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La fillette de Récife

A propos d'un article paru sur un magazine féminin, retour sur un épisode dramatique et emblématique de l'ère Benoît XVI, il y a juste six ans (8/3/2015)

J'ai lu ces jours-ci, via le Forum catholique, un article paru le 5 mars dernier dans le magazine féminin "Marie-Claire".
Il se présente sous la forme d'une "Lettre ouverte au cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la congrégation pour les évêques au Vatican", et c'est un plaidoyer pour l'avortement et un procés/manifeste de haine contre l'Eglise.

Commençons par souligner une première inexactitude: le cardinal Re est préfet ÉMÉRITE de ladite congrégation depuis 2010, ce qui revient à dire qu'il n'est plus en fonction. C'est le cardinal canadien Ouellet qui est désormais à la la tête du Dicastère.
De plus, le cardinal Re, né en 1934, n'est plus électeur depuis 2014, comme il est indiqué dès l'introduction.
Sans compter qu'ayant suivi de près l'affaire à l'époque, je vois mal en quoi il est impliqué: il ne fut qu'un protagoniste très marginal dans cette affaire, au point que j'ai eu du mal à y relier son nom, et qu'on se demande ce qu'il vient faire ici.
Ces deux premières erreurs, s'ajoutant à l'implication d'un "second rôle" - factuelles, certes mineures, mais qui indiquent une connaissance superficielle, voire aucune connaissance, des faits sur lesquels on prétend porter un jugement (toutes ces informations sont facilement accessibles sur Wikipedia, à croire que les auteurs de l'article ne savent pas l'utiliser), laissent supposer le pire pour la suite.

En lisant le reste, on constate que les craintes sont fondées...

Dans un communiqué de presse de février dernier, le Vatican a formulé le voeu de “faire de l'Eglise un endroit sûr pour les enfants". Le Pape François y écrit que "les familles doivent savoir que l'Eglise fait tous les efforts possibles pour protéger les mineurs".
Dans la mesure où le cardinal Giovanni Battista Re figure toujours au Collège des Cardinaux, et qu’il pourrait participer au synode d’octobre 2015 à Rome, une réflexion de l’Eglise sur la mission de la famille dans le monde contemporain, il nous a semblé important de revenir sur un fait qui nous avait profondément choquées en 2009.
"A vous, qui avez osé affirmer que le viol d’une petite fille de 9 ans, est “moins grave que l’avortement”, nous vous adressons cette lettre au nom de la liberté des femmes et du respect de l’enfance.
Nous vous écrivons aujourd’hui parce que vos propos sont scandaleux, insupportables, intolérables.
Rappelons les faits. En 2009, au Brésil, une petite fille de 9 ans est régulièrement violée par son beau-père. Elle tombe enceinte. De jumeaux. La loi brésilienne autorisant l’IVG en cas de viol ou de grave danger de santé (ce qui était doublement le cas pour cette enfant), elle se fait avorter à l’hôpital grâce à l’aide de sa mère, qui ignorait tout des faits et fuit le domicile conjugal pour sauver ses enfants. C’est alors que l’archevêque de Recife juge bon d’excommunier cette petite fille, sa mère, et tout le corps médical ayant pratiqué l’IVG. Face à la polémique, le Vatican le soutient, en la personne du cardinal Giovanni Battista Re.
Le beau-père, lui, le violeur, le criminel, n’a pas été excommunié. Et non. Parce que, comme vous l’avez dit, “le viol est moins grave que l’avortement”. Écoeurement. Stupéfaction. Nous rappelons que cet homme abusait de l’enfant depuis ses 6 ans, ainsi que de sa sœur aînée de 14 ans, de surcroît handicapée. Cet homme, selon vous, mérite de rester dans votre Eglise, mais pas cette petite fille abusée, meurtrie, torturée, ni ceux qui ont voulu l’aider. Mais messieurs, quel genre d’Eglise est votre Eglise …?
(...)
Marie-Claire

Mais reprenons brièvement les faits - les vrais, pas ceux à demi inventés par les militantes du magazine féminin.
Ils remontent à mars 2009. On était en plein dans la tempête médiatique inuouïe qui avait secoué la barque de l'Eglise après que les propos de Benoît XVI sur le préservatif, dans l'avion vers le Cameroun, eusent été scandaleusement déformés.
Le 7 mars, une dépêche très orientée (pléonasme) de l'AFP annonçait (cf. benoit-et-moi.fr/2009-I ):

Le Vatican soutient l’excommunication de la mère d’une Brésilienne de neuf ans ayant avorté après avoir été violée.
La fillette était enceinte de quinze semaines de deux jumeaux, à la suite de viols répétés de son beau-père, âgé de vingt-trois ans.

