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Une messe près du ciel

Histoire d'une photo. Récit inédit. (6/12/2014)

     

Je viens de (re)découvrir le site theratzingerforum , ouvert en 2005, ou même avant, et qui reste une référence incontournable et une mine fabuleuse d'informations sur celui qui est aujourd'hui Pape émérite. Quiconque voudra un jour écrire une biographie sérieuse de Benoît XVI devra forcément passer des heures à en feuilleter les pages.
Un fil ouvert en avril 2006 par une contributrice qui signe <Benodette> s'intitule Papa's Places. Il est consacré, comme son nom l'indique, aux lieux associés à Joseph Ratzinger - on pourrait dire sa géographie personnelle, à la fois intellectuelle et affective.
Voici, par la même Benodette, le très joli récit d'un pélerinage qu'elle a fait en Bavière en octobre 2008, au sommet d'unne montagne bavaroise où le jeune Joseph Ratzinger a célébré une messe devenue célèbre par une photo qui a été très souvent reproduite, sans en préciser les circonstances.
Les très belles photos sont celle de Benodette, je les ai donc seulement reproduites en vignettes (ne sachant pas comment joindre leur auteur pour solliciter son autorisation).
Chaque vignette (sauf celles, généralement en noir et blanc, associées aux photos qui appartiennent à la société Kolping, que j'espère ne pas m'approprier indûment!) renvoie au récit original, en anglais, où les photos sont en plus grand format, accompagnées de la mention © benodette.

Unternberg - Une messe en montagne
13 octobre 2008
(ma traduction)


Lorsque le cardinal Ratzinger fut élu, le 19 Avril 2005, la première photographie de lui comme jeune prêtre à être largement publiée fut celle-ci. Il y eut à l'époque peu d'informations sur le contexte de cette messe en plein air, en dehors du fait qu'elle avait été célébrée sur une colline près de Rupholding. Depuis lors, d'autres images ont paru, prises au même moment.

Cette messe a été célébrée dans un endroit inhabituel - sur une crête, presque au sommet de l'Unternberg, près du joli village de Rupholding dans le sud de la Bavière. La date était le 17 Août 1952. Le Père Joseph Ratzinger avait célébré la messe pour la branche de Traunstein de la Société Kolping. Il était en vacances chez ses parents dans les environs de Traunstein et cette messe était traditionnellement célébrée par un prêtre nouvellement ordonné.

La Société Kolping est une association de laïcs catholiques formée de groupes d'entraide.
Cela ressemble à une forme précoce de mouvement laïc, comme Communion et Libération ou les Focolari.
Elle compte actuellement 450.000 membres répartis dans le monde entier.
Elle a été fondée à Cologne vers la fin du 19ème siècle par Adolph Kolping. Ce dernier fut un prêtre et réformateur social né dans une famille pauvre à Kerpen, près de Cologne en 1813. Il fut ordonné prêtre en 1845 et exerça son ministère parmi les pauvres. (ndt: on trouvera des détails sur la notice Wikipedia en français)

Dans son premier poste de prêtre, à Wuppertal-Elberfeld, il vit la pauvreté des travailleurs, causée par l'industrialisation et changements sociaux qu'elle avait apportés. En raison de la faillite du système des guildes (des confréries), les compagnons avaient perdu leur logement dans les familles de leurs maîtres. A Elberfeld il découvrit une association de compagnons, fondée peu de temps auparavant par le professeur Johann Gregor Breuer. Kolping reconnut dans cette organisation un moyen pour surmonter les problèmes sociaux. De retour à Cologne, Kolping fonda le 6 mai 1849 la première Association des compagnons catholiques, l'ancêtre de la Kolpingwerk (Société Kolping) d'aujourd'hui. L'idée de solidarité et d'aide de la communauté se répandit rapidement à travers l'Europe et au-delà.
La cérémonie de béatification d'Adolph Kolping a eu lieu à Rome le 27 Octobre 1991. Aujourd'hui la société est implantée dans plus de 50 pays.

J'étais curieuse de connaître l'endroit où cette image insolite de Joseph Ratzinger avait été prise et ainsi, à la fin de Septembre (2008), j'escaladai l'Unternberg avec deux amis bavarois. Il n'est pas nécessaire d'être un Sherpa Tenzing pour gravir l'Unternberg. Il y a un parcours bien balisé et bien entretenu jusqu'au sommet, à partir d'un point situé près de la station de télésiège.
Il n'y a pas de difficultés. C'est une montée régulière à travers les bois de pins. L'ascension prend environ une heure depuis un point situé juste au-dessus de la station de départ. L'Unterberg culmine à 1450 mètres.

Septembre est un mois variable au nord des Alpes, et cette année, en Bavière, la neige est venue tôt. Les pics brillaient déjà d'un éclat blanc et les pins en haut de la rangée d'arbres étaient déjà saupoudrés d'argent. Dans les vallées les pâturages étaient encore riches et verts et les vaches paissaient paisiblement avec en fond sonore le tintement des clochettes. Mais le temps change vite, et dans les montagnes les nuages peuvent rapidement envelopper les pentes dans un brouillard dense et une pluie battante.
La météo instable nous a accueillis, le jour prévu pour l'ascension. Alors que nous partions, des voiles de nuages dérivaient au-dessus de la vallée, mais des taches de bleu et des rayons de soleil frappant certains des sommets enneigés nous ont encouragés à continuer.

