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Le Synode vu par le "théologien du pape"

Après l'exposé de François lors de l'audience générale du 10 décembre, voici le point de vu de MgrVíctor Manuel Fernández, que d'aucuns présentent aussi come le "ghost writer" du Pape. Interview à l'hebdomadaire argentin Vida Nueva, traduite par Carlota (11/12/2014)

Ghost writer pour la rédaction d'"Evangelii Gaudium", c'est ainsi que le qualifiait Sandro Magister, dans un billet de <Settimo Cielo> .
Ceci laisse donc supposer que l'interview qui suit reflète aussi les idées de son "protecteur".


Il est aussi l'auteur d'un livre co-écrit avec Paolo Rodari: "Il progetto di Francesco: dove vuol portare la chiesa".
L'inévitable Tornielli en faisait une recension ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/que-pense-le-pape-des-principes-non-negociables

     

Le théologien du Pape François ?

(Carlota)
1.- Voici la traduction d’un entretien donné par Mgr Víctor Manuel Fernández, que certains présentent, tout au moins en Argentine, comme le théologien du Pape François ! Mais je laisse les lecteurs se faire une idée par eux-mêmes…

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QUAND LE PAPE NOUS A DEMANDÉ DE PARLER SANS PEUR, IL NE LE DISAIT PAS POUR RIEN
www.revistavidanueva.com.ar/2014/11/29/cuando-el-papa-pidio-que-hablaramos-sin-miedo-por-algo-lo-decia/
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La revue « Vida Nueva » a publié le 29 novembre dernier l’interview donnée par Mgr Víctor Manuel Fernández, archevêque recteur de l’Université Pontificale Catholique Argentine (UCA) de Buenos Aires.
Né en 1962, Víctor Manuel Fernández a gagné le rang de « théologien de confiance de Bergoglio ». Il a étudié la philosophie et la théologie au Grand Séminaire de Córdoba – Argentine, et a complété sa formation théologique à la Faculté de Théologie de l’Université Pontificale Catholique Argentine (UCA). Ordonné prêtre en 1985, il a obtenu une licence en Théologie, spécialité biblique, à l’Université Pontificale Grégorienne, et en 1990, le doctorat en théologie à la Faculté de Théologie de l’UCA.
Alors qu’il était le Grand Chancelier (*) de l’UCA, il s’est caractérisé par sa simplicité pastorale et sa grande capacité intellectuelle qui ont été énormément estimés par le cardinal Bergoglio.
C’est sans doute cette reconnaissance envers sa personne qui a amené le pape François à le convoquer pour participer au Synode de la Famille, qui a eu lieu à Rome et à l’intégrer dans Commission pour le Message final du synode.

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Comment avez-vous vu le pape François durant l’intense travail du Synode?

Je l’ai vu avec une immense patience écouter sans intervenir. Même si le climat du Synode a été en général bon, quelques interventions sont apparues menaçantes et comme donnant à entendre que l’on courait le grave risque de tomber dans un dangereux relativisme. Mais où il y a eu une certaine violence c’est en dehors de l’amphithéâtre [du Synode], dans les couloirs et dans la rue. Là quelques cardinaux (très peu, pas plus de cinq) ont arrêté d’autres membres du Synode pour leur dire de faire attention avec leur conscience, qu’ils étaient en train de mettre en danger l’unité de l’Église et même qu’ils devaient penser devant Dieu ce qu’ils allaient voter. J’ai été témoin d’une scène lamentable de manque de respect envers un prêtre, et j’ai su par une narration directe (une personne impliquée aurait été raconter à Mgr Fernández ce qu’on lui avait dit !) que quelques cardinaux latino-américains avaient été abordés afin de leur réclamer de faire très attention. Je sais que cela n’a pas de sens de se scandaliser pour ces choses, qui ont toujours existé, mais il faut reconnaître qu’ils sont loin du style du pape François et que ces attitudes provoquent en lui un rejet particulier.

