Page d'accueil

"Misa Criolla" à Saint-Pierre

le 12 décembre dernier. Le décryptage d'une laïque argentine, traduit par Carlota (22/12/2014)

>>> La musique liturgique est l'un des thèmes abordés dans cet article... Plusieurs articles sur mon site ici: tinyurl.com/m6xeac6

>>> Vidéo ici: gloria.tv/media/dZNAVRin3nr

Elisabetta Piqué, écrivait en intoduction de la récente interview avec François dans le journal argentin La Nacion:

François a donné cette interview exclusive à La Nacion quelques jours avant une date clé: 12 Décembre, le jour de la fête de la Vierge de Guadalupe, patronne de l'Amérique latine, au cours de laquelle il dira la messe à la basilique Saint Pierre et durant laquelle des musiciens argentins interpréteront la Misa Criolla, composée par Ariel Ramírez il y a 50 ans. Le fils de l'auteur, Facundo Ramírez, et la chanteuse Patricia Sosa se produiront avec un chœur romain.
«Quand j'ai entendu la Misa Criolla pour la première fois j'étais étudiant, je pense que j'étudiais la théologie à ce moment-là, je ne me souviens pas bien. Je l'ai vraiment aimé! J'ai aimé l'"Agneau de Dieu", qui est magnifique. Je n'oublierai jamais que j'ai entendu Mercedes Sosa le chanter», a dit le pape.

Certains (des esprits chagrin, dira-t-on) n'ont pas manifesteé le même enthousiasme. Carlota a traduit les réflexions d'une laïque argentine qui s'interroge sur la pertinence d'une telle "représentation" dans la basilique vaticane, à la fois par la nature de la musique (ce qui l'entraîne à des considérations sur la musique liturgique en général), la personnalité de la principale interprète, et certaines manifestations à caractère politique qu'elle juge déplacées.
Je dois à la vérité de préciser que le 12 décembre 2011, Benoît XVI célébrait lui aussi la Vierge de Guadalupe dans la basilique Saint-Pierre (profitant de l'occasion pour annoncer son prochain voyage au mexique et à Cuba), au son de la Misa Criolla, déjà.
L'évènement m'avait à l'époque échappé (!!), mon amie Jeannine, plus attentive, me l'a rappelé, mais je n'ai pas eu d'écho de la performance.
Zenit écrivait:

Misa Criolla, rythmes latino-américains, et liturgie romaine, se sont épousés pour célébrer l’Impératrice du continent américain, celle que l’hymne final chantait : « Vierge de Guadalupe, Etoile du matin, yeux noirs et peau sombre, ma petite Vierge américaine. Protectrice des pauvres, creuset de toutes les races, tu as transformé notre peuple en continent de l’espérance ».

     

(Carlota)
DECRYPTAGE DE LA MESSE « CREOLE » A SAINT PIERRE DE ROME
-----
Il y a quelques jours, le 12 décembre 2014, a été célébrée à Saint Pierre de Rome une "messe créole", à l’occasion de la fête de ND de Guadalupe (*). Il me semble qu’elle a reçu peu d’échos dans les médias français, mais les observateurs connaissant quelque peu le monde hispanophone et n’étant pas forcément des catholiques « adultes » y ont vu certaines choses … qui peuvent dépasser le côté « folklorique » et bon enfant.
Mais je laisse la parole à Virginia Olivera de Gristelli, une mère de famille argentine, de formation universitaire (Buenos Aires) qui tient un blog intitulé « Caritas in veritate », et qui a décrypté la cérémonie, en spécialiste, de son pays et de son continent.
* * *

La « Messe créole» et le Cambalache
Texte complet en espagnol: infocatolica.com/blog/caritas.php
Traduction partielle
-----

Sans doute les temps changent-ils, et peut-être le bonnet du boulanger du XIIIème siècle a-t-il quelque peu varié par rapport à celui du chef (en français dans le texte) du XXIème siècle, mais par contre, ce que je ne peux imaginer c’est que quelqu’un puisse voir d’un bon œil un cuisinier se peigner au dessus du plat qu’il prépare ou un chirurgien ne pas se laver les mains. Parce qu’il y a des choses qui sont appropriées et d’autres qui ne le sont pas, c’est pour cela qu’on les appelle impropres.