Le Brésil est le plus grand pays catholique au monde… L’IVG y est interdite sauf en cas de viol ou de danger de mort pour la mère.
Les membres de l‘équipe médicale qui ont pratiqué l’avortement ont été excommuniés eux-aussi par l‘église brésilienne :
“Dans ce cas, l’avortement était légal, explique l’un des médecins. Elle a été violée et sa vie était en danger. En tant que docteur, je n’avais pas le droit de lui faire courir le risque de perdre la vie”.
Mais l’archevêché brésilien est resté soumis aux dogmes de l’Eglise… Impossible pour lui de s’adapter à ce cas extrême:
“La loi de Dieu est supérieure à toute loi humaine, explique l’archevêque. Si une loi créée par l’homme va contre celle de Dieu, alors elle n’a aucune valeur”.
L’affaire ne manquera pas de relancer le débat sur l’avortement, que le ministère brésilien de la Santé tente en ce moment de dépénaliser.

Le déchaînement médiatique était immédiat, féroce et planétaire - et en France, il commençait dans La Croix.

Tout d'abord, contrairement à ce qu'affirme les militantes de Marie-Claire, l'article de l'AFP reconnaît bien que la fillette n'avait évidemment pas été excommuniée et que ce n'est pas "le Vatican" mais l'évêque local, qui avait simplement rappelé la loi de l'Eglise.
L'Osservatore Romano avait lui-même pris indirectement position contre l'évêque de Récife - qui s'était contenté de rappeler la loi de l'Eglise - à travers une lettre de l'archevêque Fisichella, semant la division jusqu'au sommet de l'Eglise - mais ceci est une autre question, qui a été en particulier abordé par Sandro Magister ici et .

Selon le Code de Droit Canonique, l'excommunication de ceux qui procurent l'avortement est une censure dite latæ sententiæ, c'est à dire qu'elle agit automatiquement. Aussitôt fait l'avortement, l'équipe médicale et ceux qui procurent ce meurtre sont excommuniés par la loi elle même, qu'ils le sachent ou non. Un évêque ne peut que déclarer la peine encourue. En ce cas la mère de l'enfant avorté n'a pas encouru l'excommunication car en dessous de quatorze ans on ne peut encourir une peine latæ sententiæ.
Il est évidemment impossible de lever cette excommunication sans repentir.

Dans le déroulement normal d'un procès, en régime démocratique, l'accusé a en principe le droit de se défendre.
Pas ici. Le procès avait été uniquement à charge, utilisant un fond de véridicité pour faire passer un tombereau de mensonges.

Quelques médias (malheureusement à trop faible diffusion) avaient essayé courageusement d'endiguer ce raz-de-marée de calomnies masquées sous une fausse compassion.
C'est le cas de l'hebdomadaire Famille Chrétienne. L'article original a été effacé du site, mais il est resté sur le mien, et je le reproduis ici:

Excommunication de la mère et des médecins brésiliens
Le témoignage du curé de la paroisse

Famille Chrétienne , 21/03/2009
Samuel Pruvot
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Les propos de l’archevêque de Recife ont fait le tour du monde au lendemain de l’excommunication de la mère et des médecins ayant décidé d’un avortement pour une fillette de neuf ans violée par son beau-père. Le père Edson Rodrigues, curé de Alagoinha, qui a accompagné les parents de la victime, livre à "Famille Chrétienne" sa version des faits.
Les parents, hostiles à cette extrémité, auraient été victimes de pressions illégales.