Il a seulement fait référence délicatement et d’une façon secondaire à ces attitudes dans le bref discours final, où il a aussi réaffirmé son autorité papale pour dissiper tout doute. Dans ces dernières années, autant lui que d’autres évêques latino-américains ont souffert de traitement pas toujours aimables de la part de quelques-uns de la Curie à Rome, bien qu'ils aient toujours mis en avant la bonté et la qualité humaine du cardinal Ratzinger et ensuite du pape Benoît. C’est pour cela que je dis qu’il a été très patient, comme il l’est toujours, un an et demi après son élection il n’a pas pris l’option de s’entourer seulement de personnes qui apprécient son style et sa façon de penser, et même il a eu la générosité d’inviter au Synode des personnes aux accents très différents des siens.

Qu’est-ce qui vous frappe le plus de sa personnalité?

En réalité, c’est tout ce que je peux dire, car le Pape a seulement écouté. Je confirme cela car j’ai intégré la Commission qui a rédigé le Message final et ensuite j’ai été incorporé à la Commission pour la Relatio Finalis. C’est ce qui m’a permis d’avoir un rapport direct avec les autorités du Synode, qui en diverses occasions ont fait référence à la liberté que leur donnait le Pape, parce qu’il n’a jamais indiqué un thème qui le préoccupait ou une question qui devait être traitée, et il n’a pas voulu non plus faire des corrections aux différents brouillons qu’on le lui approchait. Quelques-uns de ces brouillons contenaient des imprécisions, mais il a préféré qu’elles soient corrigées à l’intérieur même du processus participatif du Synode.

Quels sont les concepts théologiques qui ont été en discussion pendant ces quinze jours ?

Les idées de base de l’Église sur le mariage n’ont jamais été mises en discussion: indissolubilité, unité, ouverture à la vie, etc. Le Pape l’a réaffirmé dans son discours final en tant que valeur du synode. Mais l’Église peut toujours approfondir sa doctrine. S’il n’en était pas ainsi, elle approuverait encore l’esclavage ou la peine de mort, recommanderait la monarchie comme la forme de gouvernement la plus parfaite, ou rejetterait qu’un non catholique puisse se sauver ou suivre sa consciente, etc. Quand on dit que la doctrine est immuable, il faut dire aussi que la compréhension que l’Église a sur cette doctrine n’est pas également immuable, mais qu’elle croît et mûrit. De toutes manières, la Relation Finale a réaffirmé l’indissolubilité du mariage presque jusqu’à l’exagération (ndt ah bon !), pour dissiper toute surprise à son sujet.

Et sur les divorcés remariés… ?