Nous savons bien que beaucoup nous diront que nous sommes rigides, que ce qui est important c’est l’intention, qu’il ne faut pas être pharisiens, parce que finalement…, bon, admettons-le : nous sommes des purs esprits et tout ce qui a un lien avec les formes ne nous touche pas, pas même de loin! Les formes, qu’elles soient juridiques, sociales, liturgiques, sont de déplorable pièces de musée, des gens très durs, très durs et surtout, avec l’âme remplie de toiles d’araignée qui ne méritent pas même une petite pastille de miséricordine (a). Seuls les bons, - et les pauvres évidemment - sont capables de comprendre les côtés mystiques de la célébration de la Messe avec le chiffon multicolore de la « diversité » (*) , avec une chanteuse, Patricia Sosa, qui s’est rendue populaire dans la protestation révolutionnaire, la provocation et l’érotisme (photos … suggestives ici).
Evidemment les couleurs (allusion au drapeau multicolore à damiers, visible sur la photo) ne sont pas l’arc-en-ciel, ni pour ND de Guadalupe, non. N’allons pas croire qu’il y a une cohérence ; simplement il s’agit d’ « une autre cohérence », d’un autre Code..
C’est ce que démontre cette vidéo (b) où l’on voit la chanteuse participer à un « récital de veille » (sic) pour l’autorisation de la loi sur le mariage gay en Argentine, ou sa participation au « mariage » d’homosexuels célèbres. C’est à dire que la présence de Patricia Sosa à cette occasion n’est pas celle d’une personnalité “neutre” en matière religieuse et morale, mais qu’elle a un rôle bien défini dans des sujets particulièrement sensibles à la communauté catholique, au milieu du Synode des Familles, pacifique et de bon augure, que nous venons de traverser. Nous pensons que la superposition de ce type de “détails”, le jour de la fête de l’Impératrice de l’Amérique (ND de Guadalupe), patronne de la cause pro-vie et pro-famille, n’est pas une donnée mineure et qu’il est pertinent de le signaler.
Mais il ne faut pas faire le trouble-fête: en y réfléchissant bien, finalement, avec la messe créole (je préfère ne pas utiliser de majuscules), on commémore l’anniversaire d’une composition musicale… s’il s’agit d’un simple spectacle, plus c’est spectaculaire, mieux c’est, non? Qui pourrait pensee qu’une Messe doit être autre chose?...

D’ailleurs, il faut reconnaître qu’au moins cette fois, la dame était assez habillée (normalement elle est beaucoup plus légèrement vêtue dans les récitals où elle se produit).

Je me fais alors l’écho de milliers de voix perplexes qui déjà se font entendre: Et la messe rock c’est pour quand ? Et la messe tango ? … Eh bien, patience, pour ces prix là, il y a déjà plus d’un prêtre qui s’enorgueillit de quelques essais qui en sont proches.

Le problème est que tout ce Cambalache (c) se présente comme étant pour les pauvres qui croient que ce qui définit les choses c’est la finalité à laquelle elles servent, simplement et complètement. Une vis sans pas de vis c’est un clou et un verre sans fond peut être un bracelet, et …et… Et ce qui ne sert pas pour sa finalité propre, se dénature : il cesse d’être ce qu’il est, pour être autre chose. Dit « en créole », un « mamarracho » un machin, comme la messe créole chantée par Mercedes Sosa (d) malgré le sursaut que peut provoquer ce « blasphème culturel » pour mes compatriotes plus que patriotes.

N’y aurait-il pas une musique propre pour la liturgie? SI. Elle s’appelle la musique sacrée parce qu’elle fait référence à une Action Sacrée, qui est la Messe. Et pourquoi, parce que ce n’est pas un spectacle, mais le renouvellement du Sacrifice de Notre Seigneur.

