment argentin, ce pape communique sa ferveur, bien loin de la réserve qui séparait le pape Benoît XVI et la foule".

Là, il est dommage que JL de la Vayssière, qui a couvert les dernières années du pontificat de Benoît XVI, ait retenu cette vision erronée, et surtout l'ait transmise aux médias qui se fournissent auprès de l'AFP.
Plus loin:

Un groupe de vaticanistes critiques tient gravement conseil au bout d'une très longue table de bois, non loin du box de l'AFP. Il commente longuement les dernières décisions, épluche le prêche quotidien du pape lors de la messe à sa résidence de Sainte-Marthe à la recherche d'imprudences doctrinales, relève la dernière saillie de François contre les évêques mondains et médisants, ou analyse l'éviction du puissant cardinal conservateur américain Raymond Leo Burke.

Le bon cardinal Burke serait sans doute le premier étonné de se voir qualifié de "puissant".

Le meilleur de l'article est évidemment dans le portrait tracé des vaticanistes que mes lecteurs doivent bien connaître.
Quoique les sympathies (ou antipathies) de l'auteur de l'article ne fassent guère de doute, on lui saura gré d'être relativement équilibré. Peut-être de quoi modérer les jugements à l'emporte-pièce formulés par des commentateurs improvisés sur des journalistes qui font pourtant honneur à leur profession (ce qui n'est pas si fréquent), au prétexte qu'ils ne partagent pas leurs opinions...

Au milieu de la salle, le brillant et rigoureux journaliste de l'Espresso Sandro Magister, une des voix critiques du pontificat, attend de poser sa question. Il semble irriter le père jésuite Federico Lombardi, porte-parole du pape, avec une très pointilleuse demande sur les modes de publications des textes du synode.
Sur les confortables canapés du hall d'entrée, ou debout dehors devant des caméras sous les arcades, Sandro Magister et les vaticanistes de renom sont ensuite sollicités par des journalistes venus de Washington, Brasilia, Londres, Berlin ou Paris, qui cherchent à démêler les fils de l'écheveau famille-mariage-divorce-homosexualité... Ils distillent doctement leur « juste » analyse...
(guillemets de rigueur!)
...
Sandro Magister, très attaché à la clarté de la doctrine sous Benoît XVI, et son collègue de La Stampa, Marco Tosatti, grand admirateur du style très sûr de lui de Jean Paul II, mènent la charge depuis des mois contre le mode de fonctionnement du pontificat, auquel ils reprochent à mots couverts d'être confus, démagogue, brusque avec la tradition, anticlérical, etc.: en deux mots, un pape qui serait descendu de son piédestal et mettrait au second plan le dogme.
Disposant de sources de première main, Magister écrit sur son site <chiesa.expressonline.it> des articles théologiquement et historiquement très documentés qui mettent en lumière les tiraillements. Il sait instruire un dossier comme un véritable procureur.

Ainsi récemment, il a énoncé un à un les dysfonctionnements qui auraient conduit à la suspension injuste par François d'un évêque conservateur du Paraguay, Rogelio Ricardo Livieres Plano, accusé d'être dépensier et d'avoir protégé un prêtre accusé de pédophilie. Le type même d'évêque à succès, « mondain », que François ne peut pas voir en peinture.

JL de la Vaissière n'a sans doute pas approfondi ce dossier, ou il se trompe de personne... (à propos de cette affaire, voir: benoit-et-moi.fr/2014-II-1/actualites/tout-tout-tout-sur-laffaire-de-ciudad-del-este)

Magister évoque ce qu'il perçoit comme une mise en garde de Benoît XVI contre l'effet «mortel» d' «un dialogue qui renoncerait à la vérité». Un pape émérite, retiré au Vatican, qui se garde pourtant bien d'émettre la moindre critique publique envers son successeur.
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De son côté, Tosatti demande solennellement au pape François de publier les interventions à huis-clos des pères synodaux, pour faire la preuve qu'ils sont en majorité attachés à la doctrine et mécontents des ouvertures. Il parle de « censure » et ne cesse de dénoncer ce qu'il voit comme un affaiblissement des condamnations morales de l'Eglise et comme des pressions des lobbies gays et autres pour que l'Eglise s'adapte sans résister à la modernité.
Autant les vaticanistes qui regrettent le bon temps passé sont préoccupés, autant ceux qui soutiennent le pape affichent une expression souvent confiante.
Ces avocats de François jouent un grand rôle en analysant très positivement, dans les médias mondiaux et dans des livres, la révolution du nouveau pontife. Souvent ils l’ont connu personnellement avant même son élection, comme le journaliste de La Stampa, Andrea Tornielli, qui anime le site réputé Vatican Insider.
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Le vaticaniste
Marco Politi, « biographe des papes » du journal de gauche "Il Fatto Quotidiano", très sévère dans son bilan de Benoît XVI, trouve en François un grand espoir de renouveau de l'Eglise. Il le voit aussi en danger dans son dernier livre « François au milieu des loups ».
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Et enfin:

Les critiques des conservateurs se font cinglantes, les grands médias internationaux étant accusés de gober quotidiennement, sans esprit critique, la description merveilleuse que les médias « progressistes » feraient d'un pontificat qui aurait le tort « d'accueillir le monde tel qu'il est », sans défendre la doctrine. « C'est tout un monde qui s'écroule, pièce par pièce, dans la révolution de François », analyse Andrea Gagliarducci, un vaticaniste du site Korazym.com, estimant que « les médias sécularisées accueillent chaque nouveauté, comme si l'Eglise d'avant était un royaume corrompu que le pape a décidé finalement de nettoyer ».

On notera les guillemets autour du mot "progressistes", et leur absence autour de "conservateurs". Comme si les seconds justifiaient leur étiquette - dont on sait qu'elle est mal portée dans le milieu des journalistes - alors que les premiers refusent la leur - ou s'en amusent. Ces guillemets à eux seuls résument le ton de l'article.

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Au final, comme je l'ai dit, un bon papier, intéressant, rapportant correctement les faits. Evidemment orienté. Dommage que ce soit dans le sens du vent dominant.