Même quand on a parlé de la possibilité que quelques divorcés remariés puissent communier, on l’a toujours faire en réaffirmant l’indissolubilité du lien. La seule chose dont on a discuté c’est que l’indissolubilité du lien implique une impossibilité absolue que tous les divorcés remariés puissent accéder à l’Eucharistie. Le point de la Relatio faisant référence à ce thème, de fait, n’a pas pris en compte quelques argumentations qui avaient été mentionnées dans l’Amphithéâtre. Par exemple : on avait parlé du fait que ces formes d’union, quand elles ont de nombreuses années et ont mûri en fidélité, en générosité, en sacrifice et en esprit chrétien ( !!), peuvent réaliser d’une manière analogue le mystère du mariage, comme les communautés protestantes réalisent d’une manière analogue le mystère de l’Église du Christ qui « subsiste dans » l’Église Catholique. On a également proposé que la “consommation” d’un mariage pourrait se comprendre d’une façon plus large et ne pas se réduire à un acte sexuel, etc. Mais la discussion du Synode n’a pas assumé ces explications, et d’autres qui invitaient à repenser des questions en relations avec l’unité et l’indissolubilité du lien. Elle n’a pas repris non plus des études historiques qui montreraient que l’Église a de fait reconnu des deuxièmes unions dans des situations particulières (quelques jours auparavant, il y avait eu un article dans cette veine dans La Civiltà Cattolica sur le Concile de Trente). On n’a pas voulu s’avancer dans ces considérations. Reste seulement la possibilité de présenter les conditionnements qui diminuent la responsabilité des sujets, en citant le Catéchisme. On comprend ainsi que la seconde union de longue durée, qui a eu des enfants et reconnaît le mal objectif de ce qui est arrivé, vit dans la fidélité et la générosité chrétienne, cette union ne pourra être rompue sans générer de nouvelles fautes. Etant donné que dans ce cas le couple a un fort conditionnement qui rend très difficile une décision différente, on comprend que la responsabilité et la culpabilité sont mitigées et cela pourrait ouvrir la voie d’un discernement pastoral s’ouvrant à l’Eucharistie dans quelques occasions. Cela conserve la vérité objective et ne jette pas sur elle des ombres de doute, mais laisse une place à la compassion. Dans différentes réunions en dehors de l’Amphithéâtre, un important cardinal a raconté que le pape Benoît lui avait montré de la compréhension et une ouverture face à ce projet, mais qu’il avait seulement averti que cela n’impliquait pas qu’il fallait élaborer une norme canonique, comme le prétendaient quelques évêques allemands. Cette question est encore ouverte et doit être approfondie. Quelques Pères synodaux ont présenté le modèle de la Trinité ou de l’alliance entre le Christ et l’Eglise pour parler du sérieux du mariage. Mais d’autres comprenaient que de cette façon on prétendait octroyer du poids et des exigences de densité divine à une réalité fragile et limitée comme est le mariage dans sa réalisation concrète.

Face à ce contexte, comment voyez-vous le prochain Synode?

Je crois que le prochain Synode devrait avancer beaucoup plus dans les motivations théologiques et spirituelles qui encouragent les jeunes à découvrir la beauté du mariage et de la famille, et qu’il stimule les époux à être fidèles et à mûrir l’amour qui les unit. Je regrette beaucoup que dans le Synode l’invitation à grandir dans l’amour n’ait pas plus résonné. D'une façon ou d’une autre, nous finissons enfermés dans des questions qui ont à voir avec l’éthique sexuelle, et nous perdons l’occasion d’approfondir les questions les plus profondes et les plus belles.

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PARLER SANS PEUR
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Quelle réflexion mérite l’affirmation du cardinal Raymond Burke qui a dit à la presse que « dans le Synode tout a été manipulé » ?

Si c’est vrai qu’il a dit cela, cela me fait beaucoup de peine. Je n’ai pas participé aux Synodes antérieurs et je ne peux pas comparer, mais j’ai écouté beaucoup de cardinaux et d’évêques qui ont été à d’autres Synodes et ils disent que la liberté de participer avec sincérité a été beaucoup plus grande dans ce Synode. De fait, quand le Pape a demandé que nous parlions sans peur, cela n’a pas été pour rien. Alors si quelqu’un dit que dans ce Synode tout a été manipulé, cela se comprend précisément comme une tentative désespérée de manipuler l’opinion publique contre le style de liberté et la créativité amené par le Pape François, en le mettant sous la suspicion. C’est une partie de cette dynamique auto-référentielle et auto-défensive de ceux qui n’ont pas accepté de perdre le pouvoir et qui dépensent d’énormes énergies en défendant le passé et en plaçant le présent sous l’ombre de doutes. Plusieurs fois j’ai entendu dire, par exemple : « Ici (au Vatican), on a toujours parlé de la miséricorde ». Je n’en doute pas mais il serait idiot de ne pas reconnaître que le pape François a mis sur la miséricorde un accent inédit. Ils disent également : « Ici il y a toujours eu une attitude d’écoute et de grande participation ». À quoi est dû ce besoin d’ignorer les nouveautés qu’amène l’Esprit (ndt il a bon dos !) à travers le pape François ? C’est évident que les structures caduques résistent au changement.