Á quoi doit-elle servir? Á une finalité spécifique, propre, unique: à la gloire de Dieu et à la sanctification des âmes. Si quelqu’un peut m’expliquer fraternellement comme on l’obtient avec le « show » d’hier, je l’en remercie.
Saint Jean Paul II ? Le dernier pape canonisé, faisait référence à celui qui était alors le dernier saint pape, dans son Chirographe sur la musique sacrée, à l’occasion du centenaire du Motu Propio « Tra le sollecitudini » de Saint Pie X, le 3 décembre 2003 :

La commémoration du centenaire de ce document m'offre l'occasion de rappeler l'importante fonction de la musique sacrée, que saint Pie X présente à la fois comme un moyen d'élévation de l'esprit vers Dieu, et comme une aide précieuse dans « la participation active aux sacro-saints mystères et à la prière publique et solennelle de l'Eglise ».
L'attention particulière qui doit être portée à la musique sacrée, rappelle le saint Pontife, découle du fait que celle-ci, « en tant que partie intégrante de la Liturgie solennelle, participe à son objectif général, qui est la gloire de Dieu ainsi que la sanctification et l'édification des fidèles » (…) pour que les fidèles se préparent mieux à recevoir les fruits de la grâce, propres à la célébration des sacro-saints mystères (…) dans le chapitre VI de la Constitution Sacrosanctum Concilium sur la sainte Liturgie, où est rappelée avec clarté la fonction ecclésiale de la musique sacrée: « La tradition musicale de l'Eglise universelle a créé un trésor d'une valeur inestimable qui l'emporte sur les autres arts, du fait surtout que, chant sacré lié aux paroles, il fait partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle »
(…)

Et si une musique n’est pas en conformité avec ces principes ? C’est que tout simplement ce n’est pas de la liturgie, même si tous les cardinaux la dansent et en applaudissant (grâce à Dieu, cela n’a pas été le cas). Oui, mais, bon, il faut s’adapter, il faut « s’inculturer ».

En ce sens, saint Pie X indiquait - en recourant au terme universalité - une exigence supplémentaire pour la musique destinée au culte: "...même s'il est permis à chaque nation - notait-il - d'admettre dans les compositions d'Eglise certaines formes caractéristiques qui constituent en un certain sens le caractère spécifique de la musique qui leur est propre, celles-ci doivent toutefois être soumises aux caractères généraux de la musique sacrée de manière à ce qu'une personne d'une autre nation qui les entende ne puisse pas éprouver de mauvais sentiments" . En d'autres termes, le cadre sacré de la célébration liturgique ne doit jamais devenir un laboratoire d'expérimentations et de pratiques de composition et d'exécution introduites sans avoir été attentivement étudiées.

Nous pouvons alors dire que lorsque nous perdons en universalité, proportionnellement nous perdons peu à peu en catholicité, et c’est le plus dangereux.
Et évidemment le pape insiste sur l’importance du grégorien, qui continue à être aussi un élément d’unité dans la liturgie romaine.
(..)

Bien que cela soit tentant, je n’ajoute pas d’autres citations, mais l’inquiétude se fait jour que s’il y a des principes et des normes « pour les choses de Dieu », on agit souvent comme s’il n’en était rien, et le plus important c’est d’abord d’applaudir. Á notre niveau, au moins, ne contribuons pas à ce que ces principes et ces normes tombent dans l’oubli du fait de notre silence, notre endormissement ou notre fatigue.

En conséquence, sommes-nous obligés d’honorer la façon dont a été célébrée la Messe de Notre Dame de Guadalupe au Vatican ? En aucune façon, de même que nous pouvons aussi ne pas applaudir, imiter ou prendre comme norme, la manière dont certains ministres du culte ont distribué la communion (la vidéo est sur internet) comme s’il s’agissait de bonbons. Il ne faut pas que nous nous habituions à tout ce qui se dit/fait au Vatican, comme si toutes les personnes, les scènes et les faits qui s’y déroulent étaient revêtus d’un incroyable halo d’impeccabilité et d’exemplarité sine qua non.

