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Le Synode, victoire posthume de Rahner?

Un article de Stefano Fontana sur la Nuova Bussola, traduit par Anna (17/11/2014)

>>> A propos de la théologie de Rahner, dont il est beaucoup question ces jours-ci (ce n'est pas un hasard!), voir aussi:
¤ La destitution d'un grand cardinal (Roberto de Mattei)
¤ Rahner 1er pape (Maurizio Blondet)

Anna a aussi traduit un "bonus" assez réjouissant!

     

LA THÉOLOGIE DE RAHNER EXPLIQUE LA CAPITULATION FACE AU MONDE.
Stefano Fontana
15 novembre 2014
www.lanuovabq.it
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Une des questions les plus intéressantes dans ce climat de synode permanent est de savoir si la victoire complète de Karl Rahner dans la théologie catholique n'est pas déjà advenue. Personne n'a de doutes au sujet de l'énorme influence que le célèbre théologien allemand a exercé sur l'évolution de la théologie post-conciliaire. Une enquête parmi les étudiants de l'Université pontificale du Latran est restée célèbre: à la question «Qui est le plus important théologien catholique de tous les temps?», les étudiants ne répondirent pas Saint Augustin, ni Saint Thomas d'Aquin, mais bien Karl Rahner.

Maintenant, qu'est-ce que Rahner a à voir avec l'actuel synode permanent?
On n'arrive pas à repousser le sentiment que de nombreuses positions apparues dans cette période synodale se reportent au fond à ses thèses théologiques qui semblent aboutir maintenant à leur complète réalisation. Le motif est compréhensible, rahnièrement parlant: la sécularisation s'est accentuée, et ce n'est qu'aujourd'hui que le monde «dans lequel Dieu ne se trouve pas», en vue duquel Rahner avait élaboré son attrayante théologie, se montre sans équivoque. Ce n'est que maintenant que le temps de Rahner est venu. Il avait prévu ce qu'à présent tout le monde voit.

Il suffirait de se concentrer sur la question de la communion aux divorcés remariés.
Selon Rahner, la grâce consiste dans l'auto-communication de Dieu à l'homme. Elle a son point culminant en Jésus Christ, mais elle avait commencé même avant, depuis la Création et a suivi l'évolution de l'esprit jusqu'à l'incarnation du Verbe. Cette auto-communication de Dieu ne consiste pas dans le fait que Dieu ait dit quelque chose sur lui-même. Elle consiste en ce que Dieu est notre a priori existentiel, l'horizon qui donne un sens à toutes nos questions et connaissances et qui à son tour ne peut pas être connu, à moins de devenir une chose parmi d'autres et ne plus être l'horizon. Dieu est le mystère silencieux que tout homme présuppose, même celui qui le nie, puisque sans cet horizon il n'y aurait même pas d'hommes, à savoir [d'hommes] libres et responsables.

L'auto-communication de Dieu s'adresse donc à tous les hommes parce qu'elle a le monde, et non l'Eglise, pour théâtre. Dieu se révèle dans le monde et, puisque l'homme est toujours situé dans une histoire particulière, Dieu se révèle dans l'histoire; pas dehors, mais dans l'histoire.

L'opinion publique a été à juste titre choquée par la phrase prononcée par un évêque lors du récent synode extraordinaire et rapportée par le Père Lombardi dans son briefing quotidien: «même une relation homosexuelle peut être source de sanctification». Rahner souscrirait à cette affirmation. Nous sommes tous, à ses yeux, sujets à l'auto-communication de Dieu dans notre histoire mondaine d'hommes, personne n'en est exclu, même si nous l'excluons.