"Notre ville a été secouée par une nouvelle tragique : une enfant de neuf ans victime des abus sexuels de son beau père était enceinte de jumeaux. Sa sœur aînée, âgée de 13 ans, avait subi les mêmes sévices. Cette horrible histoire durait depuis près de trois ans.

Quand le conseil de Alagoinha a découvert les faits, il a tenté de tout mettre en œuvre pour aider les enfants et les parents. Le 27 février, la justice a confié les enfants à l’institut médical légal de Caruaru, dans l’Etat de Pernambuco. D’autres examens complémentaires ont été réalisés (avec des sexologues, des psychologues) ensuite à l’institut médical de l’enfance de Recife. C’est à cet endroit que la victime a rencontré une assistante sociale du nom de Karolina Rodrigues et son assistante Marie-José Gomes. Cette dernière a refusé l’hypothèse de l’avortement au nom de sa conscience chrétienne.
Karolina Rodrigues a décidé de porter ce cas devant le conseil de Alagoinha. Les cinq conseillers de la ville ont refusé pour les mêmes motifs. Ils ont transmis leur avis à l’institut médical de Caruaru. Une copie a été donnée à Karolina Rodrigues en ma présence et celle du père de la victime, monsieur Erivaldo.

Le 28 février, je suis invité à participer au conseil de l’institut médical de l’enfance de Recife en compagnie de Marie-José Gomes et de deux membres de notre paroisse. Nous en profitons pour aller visiter la victime et sa mère. Elles se trouvent au quatrième étage de l’établissement, dans un appartement isolé. L’accès est très strict. Je suis obligé de rester dans le couloir mais j’arrive à parler avec la mère de la petite. Elle m’avoue "avoir signé des papiers". Je m’inquiète car cette femme est analphabète. Comme elle est incapable d’apposer sa signature, on a pris ses empreintes digitales. Je lui demande ce qu’elle pense à propos de l’avortement. Elle montre des sentiments très maternels et surtout une préoccupation extrême pour sa fille. Elle répond : "Je ne veux pas que ma fille avorte..." La maman me parle de son état de santé : "Ça va bien, elle joue avec des poupées qu’on vient de lui donner". Nous repartons avec la ferme conviction que la mère est totalement défavorable à l’avortement de ses petits fils. "Personne n’a le droit de tuer personne, ajoute-t-elle. Seul Dieu peut disposer de la vie..."

Le 2 mars, nous retournons à l’institut de Recife. Nous sommes autorisés à monter au 4e étage pour visiter la victime. Mais, arrivés au premier étage, un fonctionnaire de l’institut nous interdit de monter plus haut. Il nous demande de voir l’assistante sociale dans un autre bâtiment. Nous tombons nez à nez avec Karolina Rodrigues. Je suis en compagnie de Marie José Gomes et de monsieur Erivaldo qui s’oppose à "l'avortement de ses petits fils". Quand l’assistante découvre mon identité, elle dit devant tout le monde : "Il s’agit d’une affaire médicale même si le prêtre qui est là estime pense qu’il s’agit d’une question de morale". Nous interrogeons Karolina Rodrigues sur l’état de santé de l’enfant. Elle affirme que tout est déjà résolu avec l’accord de la maman. La procédure médicale va suivre son cours. Elle insiste sur son état critique sans fournir aucun élément de la part d’un médecin. Elle se retranche aussi derrière la loi : "Dans ce cas, le mieux est de sauver la vie de l’enfant". Nous répondons : "Il n’y a pas une seule vie à sauver mais trois !" Elle ne veut rien entendre. Karolina Rodrigues demande à Monsieur Erivaldo de lui parler seul à seul. Pendant près de 25 minutes. En sortant, ce dernier me révèle qu’il vient de changer d’avis à propos de l’avortement : "L’assistante m’a prévenu que ma fille était menacée de mort... Si elle est en danger, il faut la sauver... Quitte à lui retirer les fœtus" a-t-il murmuré.