Quelle place ont ici tous ceux qui d’une façon ou d’une autre se sont montrés des ennemis déclarés de tout ce qui est catholique ? N’y a-t-il pas des évêques et des cardinaux capables de réagir et de résister à ce type d’offenses qui, en dernier ressort ne sont que des soubresauts de haine contre ce qui est la Tradition?
Pour ma part, j’espère que Notre Dame de Guadalupe nous protège de l’indigénisme marxiste, de l’imposition prépondérante de la contre nature et la manipulation de la liturgie pour des show et de la démagogie. Et que Dieu nous trouve toujours, comme Saint Juan Diego (ndt l’indien du Mexique qui a vu ND de Guadalupe) à ses pieds

(*) L’auteur conclut avec des précisions sur la toile couleur d'arc-en-ciel que l’on a vue pendant la fameuse messe «créole» :
« Certains ont voulu justifier sa présence, comme une attention par rapport à l’œuvre que remplit Patricia Sosa en faveur des indiens Tobas du Chaco (zone au nord de l’Argentine). Mais il s’avère que la « wiphala » (terme qui désigne le drapeau à petits carreaux à 7 couleurs des ethnies des Andes que l’on voyait pendant la messe), est en réalité un artifice idéologique utilisé comme drapeau libérationniste de la gauche et non pas une création autochtone des présumés « peuples d’origine » : le format de la « bannière quadrilatère de toile » destinée à ondoyer au vent n’est pas une tradition amérindienne (…) Selon l’historiographie péruvienne, dans l’empire inca il n’existait pas le concept de drapeau et par conséquent il n’y en a jamais eu. La spécialiste de l’empire inca María Rostworowski l'affirme : « les Incas n’avaient pas ce drapeau, aucun chroniqueur n’y fait référence …
En fait nous trouvons que son origine date de la décennie des années 1940 à partir du Congrès indigéniste de Bolivia (1945). Plus tard la grande diffusion de la wiphala s’est produite dans les mobilisations paysannes du syndicalisme indien des années 1970 en Bolivie. Ce qui fait que non seulement nous avons à faire à une liturgie impropre mais à un mensonge historique et une manipulation de la foi, propre à l’idéologie marxiste que sert, peut-être de bonne foi et par ignorance, cette chanteuse, la même qui encourage le mouvement homosexuel.

* * *

NDT
----
(a) en référence à un discours du pape François qui emploie ce mot
(b) Patricia Sosa a été reçue par le Pape qui aurait personnellement demandé qu’elle chante, cf. www.larazon.com.ar/cultura/Patricia-Sosa-Misa-Criolla-Papa)
(c) Titre d'un des plus célèbres tangos des années 40, dont l'auteur est Enrique Santos Discépolo, le mot Cambalache désigne aussi en espagnol l'échange, le troc, la boutique du brocanteur, le méli-mélo et le bric-à-brac....
(d) Mercedes Soza (1935-2009). Voir la fiche wikipedia de cette emblématique chanteuse argentine engagée

* * *

Le mot créole en espagnol (comme par la suite en français) a d’abord désigné les Espagnols donc d’origine européenne et blanche vivant dans les terres des Antilles et d’Amérique en opposition aux Espagnols de la mère patrie (se rappeler la plus célèbre des créoles françaises, l’impératrice Joséphine, épouse de Napoléon). Il est ensuite devenu synonyme d’indigénisme y compris pour les non amérindiens originaires d’Afrique, en opposition avec les blancs, même si les ancêtres de ces blancs étaient implantés dans le pays depuis près d’un demi millénaire… Une messe créole stricto sensu surtout en l’honneur de ND de Guadalupe aurait pu être aussi une magnifique messe selon la liturgie pratiquée dans la vice-royauté naissante de la Nouvelle Espagne, une liturgie qui avait converti l’Améridien récemment baptisé, Juan Diego Cuauhtlatoatzin, à qui la Sainte Vierge était apparue le 9 décembre 1531 sur la colline de Tepeyac, un peu au nord de Mexico.
La messe « créole » a été écrite en 1963 par le compositeur argentin Ariel Ramirez, en pleine effervescence de Vatican II (cf.fr.wikipedia.org/wiki/Misa_Criolla).