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Que personne n'enrôle Benoît

Dans son éditorial de la Nuova Bussola, Riccardo Cascioli revient sur le scoop de SZ et le livre d'Ingrao sur le Synode (21/11/2014)

     

DIVORCÉS REMARIÉS, QUE PERSONNE N'ENRÔLE LE PAPE BENOÎT
Riccardo Cascioli
http://www.lanuovabq.it
20/11/2014
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Coïncidence ou volonté spécifique? Difficile à dire, mais la publication d'un volume des oeuvres complètes du cardinal Ratzinger-Benoît semble être une réponse très claire aux tentatives de l'enrôler dans le «parti» de Kasper pour ce qui concerne l'admission des divorcés remariés à la communion.

Voici les faits: comme «jeune» théologien, le professeur Joseph Ratzinger écrivit en 1972 un article dans lequel - tout en affirmant ne pas remettre en cause l'indissolubilité du mariage - il ouvrait la possibilité de la communion dans le cas d'un «second mariage qui a prouvé qu'il avait pris une dimension morale et éthique», «vécu dans un esprit de foi» avec des «obligations morales» envers les enfants et l'époux/épouse. Ces passages ont même été cités par le cardinal Walter Kasper en préparation du Synode, à l'appui de sa position. Mais voici la surprise: dans le tome qui vient de sortir des oeuvres de Ratzinger, cet article de 1972 a été révisé par l'auteur, qui - selon le journal allemand Süddeutsche Zeitung - en a changé les conclusions, invitant en revanche à réfléchir sur les processus de nullité.

Pour le quotidien allemand, il s'agit d'une réponse du pape Benoît XVI au cardinal Kasper, un moyen de ne pas se laisser instrumentaliser, mais c'est aussi une intervention - quoique indirecte - dans le débat qui enflamme l'Eglise, chose qu'au moment de sa démission, le pape émérite avait promis de ne pas faire. En outre, Benoît XVI est récemment intervenu en envoyant des messages à l'Université Pontificale Urbanienne et aux pèlerins de Summorum Pontificum, avec des mots très lourds à la fois sur l'importance de la mission et sur la participation à la messe selon l'ancien rite. Il y a donc une succession d'interventions dont le sens devra sans doute être examiné avec attentiion.

Mais pour en revenir à l'argument dont il est question, la révision de l'article de 1972 est également importante pour la manoeuvre de plus en plus évidente que les partisans d'un changement de doctrine sur le mariage (bien que masqué par des choix pastoraux) font dans une tentative de prouver que le pape Benoît aussi aurait voulu ces ouvertures invoqués par Kasper et cie.

Une affirmation explicite en ce sens vient à présent du vaticaniste de Panorama Ignazio Ingrao, qui publie ces jours-ci un livre consacré au Synode et à ses dessous (il sera présenté la semaine prochaine à Rome avec la présence, entre autres, d'Emma Bonino). Dans ce livre - selon la recension que lui consacre Andrea Tornielli dans Vatican Insider - il y a un chapitre intitulé «Qui a arrêté Ratzinger?», qui soutient que le pape Benoît était prêt à des ouvertures sur le thème des divorcés remariés, mais a été contraint de renoncer à cause de l'opposition de théologiens et d'évêques non spécifiés, protagonistes d'une «mobilisation silencieuse et cachée pour bloquer toute initiative sur ce front».

À l'appui de cette thèse Ingrao se réfère à deux discours du Pape Benoît: le premier aux prêtres de la Vallée d'Aoste, à Introd en Juillet 2005, le deuxième à la Rencontre Internationale des Familles à Milan en Juin 2012. Dans le discours d'Introd, en réponse à une question d'un prêtre, le pape Benoît XVI, citant le modèle orthodoxe - dit Ingrao - même en le considérant impraticable, laissait ouverte une porte, qui aurait consisté dans cette expression: «Il y donc d'une part le bien de la communauté et le bien du Sacrement que nous devons respecter, et, de l'autre, la souffrance des personnes que nous devons aider». Une route qui n'a plus été «parcourue» - soutient Ingrao - à cause d'opposants internes, mais Milan, la route se serait rouverte avec cette phrase dubitative: «Même si l’absolution dans la Confession n’est pas possible, un contact permanent avec un prêtre, avec un guide de l’âme, est très important pour qu’elles puissent voir qu’elles sont accompagnées et guidées».

[La lecture de l'intégralité] des deux discours du pape Benoît XVI cités par Ingrao, [permet de] juger à quel point l'interprétation du vaticaniste est fantaisiste et intéressée. Les deux fois, en effet, le pape Benoît prend en compte la souffrance de ceux qui se trouvent dans certaines conditions, mais offre surtout une méditation sur la valeur salvifique de la souffrance et le sens de la communion spirituelle. Au point que le cardinal Kasper, justement, dans son discours au consistoire de Février avait presque ridiculisé l'approche de Benoît XVI.

L'invitation à approfondir la question, au contraire, ne va pas dans le sens de l'admission à la communion, mais de la réflexion sur la validité de certains mariages. A Introd, il cite expressément la «situation particulièrement douloureuse pour ceux qui étaient mariés à l'église, mais n'étaient pas vraiment croyants et l'ont fait par tradition, et ensuite se trouvent dans un nouveau mariage non valide, se convertissent, trouvent la foi et se sentent exclus du sacrement». Ce que demande Benoît XVI est donc une réflexion sur les mariages sacramentels sans foi, un problème qui, si d'un côté, il a à voir avec le jugement sur la validité du sacrement lui-même, de l'autre fait référence à la façon dont les prêtres préparent les couples au mariage .

Et c'est ce que Kasper et cie se gardent bien de faire, préférant le raccourci de la «Communion pour tous», une sorte de «6 (sei) politico» (une revendication de 'mai 68' en Italie, associée au "vote pour tous") appliqué aux sacrements. Et ne dites pas qu'il faudra des conditions précises et un chemin pénitentiel rigoureux: quelles conditions peut-on exiger quand déjà aujourd'hui, dans une grande partie des Eglises européennes, des prêtres et des évêques ne se font pas de scrupules à admettre à la communion des divorcés remariés (et pas seulement eux) sans même passer par la confession?

De toute façon, l'intervention du pape émérite régle le problème: au moins, que ceux qui veulent admettre les divorcés remariés à la communion n'essaient de recruter ni le jeune Ratzinger ni le vieux Benoît XVI.

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