Un aspect conséquent de cette conception est que personne ne peut savoir quand il est pécheur et quand il ne l'est pas. A ce propos Rahner est très clair. Si Dieu est cet horizon qui nous précède et qui nous constitue et si nous ne pouvons pas le connaître mais seulement le présupposer comme un mystère insondable, notre vision des choses, y compris du péché, ne pourra jamais être absolue. Il devient impossible de démêler ce qui est ma responsabilité à moi du réseau des conditionnements dont est tissée mon histoire personnelle et que les sciences humaines mettent en lumière. Il est même impossible de la démêler du péché des autres, ainsi que Rahner considère le péché originel. Et pourtant c'est justement dans ce réseau existentiel que passe la grâce de Dieu. La déférence 'comme il faut' (ossequio perbenista) à la loi morale et religieuse, écrit Rahner, pourrait ne révéler en réalité qu'une attitude intérieure de péché, alors que le refus de Dieu et le blasphème n'exprimeraient qu'une demande sincère. Dieu se manifeste comme demande et pas comme réponse.

Dans une approche de ce genre, la rapport de l'Eglise au monde change de perspective. L'Eglise ne peut plus juger, ni les situations ni les personnes. Le monde est devenu désormais complètement mondain. Les hommes ne se soucient plus du jugement de Dieu et ne sont plus inquiets de leur propre justification. En même temps, toutefois, il est devenu le véritable lieu de la présence de la grâce de Dieu. C'est l'Eglise qui doit se convertir au monde. Souvent elle est en retard par rapport à ce que Dieu est déjà en train d'accomplir dans le monde et, au sujet de l'homosexualité, aujourd'hui beaucoup pensent de cette façon. Entre aimer et honorer Dieu et honorer son prochain, aujourd'hui, dans ce monde mondain, seule la deuxième possibilité est possible. Selon Rahner, puisque Dieu est l'horizon 'apriorique' de notre existence, on ne peut pas en parler. Ce n'est qu'en parlant de l'homme qu'on dit aussi quelque chose de Dieu. Ce n'est qu'en aimant le monde qu'on dit aussi quelque chose de l'Eglise.

En examinant ces doctrines et d'autres de la théologie de Rahner, on comprend les bases de tant de choix que beaucoup font aujourd'hui, en cette période synodale. Elles justifient l'admission à la Sainte Communion des divorcés remariés et des homosexuels cohabitants. Il s'agit toutefois de doctrines suscitant de forts soupçons; elles s'inspirent d'une philosophie (celle moderne de Kant, Hegel et Heidegger) qui ne semble pas la plus apte à concevoir la foi de l'Eglise.

Au fond, les deux camps qui se sont révélés pendant le Synode extraordinaire peuvent être considérés comme le camp rahnerien et celui non rahnerien. Voici pourquoi la question posée au début devient importante.

     

Bonus

DÉTRUIRE LES LIVRES DE KARL RAHNER
cordialiter.blogspot.it
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Selon l'avis du Cardinal Siri (un véritable bastion non conquis du catholicisme) [*] les textes écrits par le jésuite allemand Karl Rahner (dans la photoci-contre habillé en costume et cravate, comme il en avait l'habitude) ont causé de gravissimes dégâts à l'Eglise Catholique, en détruisant le sens du surnaturel. En ce qui me concerne, j'adhère volontiers au Magistère du Cardinal Siri.

Il y a quelque temps mon père avait chez lui un vieux livre de théologie de Karl Rahner qu'il avait reçu en cadeau d'une religieuse. Quand j'ai appris qu'il devait se débarrasser d'un certain nombre de livres en excès à la maison, j'ai essayé de le convaincre de se libérer en premier de celui de Rahner, mais il hésitait, car tout en ne l'ayant pas lu il en avait entendu dire du bien. Alors je lui ai expliqué ce que le Cardinal Siri disait à son sujet et finalement je lui ai arraché la permission de le jeter, ce que j'exécutai sans délai. Si vous saviez quel plaisir a été pour moi de le jeter dans la collecte séparée de la poubelle! Bien entendu, afin d'éviter que quelqu'un puisse le récupérer et revendre à quelque bouquiniste, j'en ai d'abord arraché la couverture. :-)

Assez avec le «tournant anthropologique»! Afin de sortir de la crise ecclésiale il faut une oeuvre de «dératisation» des livres de la "nouvelle théologie progressiste": à maux extrêmes, remèdes extrêmes.

[*] Cf. Un évêque qui n'a pas eu peur