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Boff contre Messori

L'ex-théologien de la Libération, qui a quitté définitivement la prêtrise en 1992, s'en prend violemment à Vittorio Messori qui a osé exprimer des doutes sur François (2/1/2015)

>>> A propos de Boff (entre autres!):
¤ fr.wikipedia.org/wiki/Leonardo_Boff
¤ benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/leonardo-boff-aime-francois
¤ benoit-et-moi.fr/2014-II-1/actualites/leonardo-boff-veut-un-vatican-iii

     

Messori a osé exprimé, en termes extrêmement modérés, mais dont le poids est lié au prestige de son auteur, les doutes que lui inspire le cours du Pontificat de François. Et il l'a fait dans le premier quotidien italien, Il Corriere della Sera. J'ai traduit ici la tribune qui a été publiée sous sa signature le 24 décembre dernier: benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/franois-ce-que-dit-messori

J'avais personnellement trouvé ses critique assez "pâlotes", en tout cas bien loin des attaques frontales d'un Socci, ou d'autres, moins connus, mais les réactions d'hostilité qu'elle ont suscitées (il suffit de lire les forums italiens) témoignent d'un courage indéniable de sa part: il aurait pu rester douillettement dans son ermitage proche du Lac de Garde, voire se ranger parmi les "normalistes", continuant à écrire tout le bien qu'il pensait du pape en dépit des critiques des mal-pensants. Au lieu de cela, il a choisi de s'exposer, et même, audace suprême, d'évoquer la figure du "bien-aimé Joseph Ratzinger".
C'en était trop. Et les réactions de ses ennemis montrent que l'Eglise de François évolue comme la société civile, et comme l'affaire Zemmour l'a mis en l'évidence: les modernes censeurs, tous du même côté, traquent impitoyablement tous ceux qui osent penser hors des clous - ici du politiquement, là du religieusement correct.
Du reste, Vittorio Messori est coutumier du fait.
Au lendemain de l'élection de Benoît XVI, interviewé par différents médias, il racontait les menaces que lui avait valu son livre d'entretiens avec le futur Benoît XVI, le fameux "rapport Ratzinger" (en français: "Entretiens sur la foi")

Il y a eu un grand vacarme : Ratzinger a été considéré comme un cardinal "restaurateur", et moi, le pauvre journaliste qui l'avait interviewé - non seulement sans le contredire, mais en étant en accord avec lui - j'ai été menacé de mort par des prêtres et des théologiens. C'est la fameuse "rage des clercs", qui, lorsqu'elle explose, est terrible. Je vivais à Milan, et pendant quelques mois j'ai eu d'aller me dissimuler, quand ces "théologiens" du dialogue m'ont agressé.
(cf. benoit-et-moi.fr/2008-II/)

Cette fois, la fronde anti-Messori est mené par Leonardo Boff, qui ressort pour l'occasion les poncifs les plus éculés et les critiques les plus haineuses contre la papauté, et radote longuement sur l'Esprit (très en vogue chez ses amis, et bien commode pour justifier toutes les errances).
Cette sortie a suscité une réaction d'Antonio Socci sur sa page Facebok.
Et Carlota a traduit l'article où le théologien dissident prend à parti le vieux sage italien.
A Boff, on a envie de dire: "Qui es-tu pour juger Messori? Et surtout, pour mettre en doute la qualité de sa foi?"

     
Dis-moi qui tu fréquentes...
Antonio Socci (Facebook, 30/12/2014)

Le 17 décembre, l'ANSA (agence d'information italienne) donnaait la nouvelle que le pape Bergoglio avait demandé à Leonardo Boff de lui envoyer le matériel pour préparer sa nouvelle encyclique sur les questions sociales et écologiques (cf. ansabrasil.com.br/brasil/noticias/vaticano/noticias/2014/12/17/Boff-confirma-ter-enviado-material-enciclica-do-Papa).
Boff, qui a été parmi les pères de la théologie de la libération, est un ex-religieux qui eut en 1984 une déclaration négative (un blâme) de la Congrégation de la doctrine de la foi présidée par Joseph Ratzinger. En 1992, à la suite de plusieurs rappels à l'ordre et admonestations de Jean Paul II, il quitta l'habit religieux.
[Il s'est signalé] pour ses positions fortement imprégnées de marxisme (et par la suite vaguement de New age) et son activité de leader altermondialiste - après avoir soutenu la candidature de Lula à l'élection présidentielle brésilienne , il s'est opposé à lui, le jugeant trop modéré.
Ces derniers jours, Boff qui, en son temps attaqua Jean Paul II comme restaurateur, s'en est pris à Vittore Messori, coupable d'avoir exprimé quelque perplexité sur le pontificat de Bergoglio.
Donc, Bergoglio s'abreuve aux idées de Boff pour sa prochaine encyclique, et Boff exalte Bergoglio attaquant celui qui - très respectiueusement et timidement - avait exprimé quelques doutes.