Tout paraissait alors terminé. C’est alors que l’archevêque de Recife, dom José Cardoso, et l’évêque de Pesqueira, dom Franceso Biasin, se sont impliqués dans la procédure. Mgr Cardoso a convoqué un groupe de médecins, d’avocats, de psychologues, de juristes pour étudier la légalité de cette affaire. Lors de cette réunion, le 3 mars, à la résidence de l’archevêque, il y avait le directeur de l’institut médical de l’enfance de Recife, Antonio Figueiras. Il a reconnu en public les pressions exercées par Katerina Rodrigues. Il a contacté l’hôpital pour suspendre l’avortement.

Un peu plus tard, l’archevêque de Recife reçoit un appel de monsieur Figueiras l’informant qu’un groupe féministe – "Curumin" – aurait convaincu la maman d’accepter un transfert de sa fille vers un autre hôpital. Nous retournons sur place avec Maria Gomes. On l’a fait attendre en prétextant la rotation des équipes (l’enfant était déjà transférée). Personne n’ose lui dire quelque chose. Comment une personne en péril de mort peut-elle obtenir un bon de sortie ? Comment l’état de la victime a-t-il pu changer si rapidement ? Qu’est-ce que le "Curumin" a pu dire à la mère ?

Le 4 mars, nous apprenons que l’enfant est internée à l’hôpital de CISAM (centre intégral de santé Amaury de Medeiros spécialisé dans les grossesses à risques). Cela se trouve au nord de Recife. Notre espoir de voir les deux enfants vivants disparaît brutalement. Tout cela à cause de d’une manipulation de conscience et d’un manque de respect pour la vie humaine. J’ai raconté tout cela pour que les gens sachent la vérité."

Et Jeanne Smits avait interviewé pour Présent Mgr Cardoso Sobrinho, l'archevêque de Récife.
L'interviewe complète en anglais est sur son blog:
Extraits:

Interview de l'archevêque de Récife

- Après l'affaire de la petite fille violée d'Alagoinha, et le désaveu par L'Osservatore Romano de vos déclarations sur l'excommunication automatique de ceux qui ont décidé ou pratiqué son avortement, une tendance se dessine dans les médias pour dire que la doctrine de l'Eglise a changé sur la question de savoir si l'avortement en cas de danger de mort ou d'autres circonstances particulières est un mal, est un péché.. D'un autre côté, les mensonges médiatiques qui ont entouré cette affaire ont été particulièrement nombreux et graves... Voudriez-vous nous expliquer ce qui s'est réellement passé ?
- (..) il y a quelques personnes, en France, au Canada, y compris des évêques, qui ont écrit des articles pour dire leur désaccord. Dans un esprit de dialogue, je voudrais d'abord dire qu'il n'est pas vrai de dire que nous - c'est-à-dire moi-même, mais aussi le curé de la petite fille - n'avons pas fait preuve d'une particulière attention à son égard. Nous avons donné toute notre attention et tous nos soins à la fillette enceinte. Ce qui a été malheureusement publié n'est tout simplement pas vrai : nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour l'aider.

- Lorsque vous avez parlé d'excommunication automatique de la mère de la fillette et des médecins participant à l'avortement, l'avez-vous fait avant ou après le moment où celui-ci fut accompli ?
- J'en ai parlé avant et après, comme cela a été clairement exprimé dans la note publiée par l'archidiocèse de Recife en réponse à l'article de Mgr Fisichella : dès le 3 mars, veille du jour où l'avortement fut accompli, j'évoquai devant des journalistes la « peine médicinale » du canon 1398. Malheureusement, l'article de Mgr Fisichella affirme que la première fois où je m'exprimai devant la presse sur cette affaire, je n'ai parlé que d'excommunication. Cela est totalement faux. J'ai parlé plusieurs fois parce que cette affaire d'une fillette de neuf ans enceinte avait attiré l'attention de toute la presse. Et surtout, nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour sauver trois vies : pas seulement celle de la petite fille, mais les trois vies. Lorsque pour finir l'avortement a eu lieu, j'ai rappelé simplement une nouvelle fois quelle est la loi de l'Eglise. Toute personne qui - en pleine conscience évidemment - commet des avortements est excommuniée : voilà le sens de ma déclaration.

- Est-il vrai que la petite fille était rachitique, ou dénutrie ?
- Pas du tout ! Cette petite fille enceinte, même lorsqu'elle fut hospitalisée, vivait avec d'autres enfants et jouait avec eux ; elle vivait une vie normale d'enfant.