L’Église a accueilli ce qu’a apporté Jean-Paul II. Nous avons aussi accueilli comme un don de Dieu la richesse de réflexion de Benoît XVI sur la valeur de la raison humaine, sur la valeur de la vérité et de vie. Alors ne soyons pas rigides et acceptons ce que Dieu veut amener à l’Église à travers le pape François. [Dit d’une autre manière], au lieu de la foi dans le charisme du successeur de Pierre, et de la fidélité à l’Esprit qui agit dans l’Église, ce qu’il y a c’est la défense violente d’une idéologie philosophique (ndt Ah bon ! Laquelle ?). Si le Pape a cette idéologie, on l’adore ( !!), mais si il met d’autres accents, il se transforme en un latino-américain ignorant et dangereux qu’il faut essayer de limiter..

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DE RÉELLES AVANCÉES
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Qu’a laissé de plus important cette première réunion du Synode de la Famille?

Le plus important c’est que la place qu’occupent le mariage et la famille dans le cœur de l’Église été énormément mise en avant. C’est un message fort pour ceux qui insinuaient (ndt sic !) que le pape François ne s’intéressait pas à ces sujets. Il y a de réelles avancées. Nous sommes tous sortis avec une conscience beaucoup plus claire et profonde sur la grande complexité des problématiques matrimoniales et familiales. Cela a aidé afin que dans les textes n’apparaissent pas les expressions agressives (ndt sic !) qui étaient très communes dans l’Église (!!!) jusqu’il y a peu d’années, des expressions qui avaient à voir avec des théories qui ne s’incarnaient pas dans la réalité concrète des gens.

D’un autre côte je suis resté insatisfait. J’aurais souhaité plus d’avancées sur d’autres sujets qui préoccupent les familles et que je considère comme plus importants que celui des divorcés remariés. Il ne serait pas correct de réduire ce Synode à deux thèmes qui retiennent l’attention. On a aussi beaucoup parlé de la dignité de la femme et des différentes formes sous lesquelles elles sont l’objet de discrimination, de violence et d’injustice. On a parlé des problèmes des jeunes, du chômage qui affecte les familles, de l’éducation, etc.

Mais cela a été seulement une étape sur le chemin et la majorité [des participants] sent qu’un grand pas a été franchi, qu’on a inauguré un nouveau mode pour faire face aux sujets, avec liberté et clarté. C’est pourquoi, bien au-delà des résultats, une nouvelle étape s’est ouverte pour l’Église.

Des thèmes polémiques ont été proposés…

Il est important que quelques thèmes délicats et polémiques aient été proposés avec courage. Si nous prenons en compte le fait que les paragraphes sur les divorcés remariés ont eu 60% des votes en leur faveur, je crois que quelques années auparavant c’était impensable et moi-même j’ai été surpris par ce niveau d’approbation. Étant donné que ces paragraphes représentent plus de la moitié [des votes], le Pape a demandé qu’ils continuent à faire partie du document qui va être discuté à partir de maintenant. C'est-à-dire, qu’il est bien clair qu’ils ne seront pas retirés, même s’ils n’ont pas atteint les deux tiers des votes. Il ne faut pas oublier, d’autre part, que le Message du Synode a comme principe que dans cette première étape on a commencé à réfléchir « sur l’accompagnement pastoral et sur l’accès aux sacrements des divorcés « dans une nouvelle union ». Même si la minorité la plus dure demandait qu’on ne le mentionne pas dans le message, pour en finir avec le sujet, cette demande n’a pas été écoutée, et 95% des membres ont approuvé le message.

Comment va être le travail à partir de maintenant et jusqu’au prochain Synode?