     
Soutien au Pape contre un écrivain nostalgique
Leonardo Boff

Il faut sauver le soldat François (Carlota)

Voilà donc l’article, paru le 30 décembre 2014 sur le portail de Religión Digital , de Leonardo Boff qui veut sauver le soldat François.
L’auteur est un vieux « théologien de la libération », qui semble n’avoir toujours pas avoir compris que les temps ne sont plus ceux de sa jeunesse, même si bien sûr l’esprit de ce monde continue abondamment à nous polluer l’âme !
Boff pourrait presque être « comique », si le sujet n’était pas aussi grave, quand il met en avant l’Esprit Saint et sa bienheureuse intervention avec François, cet Esprit qui œuvrait si mal pour les précédents papes ! La forme dialectique de son argumentaire est un aussi un modèle d’un genre qui commence à être bien connu … mais je laisse les lecteurs se faire une idée par eux-mêmes.

Au fait, d’après les statistiques, Religión Digital, ce portail d’informations religieuses (au plutôt d’accueil des dissidents ou des adversaires de l’Eglise [Catholique] de toujours) est très très loin d’être en tête un portail très suivi. Dans cet article sur Infocatolica, le blogueur et ingénieur informaticien José Miguel Arráiz donne quelques chiffres : 82% des visiteurs de Religión Digital viennent d’Espagne, et seulement 2% du Mexique, premier pays catholique de langue espagnole du monde ; des portails d’information catholique créés beaucoup plus récemment ont une « audience » bien plus forte comme Religion en Libertad 290 000 suiveurs facebook, Aciprensa 490 000 et même Infocatolica avec 20 000 contre 4900 pour Religión Digital.

Leonardo Boff
Article original en espagnol Religion Digital
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J’ai lu avec un peu de tristesse l’article critique de Vittorio Messori dans le Corriere della Sera précisément en un jour le moins adéquat: la nuit de Noël, la fête de la lumière et de la joie: « Doutes sur le tournant de François ».

L’auteur a essayé d’abîmer cette joie du bon pasteur de Rome et du monde, le Pape François. Mais en vain, parce qu’il ne connaît pas le sens de la miséricorde et de la spiritualité de ce Pape, une vertu dont Messori ne fait sûrement pas la démonstration. L’usage qu’il fait des mots compassion et compréhension, portent en eux du poison. Et il le fait au nom de beaucoup d’autres qui se cachent derrière lui et n’ont pas le courage d’apparaître en public.

Je me propose de faire une autre lecture du Pape François, comme contrepoint à celle de Messori, un converti (!!!) qui, à mon avis, doit encore mener à terme sa conversion avec la réception de l’Esprit Saint, pour qu’il ne redise pas les choses qu’il a écrites.

Messori montre trois insuffisances: deux de nature théologique et une autre par rapport à la compréhension de l’Eglise du Tiers Monde.

Messori est scandalisé par l’ « imprévisibilité » de ce pasteur parce qu’ « il ne cesse de perturber la tranquillité du catholique moyen ».
Il faut se questionner sur la qualité de la foi de ces « catholiques moyens », qui ont du mal à accepter un pasteur qui respire l’odeur des brebis et annonce « la joie de l’Évangile ». Ce sont en général des catholiques culturels habitués à la figure pharaonique d’un Pape avec tous les symboles du pouvoir des empereurs païens romains.
Maintentant apparaît un Pape franciscain « qui aime les pauvres », qui ne « s’habille pas en Prada » ( !!), qui fait une dure critique du système qui produit la misère dans une grande partie du monde, qui ouvre l’église non seulement aux catholiques (!!) mais aussi à ceux qui portent le nom d’ « hommes et de femmes » sans les juger et en les accueillant dans l’esprit de la « révolution de la tendresse », comme il l’a demandé aux évêques d’Amérique Latine réunis l’an passé à Rio de Janeiro.

Il y a un grand vide dans la pensée de Messori.
Il y a deux insuffisances théologiques
D’abord, la quasi-absence de l’Esprit Saint. Je dirais plus, il commet l’erreur théologique du Christomonisme (la pneumatologie), c'est-à-dire qu’il n’y a que le Christ qui compte. Il n’y a pas de place pour l’Esprit Saint. Tout dans l’église se résout avec le seul Christ, une chose que le Jésus des évangiles ne veut pas.
Pourquoi dis-je cela ? Parce que Messori regrette l’ « imprévisibilité » de l’action pastorale de ce Pape.
Or cette action est la caractéristique de l’Esprit, comme l’affirme Saint Jean : « L’Esprit souffle où il veut, tu écoutes sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va » (3,8). Sa nature est l’éruption soudaine avec ses dons et ses charismes. François de Rome en suivant le sentier de François d’Assise, se laisse conduire par son Esprit (ndt: Pauvre Poverello, il a bon dos !).