- Savait-elle qu'elle attendait deux enfants ?
- Oui, évidemment ! Non seulement elle le savait, mais elle disait qu'un de ses enfants serait pour un membre de sa famille, et l'autre pour elle pour qu'ils puissent jouer ensemble. On a su par la suite qu'il s'agissait de deux petites filles...

- Y a-t-il eu des manifestations contre l'avortement à proximité de la clinique où se trouvait initialement la fillette ?
- Non, dans les rues pas du tout. En revanche, dans les journaux et à la télévision il y eut beaucoup de pressions pour l'avortement, et des associations « féministes », comme vous le savez, sont intervenues pour promouvoir l'avortement de la fillette.

- La fillette a-t-elle été à aucun moment en danger de mort ?
- Non, jamais. Les médecins me l'ont affirmé explicitement.
Ils espéraient qu'à six mois de grossesse, il serait possible de pratiquer une césarienne. Mais comme ce groupe de « féministes » voulait l'avortement, ils sont venus à l'IMIP (Institut maternel et infantile de Pernambuco) où la fillette était hospitalisée pour l'emmener vers l'autre « centre de santé » et l'avortement a été pratiqué dans les heures suivant son arrivée.... C'est une clinique dont on sait très bien par ici qu'elle pratique habituellement des avortements.

Conclusion

L'affaire de Récife n'a été qu'un épisode de la lutte sans merci que le monde mène contre l'Eglise. La lettre ouverte de Marie-Claire prouve que, pape François ou pas, cette guerre n'est pas finie, elle est même prêtre à se rallumer, et avec plus de violence encore, à la moindre étincelle, càd au moindre "dérapage" du pape [(*)].
Je laisse le mot de la fin au Père Scalese, qui écrivait à chaud un magnifique billet que j'avais traduit à l'époque:

De la part de l'Évêque brésilien

querculanus.blogspot.com
24 mars 2009
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Hier Sandro Magister a publié sur son site un article intitulé «Bombes à retardement: En Afrique le préservatif, au Brésil l'avortement».

Après avoir fait référence à la désormais archi-connue question du prophylactique, Magister s'arrête sur une autre question, qui risque d'être encore plus nuisible pour l'Église : la question de l'enfant brésilienne de neuf ans contrainte à avorter de deux jumeaux après été violée de façon répétée par son beau-père.
Comme vous vous en souvenez, l'Archevêque d'Olinda et de Recife (le diocèse où s'est produit l'avortement), Dom José Cardoso Sobrinho, avait rappelé la loi ecclésiastique en vigueur en matière d'avortement (le can. 1398, qui prévoit l'excommunication latæ sententiæ pour celui qui procure l'avortement, en obtenant l'effet), en précisant que, dans ce cas précis, l'excommunication concernait les médecins et pas l'enfant. Quelques jours après, sur l'Osservatore Romano, paraissait un dur article intitulé "De la part de l'enfant brésilienne", signé par Mgr Rino Fisichella, Président de l'Académie Pontificale pour la vie, qui pratiquement désavouait les actes de l'Archevêque d'Olinda et Recife. Le lendemain de la publication de l'article, sur le site de l'Archevêché brésilien, étaient diffusées quelques « Clarifications », sous la signature du Vicaire général, du Chancelier, du Recteur du séminaire et de l'Avocat de l'Archevêché, en plus du Curé d'Alagoinha (dans un autre diocèse), lieu d'origine de l'enfant. Par ces « Clarifications » les criques du Vatican étaient repoussées véhémence.