C’est le début d’un processus qui culminera avec le Synode de 2015 ou mieux, avec les conclusions que fera le Pape. Pour le Pape « le temps est supérieur à l’espace », et pour cela il n’est pas pressé. Il est probable que l’ Instrumentum Laboris avec des orientations pour le travail préparatoire jusqu’au prochain Synode, arrivera dans les Conférences episcopales. Quelques conférences ont déjà choisi les évêques qui participeront (un pour les Conférences qui ont jusqu’à 25 membres, deux pour celles qui en ont jusqu’à 50, trois pour celles qui en ont jusqu’à 100, et 4 pour celles qui en ont plus de 100). J’espère que les Conférences Episcopales ouvriront un espace de dialogue avec les laïcs, mais non seulement avec ceux qui intègrent des mouvements des familles et des structures ecclésiales. Nous avons besoin d’écouter la voix des familles dans toute leur amplitude.

Nicolás Mirabet (**)

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(*) Je lis sur le site de l’université (http://www.uca.edu.ar) un texte daté du 3 décembre 2014 où Mgr Fernández signe comme Archevêque Recteur de l’Université Pontificale Catholique Argentine. Le Grand Chancelier qui n’est pas chargé stricto sensu du domaine de l’enseignement mais d’assurer la liaison entre l’Université et la hiérarchie ecclésiastique, est désormais Msg Mario Aurelio Poli (archevêque de Buenos Aires depuis 2013 et cardinal depuis 2014).

(**) Nicolás Mirabet est un journaliste et enseignant argentin catholique.

Commentaires de traduction

Mgr Fernández n’est pas spécialement apprécié d’une certaine catho-blogosphère hispanophobe et cela dépasse largement le « petit monde » de Buenos Aires… Voici donc en complément:

a) Un portrait de Mgr V.M. Fernández (communément surnommé dans son pays « Tucho » Fernández), dressé par un blogueur argentin, un catholique a priori «non adulte» mais qui affirme sa fidélité à Rome.
Texte original ici: caminante-wanderer.blogspot.fr

TUCHO LE GRADUEL
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Mgr Víctor « Tucho » Fernández est le Recteur de l’Université Pontificale Catholique Argentine. Il a été proposé à ce poste par celui qui était alors le Cardinal Jorge Bergoglio, mais la Congrégation pour l’Éducation Catholique l’a rejeté à plusieurs occasions non seulement pour le plus que maigre niveau académique du candidat mais pour les doutes quant à l’orthodoxie de sa doctrine.
Celui qui était à ce moment là le P. Fernández a fait des déclarations publiques assez opaques et ambiguës quand les discussions étaient en cours au Parlement sur la loi du mariage égalitaire (ndt « mariage » entre deux personnes du même sexe en Argentine).
Mais l’archevêque de Buenos Aires ne s’est pas donné pour vaincu (ndt donc J. Bergoglio).
Il a remué ciel et terre, de Rome, et malgré sa répugnance pour tout ce qui est voyages, il s’est rapproché de la Ville Éternelle elle-même, et il a finalement obtenu que le Tucho remplaçât Mgr Zecca au rectorat de la UCA. C’est pour cette raison que, le premier acte de son pontificat, a été de nommer le P. Fernández, archevêque in partibus, c’est à dire, sans diocèse assigné, presque comme un prix pour lui et une humiliation pour ceux qui s’étaient opposés à ses intentions.
Mgr Tucho est désormais, en plus d’être l’ami et le conseiller théologique de Bergoglio, un « père synodal » et le vice président de la commission quI va rédiger le message final du synode.
Hier il a donné une conférence que vous pouvez lire ici (vaticaninsider.lastampa.it/vaticano/dettaglio-articolo/articolo/sinodo-famiglia) où il affirme en autres choses :

« Le mariage chrétien est un "bel idéal" mais quand on parle de "gradualité" on prétend dire qu’il faut prendre en considération "la réalité concrète des personnes qui ne peuvent arriver à cet idéal", c’est pour cela qu’il faut se rappeler cette catégorie du "bien possible" évoquée par le Pape François dans "Evangelii Gaudium", à laquelle il faut aspirer "même avec le risque de se salir dans la boue du chemin" ».