Messori est l’otage d’une vision linéaire propre à son “bien aimé Joseph Ratzinger” et à d’autres papes antérieurs.
Malheureusement, c’est cette vision linéaire qui a fait de l’église une citadelle, incapable de comprendre la complexité du monde moderne, isolée au milieu des autres Églises (1) et d’autres chemins spirituels, sans dialoguer et apprendre des autres, éclairés aussi par l’Esprit.
Blasphémer (???) contre l’Esprit Saint signifie penser que les autres ont pensé en se trompant.
C’est pour tout cela qu’est suprêmement importante une église ouverte comme la veut François de Rome. Il faut qu’elle soit ouverte aux irruptions de l’Esprit appelé par quelques théologiens « la fantaisie de Dieu » à cause de sa créativité et de sa nouveauté, dans la société, dans le monde, dans l’histoire des peuples, chez les individus, dans les églises. Et aussi dans l’Eglise Catholique.
Sans l’Esprit Saint, l’église se transforme en une institution pesante, ennuyeuse, forte, sans créativité et, arrive un moment où elle n’a plus rien à dire au monde qui ne soient des doctrines, toujours plus de doctrines, qui ne suscitent ni l’espoir ni la joie de vivre.
C’est un don de l’Esprit Saint que ce Pape provienne de l’extérieur de la vieille chrétienté européenne (2). Il n’apparaît pas comme un théologien subtil, mais comme un pasteur qui réalise ce que Jésus a demandé à Pierre : « Confirme les frères dans la foi » (Luc 22,31). François porte avec lui l’expérience des églises du Tiers Monde, spécialement celle de l’Amérique Latine.

Il y a une autre insuffisance dans la pensée de Messori : ne pas valoriser le fait qu’aujourd’hui le christianisme est une religion du Tiers Monde, comme l’a répété tant de fois le théologie Johan Baptist Metz. En Europe ne vivent que 25% de catholiques ; les 72,56% dans le Tiers Monde (en Amérique Latine 48,75%).
Pourquoi une personne que l’Esprit a fait évêque de Rome et Pape Universel ne pourrait-il pas venir de cette majorité ? Pourquoi ne pas accepter les nouveautés qui dérivent de ces églises, qui ne sont plus des églises-image des vieilles églises européennes (3), mais des églises-émergentes avec ses martyrs, ses confesseurs et ses théologies ? (4).
Peut-être que dans l’avenir le siège du primat ne sera plus à Rome et la Curie, avec toutes ses contradictions dénoncées par le Pape François lors de la réunion des Cardinaux et des prélats de la Curie avec des mots qui n’ont pu sortir que de la bouche de Luther (ndt ah, ah, ah, nous y voilà!) et avec une moindre force dans mon livre condamné par le cardinal J.Ratzinger «L’Église, charisme et pouvoir » (1984), là où vit la majorité des catholiques : en Amérique, en Afrique ou en Asie Ce serait un signe conforme à la véritable catholicité de l’Eglise à l’intérieur du processus de mondialisation du phénomène humain.
En vérité j’attendais une plus grande intelligence et ouverture de la part de Vittori Messori avec ses mérites de catholique, fidèle à un type d’Eglise et écrivain renommé. Ce Pape François a amené espoir et joie à de nombreux, très nombreux catholiques et à d’autres chrétiens. Ne perdons pas ce don de l’Esprit à partir de raisonnements bien plus négatifs sur lui.

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NDT

(1) Je ne sais pas si c’est voulu mais il y un E majuscule ici et pas au mot église précédent, dans la vo - c’est peut-être simplement une erreur de transcription…

(2) Il y a plus exotique qu’un pape dont les parents étaient nés en Italie et qui a vécu dans un pays qui s’est fait initialement à travers une nation catholique ayant apporté l’Evangile au nouveau monde

(3) Lesquelles ? Les vieilles églises sans âmes et riche d’Allemagne, les églises de la jeunesse qui marche dans la rue et qui s’oppose au mondanisme du politiquement correct à Madrid, Paris, Rome etc. en rejetant les « contre-valeurs » d’une démocratie chrétienne ou pseudo conservatrice qui a tout accepté toutes les subversions et l’anti-culture catholique depuis un demi-siècle ?

(4) Cela m’étonnerait que Boff pensent aux martyrs tant mexicains qu’espagnols qui sont morts par milliers au cri de Viva el Cristo Rey, dans la première partie du XXème siècle

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