Eh bien, pour être franc, je trouve tout cela particulièrement inquiétant. Un nouveau dérapage. Heureusement, dans ce cas, le Saint-Père n'était pas impliqué; mais quoi qu'il en soit, l'Osservatore Romano n'est pas un bulletin paroissial et l'Académie Pontificale pour la vie est un organisme de la Curie Romaine : ce n'est pas très édifiant d'assister à une diatribe entre un Archidiocèse, et le Saint Siège. Je ne veux pas entrer dans le vif de la question (aussi parce que je reconnais qu'il s'agit d'une question très complexe et délicate, et je n'ai pas de compétence en la matière) ; je veux seulement m'arrêter sur la forme, sur la procédure qui a été suivie.
Eh bien, selon moi, certaines choses ne devraient vraiment pas arriver. Comment est-il possible que du journal du Saint Siège partent des flèches contre un Archevêque, sans que l'on ait tenté de le contacter pour un éclaircissement ? Ils ont bien fait, les collaborateurs de cet Archevêque, (on remarque la classe : pas lui directement !) de réfuter l'attaque : « L'auteur s'est arrogé le droit de parler de ce qu'il ne connaissait pas, sans faire l'effort de discuter par avance de manière fraternelle et évangélique avec l'Archevêque, et par cet acte imprudent il cause une grande confusion parmi les fidèles catholiques du Brésil. Au lieu de consulter son frère dans l'épiscopat, il a préféré donner crédit à notre presse très souvent anticléricale ».
Mgr Fisichella avait accusé Dom José de précipitation ; à ce qu'il semble, le seul à s'être précipité a été justement le Président de l'Académie de la vie.

Dans de semblables situations, il faut être très prudent. Il y a des critères généraux qui ne peuvent pas être « expédiés ».

1. En principe, il faut accorder du crédit à ceux qui sont directement impliqués dans un événement. Le « principe de subsidiarité » interdit à l'autorité supérieure d'interférer dans les décisions de l'autorité inférieure, s'il n'y a pas des raisons suffisantes pour le faire. La raison est simple : seul celui qui est sur la place connaît bien la situation et donc sait comment il vaut mieux se comporter dans ces circonstances déterminées. Certes, il peut se tromper (comme tous, du reste), mais il faut lui faire confiance.

2. Dans toute chose, il existe une procédure qui doit être respectée. Si vraiment il y a quelque chose de grave, avant de réprimander publiquement, il serait opportun de rappeler en privé. Je n'ai pas l'impression que dans d'autres cas récents, qui auraient mérité des interventions bien plus décisives, on ait suivi cette route. Pourquoi? Peut-être parce que dans ces cas il s'agissait d'Évêques européens et dans celui-là d'un Évêque du « tiers-monde » ?

3. Il est très dangereux de censurer un Évêque de cette façon : cela signifie pratiquement « le délégitimer ». Justement les « clarifications » font remarquer que l'intervention romaine cause une grande confusion parmi les catholiques brésiliens.
Quelle serait donc la faute de l'Archevêque d'Olinda et de Recife ? Celle d'avoir rappelé l'enseignement et la loi de l'Église. Qu’on y réfléchisse: sa faute est seulement celle d'avoir rappelé : Dom José n'a excommunié personne ; il a seulement dit qu'en certains cas, les adultes (pas les enfants) encourent l'excommunication.

4. Prenons garde à accorder du crédit aux media plutôt qu'à nos frères qui se battent en première ligne. Ne nous illusionnons pas de connaître la réalité, parce que nous lisons les journaux ou regardons la télévision ; mais ne nous apercevons-nous pas qu'il s'agit là d'une réalité purement virtuelle. Seul un témoin direct, sait comment les choses se sont vraiment passées.

5. Soyons aussi attentifs à ne pas vouloir à tout prix apparaître attentionnés, compréhensifs, humains. Ces attitudes sont importantes, mais elles doivent toujours être conjuguées avec le respect de la vérité. Si elles sont dictés par le désir d'apparaître 'à la page' (en français dans le texte), satisfaire les media ou nous attirer la sympathie des masses, ces attitudes deviennent une caricature et finissent par obtenir l'effet contraire.

Note

(*) Comme en témoigne la conclusion de l'article de Marie-Claire, et ses menaces à peine voilées:

Si c’est de cette Eglise là que ces personnes ont été excommuniées, nous considérons alors que c’est un honneur pour elles que de ne plus faire partie de cette communauté, car elle va à l’encontre de toutes les valeurs humanistes qui devraient régir la société. Nous espérons que comme l’écrit le pape François dans son dernier communiqué, l’Eglise prendra désormais réellement en consideration les victimes d’abus sexuels et ne fermera plus les yeux."
Marie-Claire

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