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Les approximations du cardinal Wuerl

Le prélat américain s'est référé au cardinal Billot, pour s'en prendre aux "dissidents". Mais ce qu'il a dit n'est pas exact. (mise à jour ultérieure)

>>> Ci contre: le cardinal Louis Billot (1846-1931). Image www.findagrave.com

Dans son blog, repris par Andrea Tornielli (cf. Le cardinal Wuerl à la rescousse), le cardinal Wuerl a voulu illustrer à sa façon le fait que la dissidence a toujours existé dans l'Eglise.
Il raconte un épisode de ses années de séminaire, en 1961, lors de la publication de l'Encyclique de Jean XXIII Mater et Magistra, soulignant à quel point il avait été choqué en voyant le mauvais accueil qu'elle avait reçue dans certains milieux catholiques.
Il écrit ensuite:

C'est alors que j'entendis parler pour la première fois du cardinal Louis Billot qui était moins que discret dans son opposition au pape Pie XI qui avait condamné le mouvement politique et religieux, l'Action française, qui impliquait beaucoup de gens qui aspiraient à la restauration de la monarchie en France et un rôle plus important pour l'Eglise dans le gouvernement civil. En 1927, comme le dit l'Encyclopédie catholique, le cardinal Billot "a été convaincu de renoncer à sa dignité cardinalice."
http://cardinalsblog.adw.org/2015/02/pope-touchstone-faith-unity/

Je ne sais pas quelle est cette "Encyclopédie catholique" à laquelle le cardinal Wuerl fait allusion, mais cela contrdit la notice wikipedia de Louis Billot en français :

Le cardinal Billot critiqua sévèrement la conduite du pape Pie XI vis-à-vis de l'Action française, condamnée par Rome en 1926 (condamnation levée par Pie XII en 1939), si bien que le pape le convoqua au Vatican pour des explications. C'est le 13 septembre 1927 que Pie XI le reçut en audience. Les collaborateurs de la Curie s'attendaient à entendre des cris et des paroles enflammées à travers la porte du bureau du pape, mais l'audience du cardinal Louis Billot fut étrangement brève et silencieuse. Quand Billot sortit de chez le pape, il n'était plus cardinal : il s'était sans cérémonie dépouillé de ses insignes et de son titre cardinalice, indigné de la prise de position du souverain pontife et du Secrétariat d'État contre le mouvement fondé par Charles Maurras. Tous les insignes de l'ex-cardinal Louis Billot restèrent dans le bureau du pape, qui accepta officiellement sa démission le 21 octobre. Son geste sera expliqué publiquement, mais après sa mort, par la publication d'une de ses lettres datée du 2 mars 1928 à Études :

« (…) J'ai toujours répondu, soit de vive voix, soit par écrit, à tous ceux qui me consultaient sur la ligne de conduite à tenir, qu'il leur fallait non seulement éviter avec soin tout ce qui aurait un semblant d'insoumission ou de révolte mais encore faire le sacrifice de leurs idées particulières pour se conformer aux ordres du Souverain Pontife. Pour ma part personnelle, je me suis, tout le premier, tenu à cette règle7… »

C'est comme simple prêtre jésuite qu'il mourut près de Rome le 18 décembre 1931, à l'âge de 85 ans. Il est enterré au cimetière du Campo Verano à Rome.

Anna me signale à ce sujet un excellent commentaire (*) faisant suite au billet que le site Chiesa e post Concilio a consacré à l'interview du Cardinal Burke par France 2, le 8 février dernier.

A propos de la déclaration du cardinal Wuerl sur le «cas Billot», je pense que sa référence n'est pas correcte.
D'après ce que j'avais lu il y a un certain temps, le «cardinal Billot ne fut pas convaincu de renoncer» à la barrette. C'est lui qui renonça, de sa propre initiative, prenant tout le monde au dépourvu et Pie XI, bien que surpris, accepta sa démission. Il alla chez le Pape en audience et il en sortit peu de temps après sans les insigne de cardinal, qu'il avait remis au pape.
Le cardinal Billot fut une figure de théologien et intellectuel éminent, bien sûr haï par les néo-modernistes. Il faudrait traduire au moins certains de ses écrits, en latin. Je rappelle ici, de son traité "De Ecclesia Christi" (éd. 1927), la Quaestio XVII: pp. 17-62 du second volume, qui contient une critique très actuelle du concept moderne et destructeur de liberté comme l'absence de toute contrainte. Peut-être existe-t-il quelque vieille traduction.
Billot protesta de façon courageuse (si seulement Ottaviani et quelques autres l'avaient fait après Concile et même pendant!) contre l'absurde condamnation papale de l'Action française, qui provoqua des dommages irréparables: ce n'était pas le bon moyen pour résoudre les problèmes existant avec certaines des valeurs professées par l'AF, organisation qui attirait de nombreux éléments catholiques valables et qu'il fallait au contraire conduire pleinement, même par degrés, au sein de l'Eglise.
Mettre le tout dans le même sac d'une «dissidence» générique, comme le fait l'ambigu Wuerl, est incorrect.

Les manoeuvres pour isoler Burke, en utilisant la technique bien établie du lynchage médiatique, ont commencé. Devons-nous être surpris? Il a eu le courage de proclamer qu'il résistera si le Pape devait approuver des choses contraires à la vraie doctrine catholique.
(..)

Mise à jour

(*) Anna me précise également que l'auteur du commentaire, Paolo Pasqualucci, est un philosophe catholique italien connu (un précision utile qui donne un certain poids à ses propos), dont on trouve une biographie ici: www.edizionisolfanelli.it/paolopasqualucci.htm

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