Le chemin traverse une forêt de pins assez épaisse, on ne voit donc pas la vallée durant la plus grande partie de la montée. On entrevoit au loin quelques pâturages quand le rideau d'arbres se fait moins dense. La première vue spectaculaire s'offre quand le chemin croise le télésiège.

Un gouffre a été creusé tout droit à travers les arbres, du haut de la montagne jusqu'au fond. En dessous le plancher plat de la vallée et au-dessus, une crête rocheuse lointaine. Regarder vers le haut peut être assez décourageant, car cette crête est l'objectif, au terme de la montée.

Le chemin continue vers le haut, serpentant autour de courbes en épingle à cheveux et grimpant toujours plus haut sur le côté de la montagne. La vue suivante apparaît lorsque le chemin traverse la route des pistes de ski. C'est un peu plus encourageant parce que désormais, la crête rocheuse semble beaucoup plus proche, la fin de la rangée d'arbres est visible et la limite des neiges est aussi beaucoup plus proche. Un de mes compagnons bavarois désigne un arbre solitaire lorgnant dessus de la crête. Il m'assure que la croix marquant le site de la messe Kolping est à proximité. Avoir un objectif clairement identifié est une aide, et nous repartons avec une détermination renouvelée.

Au-delà de la piste de ski la pente devient plus agressive et l'ascension se fait un peu plus difficile. Ayant franchi la ligne d'arbres nous nous arrêtons pour une pause et au-dessus de nous, nous voyons distinctement la croix qui se détache sur la neige.

A présent, une fine neige commence à s'accumuler autour de la crête et un vent violent souffle, mais nous avons enfin atteint la crête et nous bataillons vers la croix.
La Croix-Kolping se dresse fièrement, soutenue par les pins saupoudrés de neige et tournée vers la vallée en contrebas.

A travers la dérive des nuages, la vue prodigieuse se dévoile par bribes avant d'être à nouveau voilée. Rupholding s'étend en-dessous, ses accueillants toits rouges ressemblent à des jouets. Autour du village les pentes couvertes d'arbres sont éclaboussées des taches dorées de l'automne. Les pentes coulent vers des pâturages incroyablement verts et les tons roux des bovins ne sont guère plus que des points dans le paysage.

Par une claire journée d'été, cela doit avoir été comme célébrer la messe près du ciel. Même maintenant, avec la neige autour, le hurlement du vent et les nuages qui courent, c'est totalement magique.

Une plaque fixée sur la croix rappelle que "l'aumônier Josef (sic) Ratzinger" a célébré la messe à cet endroit le 17 Août 1952.

L'inscription a été ajoutée en 2006 par la Société Kolping, mais la Croix qui s'élève aujourd'hui n'est pas le même que celle qui était là quand Joseph Ratzinger a célébré la messe sur ce site. La croix commémore en fait ceux qui sont tombés, probablement tués pendant la guerre.

En ce jour d'été d'il y a 56 ans, dans le petit groupe rassemblé autour de la croix, tous portaient des vêtements de randonnée, sauf le jeune aumônier, qui portait un costume sombre soigné avec des chaussures de marche. Il était âgé de 25 ans, et plus que suffisamment en forme pour gérer l'ascension. Il avait été à pied à l'école durant toute son enfance et fait de longues promenades dans les collines avec ses parents.
Combien de jeunes prêtres, aujourd'hui, seraient capables et désireux de gravir une montagne pour célébrer la messe?

Les photos en noir et blanc montrent les nuages gonflés dans le ciel, et le drapeau flottant dans la brise. Sur cette photo, le jeune prêtre est flanqué par le Président Hans Kreipl et à côté de lui le "Senior" Président Alois Sossau. On aimerait savoir si après la messe, le groupe s'est assis sur l'herbe pour savourer un pique-nique et la vue grandiose s'étendant sous eux!

Aujourd'hui, des branches vertes sont fixées à la croix de bois et en dessous, il y a une petite boîte de cuivre avec en relief la lettre K, et un couvercle à charnière. Elle contient un livre, les pages ondulées par l'humidité, dans lequel les gens ont écrit des commentaires sur la promenade, le panorama et les montagnes. Quelques stylos à bille peuvent être trouvés dans le fond de la boîte. Alors, venez, amis de Ratzinger! Sortez vos chaussures de randonnée et allez au sommet de l'Unterberg pour ajouter un poème à ce livre!

La descente est beaucoup plus rapide, alimentée par l'euphorie d'avoir fait l'ascension et atteint l'objectif.

Près du parking de départ il y a un beau chalet de montagne, qui est aussi un restaurant. Il est fait de rondins de bois et il a un balcon sculpté, drapé de géraniums retombants. L'intérieur est lambrissé, chaleureux et confortable, rempli du parfum de la résine de pin et de la fumée de bois.
Il sert une cuisine bavaroise copieuse et aussi des plats végétariens. C'est un bel endroit pour terminer une marche énergique et regarder les lumières qui s'allument peu à peu dans la vallée.

Le lendemain, le soleil brillait et le ciel était du bleu le plus profond. Pendant un moment, j'ai pensé à faire à nouveau l'ascension, mais il y a tellement d'autres beaux endroits à voir en Bavière que mon projet devra attendre un peu.