Éclaircissons la chose : à la perfection chrétienne à laquelle nous sommes tous appelés on arrive graduellement. C’est un chemin que les mystiques divisent en trois étapes. Les vertus en elles-mêmes, qui sont des règles, s’acquièrent graduellement, et parfois les acquérir demande des années […]
Mais il semblerait que Tucho le théologien confonde l’état de perfection chrétienne ou l’état des vertus acquises avec l’état de grâce. À la grâce, - le Dieu Un et Trinitaire habitant dans l’âme - on n'arrive pas graduellement : on y arrive ou on n’y arrive pas ; on la possède ou on ne la possède pas ; elle se rencontre ou elle se perd. Le chrétien est en état de grâce ou il est en état de péché ; jamais la théologie catholique n'a entendu qu’on peut être « graduellement » en état de grâce : une demi-grâce ou un quart de grâce ne sont pas des mesures en vigueur jusqu’à présent.
Ce que prétend faire le Tucho c’est d’expliquer pourquoi un divorcé qui a contracté un nouveau mariage civil et qui, par conséquent, vit dans l’adultère, peut communier : il n’est pas arrivé au degré de « mariage parfait » mais il s’en approche graduellement. Cela veut dire que son âme est en état graduel de grâce, inférieur au degré maximum désiré, mais suffisamment pour pouvoir recevoir la Sainte Eucharistie sans commettre de sacrilège.
Quand Jésus allait sortir et s’en aller, un homme vint en courant et s’agenouillant devant Lui, il lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? ». Jésus lui répondit : « Pourquoi m’appelles-tu bon? Personne n’est bon sinon seulement un, Dieu. Tu connais les commandements : « Ne tues pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne fais pas de faux témoignages, ne triche pas, honore ton père et ta mère ». (Mc 10, 17-19)

L’exégèse manque t-elle? Le Seigneur n’a pas dit au jeune homme riche : « Graduellement cesse de tuer ; graduellement cesse de commettre l’adultère ; graduellement … ». Ce que dit Mgr Tucho c’est, à ce que je comprends, effrontément et pleinement une falsification du message évangélique et une trahison du dépôt de la foi, telle que nous l’avons reçus de nos pères.
[…]

b) Et pour finir je ne résiste pas à citer Francisco José Fernández de la Cigoña, célèbre blogueur catholique espagnol, qui affirme toujours sa fidélité à Rome et au Pape, ce qui ne l’empêche pas d’exercer une « saine » critique de ce qui est critiquable. Original ici: www.gaceta.es/cigona

« Cet anodin petit archevêque, élevé au rang suprême épiscopal par affection du Pape et à celui de sbire inconditionnel, se permet de critiquer des cardinaux illustres pour avoir démonté une obscure manœuvre sortie de je ne sais quels cloaques ecclésiaux. […].
Les déclarations de ce petit personnage m’amusent beaucoup. Je pensais de lui le pire, nombreux sont désormais ceux qui partagent mon opinion sur ce Trucho (*) indésirable, honte de l’épiscopat. Il ne rend aucun service à celui qui l’a sorti d’un anonymat d’où il n’aurait jamais du sortir.
[ …]

(*) Le surnom de « Tucho » a été transformé en « Trucho », qui veut dire faux, falsifié, sans valeur, dans l’espagnol d’Amérique, l’on parlera par exemple d’un faux billet de banque ; mais cela veut aussi dire malin, rusé, pas franchement scrupuleux, etc.

3.- Conclusion
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Dans son entretien récent donné à un journaliste du quotidien argentin « La nación », le Pape François a condamné le cléricalisme.
Honnêtement, je ne sais pas ce qu’est que le cléricalisme, et encore moins dans l’Eglise d’aujourd’hui.
Par contre les laïcs qui se prennent pour des prêtres, des laïcs cléricalisés, il y en a pléthore et ils le seront d’autant plus qu’ils se sentiront encouragés par des discours démagogiques et relativistes à la « Tucho » (pour ne pas dire autre chose) qui trompent les plus vulnérables sous couvert d’une pseudo compassion et amènent la division entre les autres. Pourquoi tout ça pour ça?